Netflix VS Amazon Prime Video, la guerre est déclarée

En collaboration avec SUP'DE COM
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Prime Video versus Netflix, décryptage de deux stratégies au service d’une même ambition

En 2001, sur le plateau de l’émission Tout le monde en parle, Jean-Claude Van Damme esquissait dans son franglais si caractéristique les contours du streaming vidéo. Sous les regards amusés de Thierry Ardisson, Laurent Baffie et de Geneviève de Fontenay, l’acteur imaginait alors des sites payants où les films seraient disponibles selon le bon vouloir de tout un chacun à travers le monde. Une idée saugrenue pour l’époque, qui est bel et bien devenue une réalité imposante tant que les plateformes de streaming ont transformé nos modes de consommation de produits culturels et de loisirs.

Depuis son lancement en 2014 en France, la croissance de Netflix est constante, ce qui en fait actuellement le leader incontesté du marché. Cependant, le vent souffle dans son dos depuis l’arrivée d’Amazon Prime Vidéo et d’Apple TV+ en 2019, ainsi que de Disney + et de Salto en 2020. Pour autant, malgré cette recrudescence de la concurrence, Amazon semble être le challenger le plus sérieux à la toute-puissance de Netflix. Pour les mettre au duel, et ainsi tenter de dessiner leurs perspectives d’avenir, il ne sera pas question ici d’ergonomie, de fonctionnalités ou de qualité vidéo, mais plutôt d’abonnés, de contenus et de marketing. Match en 3 tours entre ces deux géants.

 

Une course aux abonnés difficile à décrypter

Comme évoqué précédemment, Netflix est actuellement le leader mondial du streaming, ce qui paraît logique vu que ce service s’est lancé bien avant son concurrent direct. L’ensemble des chiffres qui suivent sont donc à prendre en compte à l’une de ce départ anticipé. Selon les dernières informations officielles, Netflix a subi en ce début d’année sa plus grosse perte d’abonnés payants depuis sa création. Au T2 2022, la firme annonce une perte de 970 000 abonnés dans le monde, ce qui porte son nombre total à 220,6 millions, dont 10 millions en France.

De son côté, Jeff Bezos revendiquait en avril 2021 près de 175 millions d’utilisateurs de Prime Video, sur un total de 200 millions de membres Prime. En France, selon les chiffres du cabinet NPA, un foyer français sur quatre disposerait d’un abonnement Amazon Prime et les trois quarts d’entre eux utiliseraient Prime Video . En effet, en lançant son service, Amazon ne partait pas de zéro. Son offre de streaming est intégrée dans un abonnement comprenant plusieurs services. En plus de la SVOD, les utilisateurs ont accès à Amazon Music Prime et à la livraison gratuite immédiate. Il est donc impossible de faire la part entre les utilisateurs qui se sont soumis à la SVOD et ceux qui bénéficiaient déjà du service de livraison et qui, par ricochet, se sont mis à regarder des séries et des films. D’autant que la possibilité de partager les écrans (3 au maximum chez Prime Video et jusqu’à 4 chez Netflix), biaise également cette comparaison. Par exemple, selon Médiamétrie, Netflix serait en réalité consulté mensuellement par 19 millions d’utilisateurs Français, en raison des abonnements partagés. Aucun chiffre à ce propos du côté de Prime Video. Par conséquent, en se basant uniquement sur le nombre d’abonnés, il est difficile de proposer une comparaison pertinente. L’idée à retenir ? Amazon grappille plus vite du terrain à Netflix, que ce dernier ne prend d’avance.

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Crédit photo : @drobotdean / Freepik

La raison est simple. Au niveau des prix, Prime Video – avec son modèle économique habile sous forme de package – avec KO Netflix. D’un côté, la livraison Amazon, la musique et le SVOD pour 69€ par an, soit moins de 6€ par mois. Et si l’utilisateur ne souhaite avoir accès qu’aux films et aux séries, alors il lui en coûtera la bagatelle de 6,99€ par mois, toujours avec 3 écrans en simultané, jusqu’en Ultra HD. Dans ces deux cas, c’est moins cher que les trois abonnements que proposent Netflix. Son offre Essentiel avec 1 écran en qualité SD est à 8,99€ par mois, la Standard avec 2 écrans en HD à 13,49€ et la Premium avec 3 écrans jusqu’en Ultra HD à 17,99€ par mois. Si l’on compare sur une année l’offre d’Amazon à l’abonnement Standard de Netflix, l’écart est de plus de 100€. Une somme non négligeable pour les utilisateurs sporadiques ou les étudiants.

 

Les contenus, la diversification face à l’abondance

L’événement série de cette rentrée fut sans conteste la mise en ligne des premiers épisodes de la série Le Seigneur des Anneaux : les Anneaux de Pouvoir. Avec près de 60 millions de dollars par épisode, c’est à ce jour, la série la plus chère jamais produite. C’est surtout le premier coup de maître en matière de création originale de la part de Prime Video.

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Crédit photo : Prime Video

Il faut dire qu’en la matière, c’est plutôt Netflix qui s’en sortait régulièrement avec les honneurs, en effet la plupart de ses exclusivités se transforment souvent en succès planétaires. House of Cards, Orange is The New Black, Stranger Things, Marvel’s Daredevil, Black Mirror, Narcos, Le Jeu de la Dame, Sex Education, Mind Hunter, The Witcher … Pour rendre son catalogue encore plus riche, Netflix n’hésite pas à mettre en avant aussi des créations plus locales, et non pas exclusivement américaines, citons par exemple Dark pour l’Allemagne, Lupin pour la France, La Casa Del Papel pour l’Espagne ou encore la déflagration de fin 2021, Squid Games, la série sud-coréenne. En matière de film, en plus d’un catalogue complet et sans cesse renouvelé, Netflix arrive également à attirer dans ses filets des réalisateurs oscarisés , ce fut notamment le cas avec Martin Scorsese avec The Irishman et Bong Joon-ho avec la fable écologique Okja.

À en croire les dires de son directeur et cofondateur, cette politique de flux n’est pas près de s’arrêter. En fin d’année dernière, Reed Hastings déclare vouloir consacrer pour 2022 près de 17 milliards rien que pour débuter de nouveaux tournages de créations originales. Pour se donner un ordre d’idée, le budget moyen d’un film français s’élevait en 2019 à 3,76 millions d’euros, tandis que le budget d’un blockbuster comme Matrix 4 avoisine les 200 millions de dollars de budget…

Hormis le Seigneur des Anneaux, Prime Video avance ses pions plus lentement en ce qui concerne ses créations. Quelques succès critiques et publics sont tout de même à dénombrer comme The Boys, The Wilds, The Man In The High Castle, The Marvelous Mrs Maisel ou encore Transparent . Face à la force de frappe de Netflix , c’est tout de même encore un peu juste. On peut ainsi comprendre que sur les chiffres de visionnage, Prime Video reste pour le moment un tantinet muet, tandis que Netflix n’hésite jamais à communiquer sur sa nouvelle série la plus regardée de la plateforme. D’ailleurs entre Sandeman et la saison 4 de Stranger Things, Netflix a passé plutôt un bel été.

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Crédits photos : @Netflix / @PrimeVideo

Au niveau des films, l’offre est encore une fois moins conséquente mais la plateforme semble vouloir appuyer sur l’accélérateur en prévision des années à venir. En 2021, Amazon a fait l’acquisition du studio hollywoodien MGM pour 8,45 milliards de dollars, mettant ainsi la main sur un catalogue de 4 000 titres dont la franchise James Bond. Jeff Bezos aurait-il jusqu’à présent manqué d’ambition pour son service de films et de séries ? Que nenni ! Arrivé dans la course en tant que challenger nécessite d’avoir bien en tête que la précipitation est mère de tous les maux.


Événement



Par conséquent, au lieu d’attaquer frontalement Netflix, Prime Video joue la carte de la diversification en nourrissant des ambitions sportives comme le prouvent ses récentes acquisitions de prestige, les « night sessions »de Roland Garros et le championnat de NFL aux États-Unis. Encore plus fort, le géant américain a fait un grand bruit en France en raflant les droits TV de la L1 de football jusqu’en 2024. Moyennant 12,99€ par mois, les supporters peuvent regarder jusqu’à huit matchs sur 10 par journée de championnat. Il faut bien avoir en tête que le streaming n’est qu’une activité annexe d’Amazon. L’entreprise dispose ainsi de ressources importantes dues à son activité de vente en ligne, ce qui lui offre le luxe de pouvoir prendre son temps avant d’avancer ses pions. En diversifiant son service, la firme considère donc à long, voire très long terme, comme l’analyse Patrick Chaillou, Spécialiste « Sport » des programmes SUP’DE COM et Responsable Pédagogique du campus de Nantes.

« Amazon profite de l’atomisation d’un marché qui a longtemps surfé sur une concurrence féroce entre chaînes de programmes « ciblés » (Canal +), fournisseurs d’accès (Orange, puis SFR/RMC Sports, et à moindre niveau Free) , chaîne thématique adossée à une stratégie de soft power mondial (BeIN Sports pour le Qatar). La désastreuse expérience avec Médiapro (faillite de la filière française après quelques mois) aura mis fin à ce fantasme de croissance exponentielle des droits du football de ligue 1, qui représente 90 % des droits télévisuels/digitaux français totaux. Et comme les réseaux sociaux n’ont pas permis de concrétiser l’autre fantasme du sport français, attirer des poids lourds comme Facebook ou YouTube, Amazon a eu le nez fin en misant sur cette audience captive d’amoureux de football. Et à un tarif dégriffé, maintenant que la plupart des chaînes de télé se sont grillé les ailes dans des droits dépréciés par le streaming sauvage et la vulgarisation du produit. Amazon vient ainsi de payer 250 millions d’euros pour 80% de l’offre football… Alors que Canal + paye 333 millions pour 20% ! »

Bien que les deux plateformes proposent des programmes à destination de toute la famille, leurs stratégies marketing se focalisent principalement sur la génération la plus apte à prescrire et installer durablement les tendances et usages de demain. Roi du street marketing et des opérations de grandes envergures pour annoncer ses nouveautés, Netflix adopte sur ses réseaux un Tone of Voice de proximité. Et cela marche à la perfection puisque, sur Facebook, près de 84 millions (sic) de comptes sont abonnés à la page de Netflix France. Ils sont 8,8 millions sur Twitter et 8,9 millions sur Instagram. En maîtrisant d’une main de maître l’art du teasing et l’interaction sur ses réseaux sociaux, Netflix apparaît comme une marque moderne, jeune et drôle.

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Crédit photo : Instagram / @netflixfr

Le géant américain au logo rouge utilise certes des leviers marketing traditionnels, mais toujours en leur insufflant une dose de nouveauté créative. De plus, la marque n’hésite jamais à multiplier les collaborations IRL . Pour n’en citer qu’une, le géant s’était associé en 2020 à la marque de vêtement Undiz afin de sortir une collection capsule inspirée de la série espagnole Elite . En 2021, le géant va plus loin en lançant son Netflix.shop , un site e-commerce qui propose des éditions limitées de merchandising autour de ses séries phares. Il suffit de faire un tour dessus pour se convaincre que Netflix offre une expérience du retail à la croisée du fandom, de la pop culture et du street wear.

Moins enclin aux opérations marketing coup de poing, Prime Video adopte un ton plus formel sur Facebook (16,5 millions d’abonnés), sur Twitter (362 000 followers) et sur Instagram. La marque se contente de faire vivre sa communauté par des montages photos et par la présentation de ses nouveautés catalogue. Sur Instagram (272 000 followers), la marque propose une communication plus légère en payant des Reels humoristiques et décalés. Contrairement à Netflix qui garde une ligne éditoriale pour l’ensemble de ses réseaux, Prime Video adapte ses contenus à chaque plateforme. L’exemple le plus flagrant a lieu sur TikTok où le géant américain est très présent. Avec ses 966 000 abonnés, il est encore cependant loin derrière Netflix et ses 2 millions d’abonnés. Deux stratégies différentes avec chacune leur réussite comme le décrypte correctement Sophie Sé, Community Manager pour le Groupe Altaï et Intervenante en Community Management à SUP’DE COM Lyon :

« Maître incontestable dans l’art d’utiliser les codes de la génération Z, Netflix est toujours très juste dans ses prises de parole en jouant souvent sur l’humour ou les références. D’un point de vue extérieur, c’est presque naturellement que la marque de streaming préférée de la jeune génération se développe avec finesse des contenus viraux sur les réseaux sociaux classiques comme Instagram ou Twitter, là où Amazon Prime a plus de mal. Ce dernier mis plutôt sur la popularité et l’exclusivité de ses programmes ou de ses égéries. »

Prime Vidéo - TikTok
Crédit photos : TikTok / @primevideofr

Pour autant, depuis deux ans, Prime Video réorganise sa communication globale en centrant sur une atmosphère plus large que le simple streaming vidéo. En se présentant comme une plateforme polyvalente de services , Amazon a compris qu’un plafond de verre sera atteint, tôt ou tard, dans la course aux abonnés. Pour s’adapter à la demande qui évolue, notamment en matière de commerce de détail, la firme américaine cible donc la GenZ à travers des opérations spéciales. Ce fut le cas en 2020 dans son programme True Story qui mettait en scène des YouTubeurs comme Natoo, Cyprien, Norman, Ludovik, ou Mcfly & Carlito. Ou encore lorsque fin 2021, le géant américain lançait sur TikTok le challenge #DubbingFactory visant à recruter la voix off française de l’une de ses prochaines séries Prime Video, Amazon Originals.

Bien que pour le moment, chacun voit midi à sa porte, les modes de consommation de nos loisirs vidéo sont en train d’évoluer. Un véritable embranchement de carrefours où des routes vers l’e-commerce, le jeux vidéo, la musique ou la mode commencent à s’entrechoquer. Netflix et Prime Video, chacun à leur sauce, peaufinent pour le moment leur stratégie pour se lancer dans une future guerre commerciale d’envergure. Celle du divertissement mondial.

 

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