La décarbonation, ça c’est rock !

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En cette période où les grands enjeux climatiques sont plus que jamais au cœur des débats, de nombreuses entités ont décidé de passer à l’action. Face au réchauffement climatique et aux nombreuses menaces qui pèsent sur la planète telles des épées de Damoclès,il est nécessaire de mettre les petits plats dans les grands. Qu’il s’agisse d’entamer une transition écologique et sociale, ou encore d’atteindre la neutralité carbone, les enjeux sont multiples et l’objectif final est d’intérêt général. Il faut désormais suivre les recommandations du GIEC, réduire nos émissions de gaz à effets de serre, entamer des démarches qui soient écoresponsables, et ainsi limiter notre impact sur l’environnement.

Dans ce contexte, l’association Wild Rose, qui organise chaque année le festival Art Rock à Saint-Brieuc, a entamé un grand plan de décarbonation. L’idée est claire : il faut mobiliser le plus grand nombre autour des questions et enjeux écologiques, afin d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. Et il faut dire que depuis la création du festival, il y a eu du mouvement ! (Et pas seulement celui de la foule…) Afin de parler de ce grand sujet, nous avons rencontré Carol Meyer, Directrice du Festival Art Rock à Saint-Brieuc.

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Carol Meyer / Directrice du Festival Art Rock

 

JUPDLC : Tout d’abord, pourquoi avoir choisi d’entamer un grand plan de décarbonation ?

Carol Meyer : Je dirais que nous n’avons pas le choix, tout simplement. Le changement climatique nous impose d’agir vite, autant dans nos vies personnelles que professionnelles, si l’on veut limiter la catastrophe. Et les objectifs sont très clairement établis depuis 2015 avec l’Accord de Paris sur le climat : pour limiter le réchauffement climatique à +2°C (ce qui est déjà trop !), nous devons tous et toutes réduire de 40% nos émissions de carbone d’ici 2030, et de 80% d’ici 2050. Il faut un vrai sursaut collectif et sociétal si on veut y arriver. A fortiori dans le secteur des festivals, qui sont déjà plus nombreux chaque année à être victimes de phénomènes climatiques extrêmes.

 

JUPDLC : Pour un festival associatif et indépendant, une telle démarche est-elle simple à mettre en place ? Quels principaux obstacles avez-vous rencontrés ?

Carol Meyer : Non ce n’est pas simple, et ce pour des tas de raisons. Il faut d’abord remettre en cause nos modèles, nos manières de faire, nos habitudes et même aller jusqu’à requestionner le projet artistique initial, son format, son sens. Il faut apprendre à renoncer, déconstruire un modèle pour en reconstruire un autre en quelque sorte. Mais c’est également un défi gratifiant !

Ensuite il y a la question du coût. Pour résumer, actuellement, tout ce qui est vert est cher. Et vu le contexte économique dans lequel évoluent les festivals, cela n’incite pas au changement ! Mais il faut se donner les moyens d’y arriver, et plus nous serons nombreux à nous engager dans cette démarche, plus les solutions deviendront abordables (je l’espère).

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Crédit photo : Festival Art Rock

 

JUPDLC : Dans un festival, quelle est la principale source d’émission carbone ?

Carol Meyer : La principale source d’émission carbone n’est pas liée à l’organisation du festival lui-même, mais aux déplacements du public pour s’y rendre (et dans une moindre mesure, des équipes et des artistes). Cela représente 80% de l’impact carbone généré par un festival ! Il y a donc urgence à communiquer sur cette donnée et à inviter les parties prenantes à privilégier les mobilités douces : marche, vélo ou transports en commun.

 

JUPDLC : Quelles actions avez-vous mises en place pour réduire cet impact pendant les trois jours d’Art Rock ?

Carol Meyer : Nous avons beau être en centre-ville, 87% du public venant de l’agglomération et 94% du public venant de plus loin s’y rendent en voiture… Alors nous avons mis le paquet sur les mobilités douces : mise en place d’un calculateur d’impact carbone sur notre site internet, navettes de retour gratuites vers toutes les communes de l’agglomération (dont 50% roulent au biogaz), proposition de tarifs réduits sur les TER, et enfin déploiement d’un grand plan vélo avec parking à vélo agrandi, ainsi que 3 parcours de vélobus pour venir et repartir en groupe. Une parade à vélo a également été organisée.

Malgré tout, les chiffres ne sont pas encore satisfaisants. Malheureusement, comme dans beaucoup de domaines, nous sommes tributaires de notre territoire. Or, le niveau de déploiement des transports en commun nocturnes est loin d’être suffisant. Les collectivités territoriales ont encore du chemin à faire pour sortir du schéma classique de la mobilité pendulaire et penser enfin une mobilité des loisirs qui nous rendrait moins dépendants de la voiture.

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Crédit photo : Festival Art Rock

 

JUPDLC : Comment ce plan de décarbonation est-il perçu auprès des membres actifs de l’association Wild Rose, qui organise Art Rock depuis 41 ans ? Qu’est-ce qui a été mis en place au quotidien, qui n’existait pas auparavant ?

Carol Meyer : C’est très bien perçu. Personne ne se pose la question de faire autrement, ou de ne pas faire ! Ce qui change au quotidien, c’est que nos bureaux fonctionnent avec 100% d’électricité verte, que nous compostons nos déchets, que nous questionnons la provenance de nos achats, la durabilité des supports fabriqués, etc.

 

JUPDLC : Pendant Art Rock, pouvez-vous nous parler de la politique de réduction des déchets ? Sur quoi repose-t-elle ? En quoi diffère-t-elle des années précédentes ?

Carol Meyer : Tout d’abord, nous réduisons la quantité des supports fabriqués : -50% de supports de communication papier, -30% de moquette, moins de signalétique jetable, etc. Nous travaillons aussi sur la réduction de l’usage du plastique : installation de fontaines à eau, suppression des bouteilles 50cl, autorisation des gourdes, vaisselle lavable…

Enfin, nous trions également tous les déchets, en backstage comme du côté public, et aspirons à généraliser le compost des déchets organiques. Malheureusement, il n’existe pas encore de solution de collecte de ces déchets à l’échelle locale. Là encore, c’est un élément sur lequel les collectivités doivent se pencher si nous voulons pouvoir avancer collectivement.

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Crédit photo : Festival Art Rock

 

JUPDLC : Selon vous, digitalisation et décarbonation peuvent-elles faire bon ménage ?

Carol Meyer : Pas nécessairement car le numérique a un impact carbone non négligeable : c’est 4% des émissions de gaz à effet de serre dans le monde. Essentiellement en raison de la phase de production des terminaux (écrans, smartphones…), mais les datacenters ne sont pas en reste non plus. De ce fait, on ne peut pas tout miser dessus. Il faut absolument limiter l’utilisation d’écrans (l’affichage digital est très questionnable par exemple) et alléger l’usage que l’on fait du numérique : un site web plus léger, moins de transferts de fichiers, etc.

 

JUPDLC : Pendant le festival, comment parvenez-vous à mettre en lumière les producteurs locaux ?

Carol Meyer : Nous travaillons effectivement le plus possible avec des producteurs locaux. Ils sont particulièrement mis en valeur à Rock’n Toques, la partie gastronomique 100% locale du festival. Mais nous prenons aussi soin de faire découvrir des produits locaux dans les loges des artistes par exemple (jus de pomme, miel, caramel, chocolat…).


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JUPDLC : Concernant le merchandising du festival, qu’avez-vous mis en place afin de répondre aux grands enjeux de notre époque ?

Carol Meyer : Nos t-shirts, sweats et chaussettes sont en coton bio certifiés et labellisés GOTS : une norme mondiale pour les textiles bio, qui inclut des critères écologiques et sociaux et garantit l’absence de produits chimiques, pesticides ou autres polluants nocifs pour les êtres vivants et l’environnement.

Certains produits comme notre mug sont 100% Made in France, d’autres comme nos chaussettes ou nos gobelets sont fabriqués en Europe. Et enfin, tous nos marquages (broderies, sérigraphies, transferts, impressions) sont réalisés à seulement 5 kilomètres du festival !

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Crédit photo : Festival Art Rock

 

JUPDLC : Pouvez-vous nous parler de « Festivals en mouvement » ? Quelles sont les grandes étapes de ce projet national ?

Carol Meyer : « Festivals en mouvement » est un projet regroupant 50 festivals français désireux de réduire l’empreinte environnementale liée aux transports vers les festivals à l’horizon 2030. L’idée est de mettre en commun des outils et d’échanger collectivement sur les initiatives de chacun, les réussites et échecs, afin que nous puissions tous avancer plus vite et plus efficacement.

Cela se déroule en effet en plusieurs étapes : un premier diagnostic à l’échelle nationale est effectué pour identifier les pratiques, les solutions et les freins liés aux mobilités douces. Puis, deux saisons d’expérimentations en 2024 et 2025 pour lancer des projets dans les 50 festivals partenaires. Et enfin, une phase de capitalisation des résultats et de mise en commun des bonnes pratiques, pour en faire bénéficier le plus grand nombre.

Dans les quatre scénarios de transition écologique de l’ADEME, il y en a un qui concerne le principe de « coopérations pragmatiques » : on est en plein dedans avec un tel projet !

 

JUPDLC : Aujourd’hui, pensez-vous qu’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050 soit un objectif atteignable ? Pensez-vous, dans un futur plus ou moins proche, mettre en place un pôle dédié aux enjeux environnementaux ?

Carol Meyer : Je pense que c’est un objectif difficile, qui nous obligera sans doute à faire des choix qui sont aujourd’hui vus comme radicaux, mais je pense que c’est atteignable. Nous sommes un festival de taille moyenne, nous n’avons pas de jauge démesurée, nous sommes situés en plein centre-ville et non en milieu rural, et nous n’accueillons pas énormément de gros artistes internationaux.

Mais cela va nous demander de changer de manière de faire et de percevoir nos évènements. C’est un gros travail que nous mettons en place dès maintenant de manière transversale, dans chaque pôle d’activité.

Nous n’allons pas créer de poste dédié à ce sujet, mais plutôt équiper toute l’équipe, grâce à la formation de tous les permanents et du Conseil d’Administration. De plus, nous établissons chaque année une feuille de route, avec des objectifs et un suivi, pôle par pôle, dans une logique d’amélioration continue.

Pour tout cela nous sommes très bien accompagnés par le Collectif des festivals, basé à Rennes, qui accompagne la transition écologique et sociale des acteurs et actrices de la culture en nous conseillant, en nous outillant et en nous faisant bénéficier de ressources précieuses et motivantes !

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Crédit photo : Festival Art Rock
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