Dans un contexte où une toute nouvelle révolution numérique est en marche, de nombreuses transformations sont à prévoir. C’est le cas pour le secteur des technologies de l’information, qui connaît un renouveau sans précédent avec l’arrivée des intelligences artificielles. Par conséquent, de nombreuses questions peuvent se poser : va-t-il y avoir de nouveaux métiers ? D’autres vont-ils disparaître ?
Pour les professionnels du secteur, comment former la future génération de travailleurs à l’ère de l’IA ? Il est déjà possible de constater des changements profonds dans les métiers de la tech. Mais en dehors d’un gain de temps et de productivité, que vont apporter les intelligences artificielles au secteur ? S’agit-il uniquement de points positifs ? Dans ce contexte où il est nécessaire d’imposer de nouvelles réglementations pour évoluer en harmonie avec ces nouveaux outils, et où les métiers « traditionnels » sont chamboulés, nous avons rencontré Emna Bahri, Directrice nationale de l’Innovation et de la Pédagogie à l’EPSI.
JUPDLC : Tout d’abord, pouvez-vous nous présenter l’écosystème des technologies de l’information ?
Emna Bahri : Avec la révolution numérique, l’écosystème des technologies de l’information devient de plus en plus vaste et surtout en constante évolution.
Si l’on se base sur l’architecture d’une organisation, nous pouvons apercevoir les principales tendances : la partie réseaux et infrastructures, où nous trouvons le cloud avec les différents services (Iaas, PaaS, SaaS), les 5G et les IOT et les technologies de la cybersécurité.
Pour la partie applicative, nous trouvons les technologies immersives avec les AR et VR, la blockchain, et l’arrivée du web 3.0. Pour la partie fonctionnelle, l’omniprésence de l’IA, le big data, le deep learning. Enfin, pour ce qui est de la partie processus, nous trouvons en plus de l’automatisation, et l’IA, les réglementations RGPD et l’éthique.
JUPDLC : Quels métiers font partie du domaine ? Quels sont ceux qui sont les plus fréquemment exercés ?
Emna Bahri : Les principaux métiers et les plus fréquents du domaine des TI sont ceux de développeur applicatif, d’administrateur système, d’architecte IT, ou encore de chef de projet informatique. Mais beaucoup de nouveaux métiers émergents sont également nés à la suite de cette révolution numérique comme le développeur IA, l’expert IA et ou le data scientist, l’expert cybersécurité, ou encore le concepteur intégrateur devops.
JUPDLC : En France, 97 % des 18-24 ans savent ce qu’est l’IA, contre 51 % chez les 75 ans et plus, selon Le Point. Au sein de vos cours, comment vous adaptez-vous à cette révolution technologique ? Avez-vous, vous-même, recours à l’IA ? Conseillez-vous son utilisation à vos étudiants ? Quels changements avez-vous déjà pu constater dans les métiers de la tech ?
Emna Bahri : Effectivement, la tendance actuelle est l’omniprésence de l’IA dans notre quotidien et nos métiers. Afin de préparer les futurs embauchés à cet environnement technologique, nous proposons dans toutes nos formations des modules autour de l’IA. Nous proposons notamment un format de sensibilisation à l’intelligence artificielle pour les parcours de formation visant des métiers plutôt fonctionnels. Mais aussi des modules et des ateliers pratiques avancés sur l’utilisation et le développement basé sur l’IA pour les parcours de formation visant des métiers d’expertise dans ce domaine.
En tant que directrice de l’innovation, j’utilise l’IA pour analyser les évolutions des compétences dans les métiers du numérique, pour automatiser des générations de contenus mais aussi pour bien cibler les profils des candidats aux formations demandées. L’utilisation de l’IA comme un process d’aide à la décision dans mon métier est très pertinente. Vu toutes les avancées en la matière, avec l’arrivée de l’IA conversationnelle et de l’IA générative, je conseille amplement aux étudiants d’utiliser cet outil comme une ressource leur permettant d’accélérer le développement.
Mais il faut avant tout bien comprendre son fonctionnement : comment la paramétrer et la mettre en action pour en tirer toute sa valeur ajoutée. En revanche, une utilisation de l’IA par défaut sans compréhension et sans esprit critique, ne peut être que sans valeur ajoutée pour les utilisateurs, et néfaste pour les étudiants.
Enfin, j’ai constaté l’apparition des nouvelles compétences et des nouveaux métiers dans l’environnement de la tech. Par exemple : codeur prompt, codeur low code, génération automatique des scripts et du code.
JUPDLC : Selon Hubspot, et pour 84 % des professionnels, les outils d’automatisation sont synonymes de gain de temps. En dehors de ce gain de temps et de productivité concernant les tâches dites « répétitives », que pourrait apporter l’IA sur le marché ?
Emna Bahri : Je pense qu’en plus du gain du temps, l’IA pourrait apporter une excellence opérationnelle du côté de la prise de décision. Notamment avec l’analyse prédictive mais aussi grâce à l’amélioration de l’innovation, puisque l’IA est un pilier de la R&D !
JUPDLC : 60 % des professionnels se disent inquiets à l’idée que l’IA puisse remplacer leur poste. Pensez-vous que celle-ci puisse créer de nouveaux métiers dans le secteur des IT ? Ou, au contraire, en remplacer certains ?
Emna Bahri : Je suis persuadée que l’IA va créer des nouveaux métiers. On commence déjà à les voir sur le marché de travail au sein des offres d’emploi, comme le développeur IA ou l’ingénieur en IA. Mais je ne pense pas que l’arrivée d’une nouvelle technologie puisse remplacer ou supprimer des métiers. Certes, certains métiers doivent s’adapter à ce nouvel environnement technologique avec des mises à niveau en termes de compétences, mais pas supprimer complètement un poste ou un métier.
JUPDLC : Concernant le codage, que pourrait permettre l’utilisation des IA ? Selon vous, quelles sont les limites ?
Emna Bahri : L’utilisation de l’intelligence artificielle est en train de transformer le métier de développeur pour faciliter et automatiser certaines tâches. Notamment, la génération d’une première version d’un script à améliorer, la détection et la correction des bugs, ou encore l’optimisation du code. Cela permettra d’améliorer la qualité du code mais aussi d’augmenter la productivité de tous les développeurs qui y auront recours.
Enfin, pour ce qui est des limites de l’IA, je dirais que c’est la fiabilité. Si les données utilisées ne sont pas de bonne qualité, la performance de l’IA peut être mise en cause.
La deuxième limite de l’IA est l’éthique. Dans certains cas d’utilisation, son utilisation peut induire des prises de décisions discriminantes ou raciales. Pareillement, l’utilisation de données personnelles peut créer une incertitude par rapport à la réglementation RGPD.
JUPDLC : Les investissements des entreprises dans l’IA ont augmenté de près de 80 milliards de dollars entre 2015 et 2022. Pensez-vous qu’il faille instaurer une charte d’utilisation dans chaque entreprise qui a recours aux intelligences artificielles ? Quelles autres solutions pourraient permettre de réguler leur utilisation ?
Emna Bahri : Depuis 2016, il existe une charte européenne d’utilisation de l’IA. Cette charte n’est pas connue par les entreprises. Avec toutes ces évolutions en IA et les sujets autour de l’éthique et l’entreprise responsable, il me semble que c’est une nécessité d’instaurer une charte dans chaque entreprise pour responsabiliser et engager les utilisateurs de l’IA.
La première solution serait un cadre réglementaire et législatif, pour les données personnelles, afin de respecter le RGPD. Enfin, je dirais qu’une seconde solution serait la sensibilisation, et le fait de proposer des formations pour sensibiliser les utilisateurs aux enjeux et impacts de l’IA serait une piste à explorer.
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