Le secteur de l’évènementiel a connu des années plus que difficiles, enchaînant les crises sanitaires, écologiques ou encore économiques. Mais ce secteur plein de ressources a plus d’un tour dans son sac ! La clé pour y parvenir ? S’adapter et se réinventer, au fil des transformations majeures que rencontre notre société.
De nombreux organisateurs d’évènements et responsables de communication ont ainsi intégré de nouveaux outils à leur stratégie marketing. Entre campagnes social média, outils novateurs et objectifs RSE, le digital est devenu un indispensable dans le quotidien des acteurs de l’évènementiel. Pour parler de cette transition et de cette nécessaire adaptation, nous avons rencontré Aurélie Denis, Responsable communication du Festival Art Rock qui a lieu chaque année à Saint-Brieuc, en Bretagne, depuis 40 ans.
Entrevue avec Aurélie Denis, Responsable communication du Festival Art Rock
JUPDLC : Cela fait 40 ans que le festival Art Rock existe, y a-t-il eu une véritable « transition digitale » ? Qu’est-ce qui a été mis en place au fil des années ?
Aurélie Denis : La transition s’est faite de manière progressive et en s’appuyant sur les transformations majeures et les grandes tendances en communication digitale, mais également sur les nouveautés apportées par nos prestataires. Je pense ici aux réseaux sociaux, à la communication display, au cashless, ou encore au développement de l’application mobile.
JUPDLC : Quelle est la place du digital au sein de votre stratégie de communication ?
Aurélie Denis : Il est désormais au cœur de la stratégie même si nous n’avons pas renoncé au papier. Depuis mon arrivée, c’est une véritable préoccupation pour moi ! Le développement durable est par ailleurs au cœur du projet de Carol Meyer, la directrice du festival. Ainsi, nous diminuons chaque année nos quantités de supports papier. La chasse au gaspillage est notre fer de lance.
Le digital est devenu le nerf de la guerre avec les réseaux sociaux qui évoluent en permanence. Il faut s’adapter pour ne pas perdre son public. Après la Covid, c’est devenu encore plus important. Surtout pour un public de jeunes adultes qui, pour beaucoup, n’avaient encore jamais participé à un festival. L’objectif était de ne laisser personne derrière et surtout de leur donner envie, ce qui est un vrai challenge. D’ailleurs, la mise en place du pass culture a été un véritable atout !
Je parlais des réseaux sociaux mais il est essentiel de parler des outils de marketing que j’ai pu intégrer dans notre stratégie. Je pense ici à la com digitale dite « display ». En diminuant les quantités de papier, j’ai pu libérer du budget pour développer ces axes de communication. Car je n’ai pas eu de budget supplémentaire, c’est même l’inverse ! Il s’agissait de faire autant, voire mieux, plus ciblé, à moindre coût et plus « vert ». Entre vase communicant et casse-tête je dirais, mais c’est mon métier, ça finit par fonctionner et ça paie ! Depuis la Covid et les confinements successifs, nous pouvons nous féliciter d’avoir vécu deux éditions complètes ! C’est une vraie fierté car nous avons – comme tout le monde dans le secteur de l’évènementiel – beaucoup travaillé pour ça.
Podcast
Enfin, la place de la vidéo est devenue essentielle pour communiquer avec notre public même si j’accorde toujours beaucoup d’importance aux images, aux photos. Réels, vidéos courtes pour TikTok, ou encore aftermovies sont devenus, au fil du temps, des formats incontournables. Il faut parvenir à différencier ses supports en fonction des réseaux, trouver le bon ton, mais également à affirmer son identité en tant que structure pour rester soi-même. Ce n’est pas simple tous les jours, surtout pour un festival quarantenaire comme Art Rock, car tout va très vite !
JUPDLC : Diriez-vous que celui-ci permet d’accéder plus facilement à la culture ? Pourquoi ?
Aurélie Denis : Oui et non : cela dépend vraiment de ce que l’on en fait ! En effet, le digital permet d’accéder à une source de savoirs et d’informations incroyable, mais il peut aussi être vecteur de fake news et de haine digitalisée. Selon moi, il faut prendre la culture où elle est et vivre avec son temps mais toujours faire attention aux contenus bien entendu. J’essaie d’ailleurs d’éduquer mon fils en ce sens !
JUPDLC : Pour le festival Art Rock, y a-t-il eu un moment de véritable « transition digitale » ? Qu’est-ce qui a été mis en place ?
Aurélie Denis : Hormis la com’ stricto sensu il faut également parler de la dématérialisation du paiement, le cashless ainsi que la billetterie dématérialisée qui était au cœur de nos préoccupations. La transition là-dessus s’est faite petit à petit à partir de 2017 et a été accompagnée par nos mécènes et prestataires.
Cette année nous avons franchi une marche supplémentaire en mettant en place le contrôle d’accès interne (bracelet pucé pour tout le staff). Ce n’était pas une balade de santé, tout n’a pas été parfait, mais il y a des axes d’amélioration à trouver. C’est un vrai plus qu’il faut continuer à creuser !
JUPDLC : Quel est l’intérêt de la mise en place de ce type de solutions pour vous ? Et pour les festivaliers ?
Aurélie Denis : De notre côté cela permet d’abord de sécuriser les paiements et nos recettes, car quasiment plus d’espèces ne circulent sur site. Mais cela nous donne aussi un accès à de précieuses data en termes de marketing : suivi des ventes extrêmement affiné et suivi du profil des festivaliers (genre/âge/provenance). C’était aussi un gain de temps indéniable pour nous comme pour les festivaliers. Et surtout une facilité d’utilisation pour ces derniers : en résumé, plus de confort et une expérience festivalière plus dynamique !
JUPDLC : L’année précédente, vous proposiez aux festivaliers une expérience immersive gratuite avec casque VR. Pensez-vous que technologie et expériences immersives soient indissociables ?
Aurélie Denis : Le live en festival est lui-même une expérience immersive à proprement parler, il ne faut pas l’oublier ! Donc non, selon moi, ce n’est pas indissociable. La technologie permet cependant d’aller encore plus loin et de créer un rapport nouveau aux œuvres d’art. C’était d’ailleurs le cas avec les expériences de réalité virtuelle et de réalité augmentée que nous avions proposées dans le cadre de l’exposition « Mirages & miracles » d’Adrien M & Claire B au Musée de Saint-Brieuc en 2022.
JUPDLC : Êtes-vous pour ou contre l’arrivée des IA dans le secteur de l’évènementiel ? Pourquoi ?
Aurélie Denis : Ni pour ni contre. Ça existe donc il faut faire avec. Pour être transparente, cela m’effraie un peu mais il faut peut-être le considérer comme le sampling ou l’autotune à l’époque. Cela peut aider et accompagner le geste artistique, ou permettre de déployer encore plus largement ce qui existe déjà. Car l’IA – pour le moment – ne peut qu’imiter ! On a l’impression d’entrer dans une dystopie mais on n’y est pas encore. L’humain a toujours sa place, avec la créativité qui lui est propre, ainsi que ses émotions et ses désirs.
JUPDLC : De votre côté, comment envisagez-vous le futur de l’évènementiel, ou le « festival du futur » ?
Aurélie Denis : Je reste persuadée qu’il faudra tendre vers plus d’égalité, d’accessibilité, de nous améliorer encore sur les problématiques climatiques, énergétiques, écologiques. Mais pour moi, le festival du futur se fera toujours avec de l’humain et des émotions. Il s’agit tout d’abord de pouvoir continuer à faire ce que l’on fait, et ce en surmontant les obstacles qui se présentent à nous au quotidien : malgré les crises, malgré le contexte. Ce sera déjà merveilleux !
