Les réseaux sociaux sont partout dans notre quotidien. Chaque jour, nous passons plusieurs heures dessus en quête d’informations utiles ou inutiles, de nouvelles de proches ou de célébrités, de divertissements divers et variés. Ils sont tellement ancrés dans notre vie de tous les jours qu’ils nous paraissent indispensables et indéboulonnables. Et pourtant… Depuis la fin de l’année 2022, le monde du social media traverse une période agitée. Chute en bourse de Meta, bouleversements à la tête de Twitter, modèle publicitaire qui peine à se renouveler, inquiétudes sur la santé mentale de ses utilisateurs… L’actualité des réseaux sociaux n’invite pas à l’optimisme. Face à tout cela, une question se pose : est-ce une crise passagère ou le signe de bouleversements plus profonds annonçant la fin de l’âge d’or du social media ?
Meta à l’heure des choix
À la fin de l’année 2021, la société Facebook changeait de nom et de cap : le groupe de Mark Zuckerberg, qui compte notamment dans ses rangs WhatsApp et Instagram, prenait le nom de Meta et annonçait sa volonté de tout miser sur le Metaverse, perçu par son créateur comme l’avenir d’internet. Après avoir dominé l’univers du social media dans les années 2000 et 2010, Meta annonce la couleur : la décennie 2020 sera celle de la réalité virtuelle et des mondes virtuels. Un pari audacieux… qui s’est avéré pour le moment (très) loin d’être gagnant.
Alors que le concept même de Metaverse peine à convaincre les foules et que les différents mondes virtuels sont pour le moment plutôt déserts, la réalité des chiffres a rattrapé Meta : la capitalisation boursière du groupe a chuté de près de 70 % depuis août 2021, et son bénéfice net au troisième trimestre 2022 a été divisé par deux. Une dégringolade qui n’est pas sans conséquences : en novembre dernier, Mark Zuckerberg annonce 11 000 licenciements, soit 13 % des 87 000 employés de Meta. Un séisme pour une entreprise habituée à suivre une croissance soutenue depuis sa création.
Pourtant, Meta a annoncé vouloir continuer d’investir dans cette technologie qui selon elle représente toujours le futur. Un choix qui ne surprend pas Sophie Noël, directrice générale d’Heaven, agence de publicité spécialisée dans le digital. « Dans les années à venir, on peut s’attendre à ce que le metaverse devienne de plus en plus important, en particulier avec la croissance de la réalité virtuelle (VR) et de la réalité augmentée (AR). Au-delà de Méta, Google, Apple et Amazon ont déjà investi des milliards de dollars dans la technologie de réalité virtuelle et de réalité augmentée, ce qui indique l’importance qu’ils accordent à l’avenir du metaverse. »
Il faut dire que les applications potentielles du metaverse sont très vastes. « Il pourrait être utilisé pour des rencontres sociales, des jeux vidéo en ligne, des événements en direct, de la formation, de l’éducation et de nombreux autres domaines. Les utilisateurs pourraient même y faire du shopping, gérer des entreprises et travailler ensemble sur des projets. » Par ailleurs, le développement actuel des IA pourrait booster le metaverse avec des pistes d’interactions intéressantes : « Les IA pourraient être utilisées pour fournir des assistants virtuels aux utilisateurs du metaverse, pour analyser les données générées par ses utilisateurs ou encore pour créer des avatars intelligents.»
Mais ce fiasco (provisoire) du Metaverse n’est pas le seul coupable de cette crise. Facebook, porte-étendard du groupe, est devenu une plateforme à l’audience vieillissante qui peine à renouveler son modèle, publicitaire notamment. Après des années de « far-west » au niveau du ciblage publicitaire, les consciences et surtout les législateurs se sont réveillés. L’Union Européenne a imposé le RGPD, et Meta en fait les frais. Le mercredi 4 janvier dernier, la société américaine a reçu une amende de 390 millions d’euros pour violation du RGPD sur la question de ses obligations concernant le traitement des données à caractère personnel à des fins de publicité ciblée. Une amende qui s’ajoute à une longue liste de sanctions et qui est un nouveau coup dur pour Meta, dont le business model repose justement sur la précision de son ciblage publicitaire.
Instagram en quête de renouvellement
Et le pire, c’est que Facebook n’est pas le seul réseau social à la peine chez Meta. Instagram, lui aussi incontournable sur la décennie précédente, fait également face à des difficultés. La publicité, qui assure la rentabilité du réseau, est pointée du doigt par ses utilisateurs. Plutôt discrète au lancement de la plateforme, elle est désormais omniprésente, quitte à agacer les usagers. À force d’apparaître de plus en plus fréquemment dans le feed et les stories, les contenus sponsorisés deviennent intrusifs et peuvent même desservir les marques qui paient pour ces dernières.
Comme pour Facebook, il devient dès lors difficile pour les marques de se faire voir de façon organique et naturelle. Les algorithmes de Meta évoluent rapidement et poussent toujours plus vers l’achat de publicité pour compenser la baisse inéluctable du reach des publications. Mais au-delà de ce problème précis, Instagram est confronté à une difficulté bien plus grande : le risque d’être « ringardisé » par la concurrence et la nouvelle génération d’utilisateurs.
Quand Snapchat avait débarqué avec son concept de stories éphémères et menacé son hégémonie, Instagram n’avait pas hésité une seule seconde à détourner le concept pour son propre profit. Un move audacieux qui lui avait permis à la fois de se renouveler et de maintenir sa croissance. Quand TikTok et son format de vidéos courtes virales ont débarqué, Instagram a donc répété la manœuvre en lançant sa propre copie du concept, les Reels.
Une bonne idée sur le papier, sauf que cette fois-ci les résultats n’ont pas été à la hauteur des attentes. D’après une étude menée par le Wall Street Journal à partir de documents internes à Meta, les utilisateurs d’Instagram passent 17 millions d’heures par jour à regarder des Reels. Un chiffre qui peut sembler conséquent… mais qui pèse finalement peu face aux 200 millions d’heures que les utilisateurs de TikTok regardent quotidiennement sur le réseau social chinois. Pire, un tiers des Reels seraient des copies de contenus postés sur TikTok !
Alors, Instagram est-il un réseau social en déclin ? Pas selon Sophie Noël. « Instagram a actuellement une image vieillissante mais Meta n’a pas dit son dernier mot donc il serait prématuré de composer sans Instagram. Le réseau est également devenu une plateforme importante pour le commerce en ligne, avec des fonctionnalités de vente directe intégrées à l’application. Cela en fait un outil précieux pour les marques et les entreprises qui cherchent à se connecter directement avec leurs clients. Par ailleurs, Instagram est devenu une plateforme importante pour les influenceurs et les créateurs de contenu. Instagram a récemment introduit un programme de récompenses pour les créateurs de contenu qui utilisent la plateforme pour gagner leur vie, ce qui montre l’importance croissante des créateurs de contenu pour Instagram. L’année qui vient sera décisive face à Tiktok et dans un contexte géopolitique perturbé, pour voir comment Instagram rebondit. » Les paris sont ouverts !
Twitter en plein chaos
À côté de ces deux réseaux sociaux historiques que sont Facebook et Instagram, une troisième plateforme a également récemment été au cœur de sérieux bouleversements : Twitter. Le 27 octobre dernier, après plusieurs mois de négociation, la nouvelle tombe : Elon Musk, déjà patron de Space X et de Tesla, rachète Twitter pour 44 milliards de dollars. Et c’est peu dire que les débuts de l’homme d’affaires à la tête du réseau social sont agités.
En guise de premières décisions, Elon Musk dissout l’intégralité du conseil d’administration et licencie la moitié des 7500 employés. Et pour ceux qui restent en poste, il a un message clair : travailler plus dur, ou partir. Un ultimatum qui conduit alors au départ de plusieurs centaines d’employés.
Toujours guidé par la volonté de rentabiliser un réseau qui perdrait selon lui 4 millions de dollars par jour, Elon Musk a également tenté de mettre en place un projet d’abonnement payant pour obtenir une certification… avant de rapidement le suspendre devant la prolifération d’usurpations d’identité. Si ces décisions peuvent paraître extrêmes, elles soulèvent un point intéressant : la rentabilité fragile de ces réseaux sociaux gratuits qui s’appuient sur la publicité pour vivre. Finalement, Twitter a annoncé le 3 février dernier l’arrivée de sa version payante en France, Twitter Blue. Principale nouveauté : les coches de couleur pour classer les utilisateurs (médias, organismes gouvernementaux, etc…). Le début d’un nouvel essor ou bien le chant du cygne ?
TikTok, une relève dangereuse ?
Si les réseaux sociaux historiques peinent à trouver un second souffle, ce n’est pas le cas de tous les acteurs du social media. TikTok, le dernier venu, connaît ainsi un immense succès. Pour la troisième année consécutive, le réseau social de partage de vidéos courtes est l’application la plus téléchargée dans le monde, avec 672 millions d’installations, App Store et Google Play réunis.
En trois ans, il est devenu LE réseau social incontournable. Plébiscité au départ par les adolescents pour son côté viral et interactif, il est aujourd’hui investi par les entreprises, qui en font un canal privilégié de leur communication. Les revenus de la publicité sur TikTok ont ainsi progressé de 36 % en 2022, contre « seulement » 5 % pour Meta. De quoi inquiéter ce dernier ? « Il est possible que TikTok puisse rattraper les réseaux sociaux de Meta en termes d’audience, mais cela dépendra de plusieurs facteurs », tempère Sophie Noël. « Notamment de la capacité de TikTok à continuer d’innover, de son succès dans de nouveaux marchés, de sa capacité à maintenir l’engagement de sa communauté d’utilisateurs et enfin de sa capacité de développement sur de nouveaux marchés dans un contexte Chine/Etats-Unis sensible. »
Le succès de TikTok, s’il est indéniable, n’est pas sans conséquence. À l’image de Meta, TikTok est à son tour ciblé par la CNIL, qui lui a adressé une première amende de 5 millions d’euros le 29 décembre dernier. Comme pour Facebook et Instagram, on lui reproche le non-respect du RGPD, notamment sur la question des cookies. Bruxelles a également ouvert deux enquêtes, dont une sur une potentielle infraction au règlement sur la protection de la vie privée de l’enfant.
À ce sujet, le succès viral de TikTok et de ses vidéos inquiète du point de vue de la santé mentale. Son côté addictif couplé à la jeunesse de son audience est accusé par certains de nuire psychologiquement à ses utilisateurs les plus jeunes. Un reproche formulé par Emmanuel Macron lui-même, qui n’a pas hésité à avancer que « le premier perturbateur (psychologique), le réseau le plus efficace chez les enfants et les adolescents, c’est TikTok. » En cause notamment, la précision des algorithmes qui poussent les contenus de manière très (trop?) efficace et surtout le manque d’informations sur leur mode de fonctionnement.
Le social media n’est donc pas (encore) mort, mais il doit se réinventer pour continuer sa croissance et prolonger encore un peu plus longtemps son âge d’or. Alors que les réseaux sociaux historiques peinent à se renouveler, l’actualité des derniers mois a mis en lumière la fragilité de leurs modèles économiques, notamment affaiblis par une réglementation toujours plus intransigeante. Du côté de la relève, TikTok connaît certes un succès incontestable mais doit aussi faire face à de nombreux challenges, qu’ils soient politiques ou à propos de la santé mentale. « Nous nous orientons vers un renouvellement des écosystèmes », conclut Sophie Noël. « Nous nous apprêtons à accompagner nos clients d’un panorama Facebook/Instagram/Twitter/ LinkedIn à un panorama plus segmenté dans lequel s’inscriront LinkedIn dans une utilisation plus BtoC, TikTok mais aussi Mastodon, BeReal et Discord, sans oublier YouTube et Twitch qui sont trop souvent sous-investis. Ce n’est pas la fin de l’âge d’or du social media, mais la fin de l’âge d’or d’un certain type d’écosystème social. »
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