Depuis quelques années, la montée en puissance du NoCode et du LowCode est indéniable. Il faut dire que sur le papier, ces technologies ont tout pour plaire. Des gains de ressources, en temps et en argent, et surtout une plus grande accessibilité à un domaine jusque-là élitiste, la programmation. Pour mieux cerner l’évolution et la réalité de ces sujets de convoitises, l’équipe de J’ai un pote dans la com s’est rendu les 10 et 11 octobre derniers au NoCode Summit 2023 au sein de la station F à Paris.
Organisé par le Syndicat Français des Professionnels du NoCode (ou SFPN), cet événement n’est ni plus, ni moins que le plus grand événement du monde dédié au NoCode et au LowCode. Sur place, plus de 2500 participants ont pu échanger avec une soixantaine d’entreprises exposantes et assister aux interventions de plus de 150 experts de ces domaines. Pendant deux jours, nous avons arpenté les allées, nous nous sommes entretenus sur les stands et nous avons assisté à certaines des conférences afin de vous dresser un état des lieux des dernières tendances et innovations du NoCode et du Lowcode.
Comment expliquer la soudaine effervescence autour du NoCode ?
« Ne pas faire de NoCode aujourd’hui, c’est comme ne pas s’intéresser à Internet au milieu des années 90, vous ratez l’une des innovations les plus importantes de notre siècle ».
Dès le mardi matin lors de la conférence de presse inaugurale, le ton est donné. Il faut dire qu’en à peine quelques années le NoCode a véritablement changé de statut. Nous ne sommes plus au stade d’une simple « révolution silencieuse de l’informatique », pour reprendre la formule de certains experts, nous sommes désormais au stade d’un phénomène qui risque de modifier durablement les perspectives de nombreuses entreprises.
En effet, selon Gartner près de 70 % des nouvelles applications d’entreprises seront développées en NoCode d’ici trois ans. Toujours selon le même cabinet d’étude, la valeur du marché mondial du NoCode et du LowCode devrait atteindre les 20 milliards d’euros cette année, tandis qu’il devrait dépasser les 175 milliards en 2030.
Pour rappel, le NoCode est une pratique qui existe depuis environ une dizaine d’années. Cette dernière s’est peu à peu popularisée dans le monde de l’informatique grâce à la généralisation d’outils comme WordPress, Squarespace, Wix ou plus récemment Notion. Grâce à ces plateformes, il est devenu possible pour de nombreuses personnes de créer des applications et des sites web sans avoir besoin d’aligner des lignes complexes de codes. En effet, avec le NoCode, il suffit d’assembler de manière logique et visuelle des éléments de construction réutilisables afin de créer automatiquement des lignes de codes.
Le LowCode, en revanche, nécessite un minimum de niveau de compétences en développement. Les applications et sites créés à l’aide de plateformes LowCode exigent l’intervention d’un développeur pour environ 20 à 30 % des lignes de code générées. Dès lors, une première question se soulève naturellement. Le NoCode, que nous utiliserons en terme générique dans la suite de l’article pour parler également du LowCode, existe depuis plusieurs années. Dès lors, pourquoi cette pratique a-t-elle explosé depuis « seulement » deux ou trois ans ? Pour le comprendre, il faut mettre en perspective deux réalités.
La première est que le monde professionnel manque cruellement de développeurs depuis de nombreuses années. Que ce soit en France (50 000 personnes) ou dans le monde (40 millions), le secteur informatique est actuellement en pleine pénurie de ces talents. Et les prévisions ne sont pas optimistes. Selon les calculs du U.S Labor statistics, cette pénurie de développeurs pourrait atteindre les 85 millions dans le monde d’ici 2030.
La seconde est que la crise de la Covid-19 a agi comme une caisse de résonance. Dans l’urgence, de nombreuses entreprises ont dû créer de nouvelles applications pour gérer le confinement et le retour progressif au bureau. Sans moyens, ni expertise particulière dans le code, de nombreux profils se sont alors mis à créer des applications web grâce au NoCode. Ces citizen-developers ont alors pu venir prêter main-forte aux développeurs ne pouvant faire face à cette demande à la fois forte et urgente.
Résultat, à la sortie de la crise sanitaire, de nombreuses entreprises ont été intimement convaincues que désormais, la performance et la compétitivité seraient en grande partie liées à la digitalisation de leurs processus métiers. L’un dans l’autre, le NoCode est devenu la parade idéale pour contourner un inévitable goulot d’étranglement.
NoCode, où en est-on en 2023 ?
Bien souvent, pour présenter une nouvelle technologie au plus grand nombre, on use de généralités ou de raccourcis. Cela facilite la compréhension, mais peut également desservir le sujet. Le NoCode en a quelque peu souffert à ses débuts. Le premier raccourci le plus évident fut de cantonner le NoCode à la simple création d’un site web ou d’une application. Comme si le NoCode ne pouvait servir qu’au service marketing d’une jeune start-up soucieuse de faire quelques économies.
Logistique, ventes, RH, finances, CRM, la gestion de projet… Le NoCode accélère l’innovation dans toutes les strates de l’entreprise. Par exemple, un patron de PME peut créer des outils de gestion de facturation ou de notes de frais sur Bubble. Une petite agence digitale peut utiliser Glide pour créer facilement un formulaire en ligne pour l’inscription à un événement d’un de ses clients. Un commercial indépendant peut automatiser son flux de prospections en se créant un outil sur-mesure sur Make. La DRH d’une grande entreprise peut demander à son service IT de développer un outil sur Airtable afin d’automatiser les différentes étapes d’un recrutement.
En plus de faire gagner du temps et de l’argent, le NoCode peut proposer une réponse sur-mesure à un problème spécifique. Surtout, lorsque le NoCode est utilisé pour automatiser des processus métiers, cela est fait directement par les salariés et utilisateurs dudit processus. De ce fait, la qualité opérationnelle de cette nouvelle application augmente considérablement.
Autre généralité souvent lue ou entendue, le NoCode peut se transposer à n’importe quelle entreprise, du moment qu’elle le souhaite. Comme l’a suggéré Fabian Veit, CEO de Make, lors d’une conférence au NoCode Summit 2023, la réalité est un peu plus complexe que cela.
« Le NoCode, c’est avant tout un état d’esprit. Toutes les organisations ne peuvent pas le mettre en place. L’intégration des outils NoCode dans une entreprise va dépendre de sa culture organisationnelle. Une entité avec une organisation souple basée sur l’autonomie aura plus de chance de voir ses salariés s’approprier ces outils. Avec le NoCode, il faut bien comprendre que chaque équipe devient son propre moteur de développement. »
Bien qu’il se généralise à l’avenir et réponde à de nombreux problèmes, le NoCode n’est pour autant pas la solution à tous les maux d’une entreprise. Pour bien le comprendre, il est important de faire attention à la sémantique utilisée, comme nous l’explique Pierre Launay, le président du SFPN à l’initiative du NoCode Summit.
« Qualifier le NoCode de révolution de l’IT est quelque chose de délicat. Il faut faire attention avec le mot révolution pour éviter les déceptions et le syndrome de baguette magique. Le NoCode n’est pas une révolution, mais il offre un caractère révolutionnaire sur trois principaux aspects. Tout d’abord, il permet une plus grande accessibilité métier à des profils n’ayant jamais fait de programmation. Ensuite, il assure des gains de temps et de productivité importants. Un projet qui nécessitait plusieurs mois peut désormais s’effectuer en quelques semaines. Et enfin, le NoCode rationalise les ressources des projets informatiques et digitaux. Auparavant, un projet IT digital avait besoin au minimum d’un développeur Front, d’un développeur Back et d’un développeur DevOps. Désormais une personne peut gérer ses aspects puisque les outils NoCode peuvent s’apparenter à des plateformes « Full-Stack ». »
Au fil du salon, nous échangeons avec plusieurs développeurs freelances, qui sont tous du même avis que Pierre. Le NoCode ne signifie pas la fin du code. Il déplace simplement le centre de gravité des développeurs professionnels vers des projets plus ambitieux et plus complexes. Cela leur donne également plus de responsabilités dans la formation, l’accompagnement, la vérification et la promotion du NoCode au sein des équipes de tous les services.
L’Intelligence Artificielle, la conjugaison naturelle du NoCode
Lors de ce NoCode Summit 2023, une autre technologie fut mise sur le devant de la scène. Celle dont tout le monde parle également depuis quelques mois, l’IA générative. Naturellement, ces deux technologies s’imbriquent pour se compléter. Dans un contexte de NoCode, l’IA est capable d’analyser des données et de fournir des recommandations afin de concevoir et de structurer au mieux des applications et des outils. Une IA générative agit comme une sorte de tutoriel géant proactif qui fournit à la fois un support, mais également des idées de solutions. Sur le salon, de nombreux éditeurs commencent déjà à intégrer de l’IA dans leurs plateformes NoCode. C’est notamment le cas de Glide comme l’a expliqué son CEO David Siegel lors du salon.
« L’IA intégrée au sein des plateformes de NoCode est un enjeu majeur. Une plateforme comme Glide est reconnue pour sa capacité à transformer des données en temps réel, comme celles de Google Sheet, en applications mobiles sans code. Avec l’IA, la manière d’utiliser Glide devient encore plus facile d’accès et surtout cela bonifie notre outil de nouvelles fonctionnalités comme la catégorisation automatique ou l’analyse des sentiments. L’IA permet de créer des applications NoCode encore plus intuitives et performantes. »
Prenons un exemple concret dans le domaine de la relation client. En connectant une IA comme ChatGPT avec un compte Google My Business et une plateforme NoCode comme Make, il est possible d’automatiser la réponse aux avis clients de Google. Les commentaires seront tout d’abord conceptualisés et analysés afin de fournir des réponses hautement personnalisées. Que vous soyez un petit indépendant ou un grand site e-commerce, ce nouveau processus de CRM peut être réalisé rapidement et sans nécessiter de larges compétences techniques.
Encore une fois ici, tout est question d’hybridation, l’IA générative vient nourrir le NoCode pour que chaque structure puisse concentrer ses forces vives, son temps et ses ressources, à des tâches à plus grande valeur ajoutée.
Pour autant durant le salon, les nombreux interlocuteurs avec lesquels nous avons échangé gardent malgré tout la tête froide. Le NoCode fait face à de nombreux enjeux à relever dans les années à venir. Pour les plus grandes entreprises se pose bien évidemment la question de la gouvernance pour éviter les phénomènes de « Shadow IT ». Les directeurs des Systèmes d’Information (DSI) doivent créer des centres de compétences afin d’avoir une vue globale de l’ensemble du parc applicatif de l’entreprise. De même, pour les petites et moyennes entreprises, il va également être question de la sécurisation des données et de l’interopérabilité des différents outils utilisés par les salariés. Des sujets, certes, moins médiatiques que l’IA, mais pour autant tout aussi importants pour la généralisation et à la pérennisation du NoCode !