Le secteur de l’enseignement supérieur ne cesse d’être traversé par des bouleversements. Enseignement à distance, outils numériques, intelligence artificielle, technologies immersives ou blockchain. Quel est le futur de l’éducation à l’aune de ces innovations ? C’est la question que nous nous posons à travers cet article.
Nous vous proposons d’étudier en détail l’impact des technologies sur le système éducatif et la manière dont ce dernier s’adapte et peut tirer profit de ces avancées technologiques. Il sera ainsi possible de mieux comprendre comment les innovations façonnent peu à peu l’avenir de l’éducation.
L’enseignement a toujours été influencé par l’évolution technologique
Les technologies de l’information semblent avoir un impact non négligeable sur l’éducation dans sa globalité. Il est toutefois important de comprendre que l’enseignement a toujours suivi les évolutions technologiques. Dès 1809, H.Chard invente la première machine à apprendre la lecture. Cet outil novateur s’appelle Mode Of Teaching Reading. Ce n’est que 100 ans plus tard, en 1909, qu’intervient la prochaine innovation : le premier usage du phonographe dans une école publique, à Milwaukee, aux États-Unis.
Bien entendu, la plupart des évolutions technologiques majeures de l’éducation vont avoir lieu après la Seconde Guerre mondiale. Après 1945, il ne faudra pas attendre plus de 10 ans pour voir émerger de manière régulière des innovations notables dans l’hexagone :
- 1970 : L’informatique
- 1980 : Télématique et multimédia
- 1990 : Internet et Web
- 2000 : Apprentissage mobile et Web 2.0
- 2010 : Moocs et plateforme en ligne
« La technologie n’est pas une simple addition à l’éducation, elle en est un élément indissociable, façonnant son présent et son futur. »
Les technologies numériques influencent d’ailleurs l’éducation plus fortement et plus rapidement que n’importe quelle autre innovation technologique dans l’histoire. Ces 20 dernières années, les formateurs, les instituteurs et les enseignants-chercheurs ont tous adopté ces nouvelles technologies de manière massive. Quelques chiffres permettent de se rendre compte de l’essor des technologies au sein de l’éducation et la formation au sens large :
- Entre 2005 et 2022, le pourcentage d’utilisateurs d’internet est passé de 16% à 66%
- De 2012 à 2021, le nombre d’étudiants inscrits à des cours en ligne est passé de 0 à 220 millions
- Selon le programme PISA, 65% des élèves issus de 15 pays de l’OCDE étudiaient dans des établissements où les enseignants disposaient des compétences nécessaires pour intégrer le numérique à l’enseignement
- En 2023, la plateforme d’apprentissage linguistique Duolingo comptait 20 millions d’utilisateurs actifs par jour
- En 2021, Wikipédia, l’encyclopédie libre en ligne, a enregistré plus de 240 millions de consultations quotidiennes
- En 2022, environ 50% des établissements du premier cycle secondaire au niveau mondial utilisaient internet à des fins pédagogiques
Tous ces faits démontrent que l’éducation moderne et l’évolution technologique sont liées de manière consubstantielle. Pour mieux comprendre cette tendance, nous avons reçu Alexis Clouet, Chief Digital Officer chez Digital College.
JUPDLC : Selon vous, pourquoi la technologie influence depuis toujours l’éducation ?
Alexis Clouet : L’éducation n’a jamais été figée. Au fil des siècles, elle a évolué au rythme des innovations, s’adaptant aux nouvelles réalités et intégrant les outils disponibles pour enrichir l’expérience d’apprentissage. La technologie n’est pas une simple addition à l’éducation, elle en est un élément indissociable, façonnant son présent et son futur.
Ces dernières années, la technologie permet de briser les barrières géographiques et sociales, offrant un accès universel au savoir. Fini les cours magistraux monotones ! Les outils numériques captivent l’attention des élèves, les incitant à devenir acteurs de leur apprentissage. L’éducation devient un jeu interactif et stimulant, où chaque élève est acteur de son propre succès. La technologie n’est pas une fin en soi, mais une extension et un reflet de notre évolution sociétale et de notre changement de paradigme.
Les nouvelles technologies ont déjà transformé l’éducation
L’omniprésence des technologies au sein de l’éducation depuis des décennies, voire des centaines d’années est un fait établi. Mais, les nouvelles technologies ou NTIC, qui regroupent les innovations permettant de stocker un grand volume de données et le partager en quelques secondes avec n’importe quel utilisateur, bouleversent déjà le secteur de l’éducation.
Prenons l’exemple du tableau blanc interactif (ou TBI) qui remplace petit à petit les tableaux classiques. Plus qu’un simple gadget numérique, le TBI intègre les pratiques pédagogiques des enseignants et démontre son efficacité. Il soutient les explications de l’enseignant, multiplie les interactions et facilite la compréhension pour l’ensemble des élèves. D’ailleurs, 70% des élèves interrogés par une étude ont déclaré qu’ils écoutaient plus attentivement avec l’intégration du TBI et 86% ont affirmé qu’ils préféraient le TBI au classique tableau noir. Ajoutons que cette pédagogie innovante favoriserait l’apprentissage des élèves atteints de troubles d’apprentissage.
De même, l’ENT (Espace Numérique de Travail) est en voie de généralisation en France. Avec cet outil, les usages du numérique sont variés :
- Pédagogiques : cahier de textes numérique, stockage des documents, outils collaboratifs, classe virtuelle, etc.
- Communication : messagerie électronique, messages d’information à destination des parents.
- Vie scolaire et vie étudiante : les équipes pédagogiques centralisent toutes les informations nécessaires telles que les notes, les absences et l’emploi du temps.
L’essor de cet espace numérique est important, car depuis la rentrée 2020 en France, 80% des élèves du secondaire et 20% du primaire en bénéficient.
Les outils numériques sont le moteur de l’innovation pédagogique. Ils permettent aux professeurs de mieux s’adapter aux besoins des élèves, mais aussi centraliser l’information et d’échanger avec les familles. Tous ces changements bouleversent petit à petit l’éducation et c’est bien une transition numérique de ce secteur que nous observons.
JUPDLC : En quoi pouvons-nous dire que la technologie a déjà transformé l’éducation et les pratiques pédagogiques ?
Alexis Clouet : La technologie a profondément transformé l’éducation moderne. Elle a bouleversé les pratiques pédagogiques et ouvert de nouvelles perspectives pour l’apprentissage. Tout d’abord, l’accès à l’information est désormais illimité grâce à Internet et aux plateformes éducatives. Cela offre aux élèves et enseignants une multitude de ressources pour approfondir chaque sujet.
De plus, l’apprentissage s’adapte aux besoins individuels grâce aux technologies éducatives, qui permettent la création de parcours personnalisés et l’analyse des progrès des élèves pour proposer des contenus adaptés. La collaboration est également favorisée par les outils numériques, qui permettent le travail en équipe et la communication à distance, préparant ainsi les élèves aux réalités du monde professionnel.
Cette révolution technologique accompagne l’apprentissage supérieur
L’innovation pédagogique issue des nouvelles technologies ne se borne pas à aux écoles primaires et secondaires. L’enseignement supérieur est lui aussi profondément impacté par ces outils. Ils annoncent une révolution de l’université, mais aussi des écoles et formations qui proposent des études supérieures.
L’impact de la Covid-19 sur la pédagogie numérique
Le 16 novembre 2019, le monde était frappé par la pandémie de Covid-19. La hausse des cas positifs, puis le confinement ont forcé l’enseignement français et international à s’adapter rapidement. Pour ne pas que la scolarité des étudiants pâtisse de cette crise, l’approche de l’e-learning a été déployée rapidement pour permettre à tous de suivre les cours en ligne. Les enseignants eux-mêmes ont parfois dû suivre en urgence un programme de formation pour faire face à ces initiatives pédagogiques. Ainsi, la plateforme FUN (France Université Numérique) a alors rouvert en hâte 470 Moocs afin d’accompagner la formation des enseignants à la conception d’un cours numérique.
L’essor de la formation à distance
Si ce fait semble anodin, il s’agit en fait une vague qui a complètement transformé le secteur éducatif. Petit à petit, les équipes pédagogiques ont su tirer pleinement parti des technologies de l’information. Cette transformation digitale des usages s’est accompagnée d’un déploiement d’un matériel innovant favorisant ce nouveau modèle pédagogique. Ainsi, les caméras à 360° permettent de retranscrire en ligne et en live de manière plus nette qu’auparavant. Il devient alors possible de recréer plus facilement à distance les conditions de fonctionnement et d’interaction d’une classe classique.
Une pédagogie innovante et performante
L’enseignement supérieur est aussi accompagné par la mise en place de nouvelles plateformes éducatives en ligne adaptées à la pédagogie universitaire. C’est notamment le cas de la plateforme Arte Campus. Cette dernière propose plus de 2000 vidéos en français, en anglais et en allemand. Elle devient alors un puissant outil d’enseignement utilisable par les étudiants universitaires de manière autonome ou par les enseignants dans le cadre de leurs cours.
« L’enseignement supérieur se métamorphose grâce à une multitude de technologies prometteuses. »
Les projets pédagogiques peuvent aussi reposer sur l’usage des imprimantes 3D. Dans les filières scientifiques ou technologiques, se former efficacement nécessite de manipuler, observer voire concevoir des éléments en 3D. Cette technologie permet à l’apprenant d’être plus engagé, mieux comprendre les concepts complexes, être initié aux processus de fabrication et de mieux préparer son insertion professionnelle. L’université des sciences appliquées d’Iéna par exemple emploie l’imprimante 3D dans le cadre des études universitaires et de la recherche, notamment pour aider à mieux comprendre la structure du virus du SIDA et son fonctionnement.
De tels exemples pratiques de l’usage des technologies dans les facultés et les écoles supérieures sont en fait légion. Elles permettent aux enseignants d’adapter leurs pratiques aux enjeux d’aujourd’hui afin de proposer des projets pédagogiques réellement pertinents. De l’internationalisation des cursus en ligne en passant par la nécessité de maintenir l’attention des élèves jusqu’à la nécessité de s’accorder à un marché du travail exigeant, les raisons ne manquent pas d’adapter la formation supérieure à une nouvelle réalité technologique et sociale.
JUPDLC : Quelles sont les technologies les plus pertinentes pour accompagner l’apprentissage dans l’enseignement supérieur ?
Alexis Clouet : L’enseignement supérieur se métamorphose grâce à une multitude de technologies prometteuses. Des plateformes d’apprentissage en ligne comme Moodle et Canvas centralisent les contenus et favorisent la collaboration, tandis que les ressources éducatives libres (REL) telles que Wikipédia et Khan Academy offrent un accès gratuit à des savoirs variés. L’apprentissage adaptatif avec Knewton et Carnegie Learning propose des parcours personnalisés, tandis que les simulations et jeux éducatifs comme Labster et Kahoot! rendent l’apprentissage immersif et interactif. La réalité virtuelle et augmentée (VR/AR) avec Google Expeditions et Microsoft HoloLens permet des explorations en 3D, et l’intelligence artificielle (IA) avec Pearson AI et Carnegie Learning Math Coach offre un soutien individualisé. Les technologies d’apprentissage social, comme Facebook Groups et LinkedIn Learning, encouragent la collaboration entre pairs.
La VR et la RA préparent l’enseignement immersif de demain
Parmi les technologies qui ont le plus de chances de façonner l’éducation du futur, la réalité virtuelle et la réalité augmentée sont des candidats de choix. En effet, elles forment ce qu’on appelle l’apprentissage immersif. Cette approche de l’enseignement est idéale pour concevoir des expériences d’apprentissage engageantes et interactives. Ce faisant, les participants peuvent bénéficier de cinq avantages principaux déjà observés dans le cadre de la formation professionnelle en entreprise :
- Engagement émotionnel plus important
- Rétention de l’information améliorée
- Réduction du temps de formation
- Augmentation de l’efficacité pratique
- Accroissement de l’autonomie
On peut imaginer le potentiel extraordinaire de ces technologies à long terme. Elles possèdent en effet la capacité à susciter la curiosité d’une manière inconcevable il y a encore une dizaine d’années. Les élèves explorant les fonds sous-marins pour être sensibilisés aux questions environnementales ou étant projetés à travers différentes périodes historiques pour en saisir les enjeux sont des situations crédibles à moyen et long terme.
Au-delà d’expériences impressionnantes, les technologies liées à la réalité augmentée et la réalité virtuelle peuvent aussi devenir de précieux outils pour rendre l’apprentissage plus collaboratif et inclusif. Les enseignements en déployant des méthodes pédagogiques adaptées pourront faciliter l’apprentissage des matières techniques, mais aussi intégrer plus facilement des élèves éloignés géographiquement ou leur proposer des sessions de cours ou des évaluations personnalisées.
JUPDLC : Comment la VR et la RA pourraient révolutionner l’enseignement ?
Alexis Clouet : La réalité virtuelle (VR) et la réalité augmentée (RA) ont le potentiel de révolutionner l’enseignement en rendant les leçons plus immersives et interactives. Grâce à la VR, les élèves peuvent explorer des environnements virtuels réalistes. La RA enrichit le monde réel en superposant des éléments virtuels. Ces technologies permettent aux enseignants de créer des expériences d’apprentissage captivantes qui stimulent l’engagement des élèves et facilitent la compréhension de concepts complexes. De plus, elles offrent de nouvelles possibilités pour l’apprentissage collaboratif, ouvrant ainsi la voie à une éducation plus interactive et participative.
Protéger la scolarité des étudiants grâce à la blockchain
Une autre technologie majeure est la blockchain. Développée à partir de 2008, cette technologie de stockage et de transmission d’informations est construite autour de blocs. Ces derniers sont constitués en chaînes. Ils offrent l’opportunité de partager de l’information sans intermédiaire et en garantissant un haut niveau de transparence et de sécurité.
Dans le système éducatif, cette technologie blockchain présente des atouts considérables. En effet, elle permet non seulement de certifier les diplômes et certifications, mais aussi de se prémunir des fausses informations. Des falsifications de CV en passant par l’embellissement du parcours scolaire, les universités, les écoles de l’enseignement supérieur et les responsables du recrutement peuvent tous être confrontés à cette problématique de la véracité des informations.
La blockchain offre donc une solution très pertinente, car grâce à elle, il est possible de concevoir un système décentralisé et sécurisé afin de conserver et de certifier les documents scolaires et les diplômes. En quelques secondes, les parties prenantes pourront bientôt accéder à l’ensemble des certifications d’un individu, aux notes ou aux modules validés.
Certaines universités comme l’ecampus de l’Ontario au Canada permettent déjà aux étudiants de bénéficier des atouts de la technologie blockchain. Grâce à un écosystème de micro-certification en interconnexion, il devient possible d’acquérir des micro-compétences pour prouver un savoir-faire. Elles pourront à terme compléter un diplôme ou prendre la forme d’un badge sur un réseau social.
JUPDLC : Quelles sont les opportunités offertes par la technologie blockchain à moyen et long terme ?
Alexis Clouet : À moyen et long terme, la technologie blockchain offre des opportunités significatives dans divers domaines. Elle pourrait révolutionner les systèmes financiers en simplifiant les transactions et en réduisant les coûts. Tout cela, en garantissant la sécurité et la transparence. De plus, elle pourrait transformer la gestion des données médicales, la traçabilité des produits dans la logistique et les modèles économiques avec l’émergence de nouvelles formes d’organisation décentralisée. En somme, la blockchain a le potentiel de stimuler l’innovation. Mais aussi de changer fondamentalement la manière dont de nombreux secteurs fonctionnent.
Faire émerger la révolution éducative en associant l’humain et la technologie
Ces soubresauts perpétuels peuvent amener à se questionner sur l’avenir même de l’éducation. Dès 1991, Philippe Perrenoud de l’Université de Genève se demandait si l’école devait suivre ou anticiper les changements de la société. Sa conclusion était la nécessité de se recentrer sur des bases pédagogiques. Entre autres compétences fondamentales pour les élèves : apprendre à apprendre. La diversité, le droit à l’erreur, la pensée critique, une certaine méthode et une ouverture vers l’extérieur. Voilà, selon lui, les piliers de l’éducation, quels que soient les bouleversements socio-technologiques.
Nous pouvons donc conclure que les nouvelles technologies, si elles sont essentielles à l’enseignement et permettent son évolution, doivent rester des outils maîtrisés. Il faud déployer un cadre d’usage et des techniques pédagogiques adaptées pour être en mesure de tirer pleinement profit de la technologie tout en gardant toujours l’humain au centre. C’est bien l’association du savoir humain et de la technologie qui permettra l’éclosion d’une révolution majeure de l’éducation.
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