Après une première publication en janvier 2025 couvrant la période 2019-2023, l’Union des marques et Kantar Media ont récemment présenté une mise à jour de leur étude exclusive sur les investissements publicitaires en France, enrichie des données de l’année 2024. L’idée ? Offrir une nouvelle lecture et contrer des idées reçues sur les dynamiques du marché publicitaire français.
Souvent perçu comme un bloc homogène, le marché publicitaire français est finalement bien plus nuancé qu’il n’y paraît. Et ce, particulièrement au regard de l’écart entre les plus grands acteurs et la multitude de plus petits acteurs (que l’on nomme aussi acteurs « de longue traîne »), mais aussi des secteurs d’activité. L’étude menée par l’UDM et Kantar Media a pour vocation à mettre en lumière ces profondes disparités. Revenons sur les idées reçues déconstruites par la première parution, et les enseignements enrichis de la mise à jour du 9 juillet 2025.
Un marché moins homogène qu’il n’y paraît
L’un des apports majeurs de cette étude repose sur la segmentation des +80 000 marques de la base Kantar Media en quatre groupes, ou quartiles, chacun représentant 25 % des investissements publicitaires totaux. Grâce à ce découpage, l’étude met en lumière l’hétérogénéité des évolutions et dynamiques à l’oeuvre sur les six dernières années.
Aussi, les valorisations des espaces publicitaires effectuées par Kantar Media ont été mises en cohérence avec celles de FrancePub et de l’Observatoire de l’e-pub SRI-UDECAM pour le digital. Cette harmonisation a permis de comparer et d’analyser de manière unifiée l’ensemble des investissements publicitaires, qu’ils soient en ligne ou hors ligne. Pour Hervé Navellou, président de l’Union des marques : « Ce nouveau regard porté sur le marché publicitaire français apporte un éclairage réellement différent de celui auquel le marché est habitué et dont le prisme est souvent déformant. »

Ce que l’étude 2019-2023 déconstruit
Idée reçue n°1 : Les marques investissent dans le digital par effet de mode
En réalité, ces investissements reflètent l’évolution des usages et des comportements d’achat. Les marques suivent les audiences, désormais plus fragmentées, et s’adaptent à la multiplication des points de contact digitaux et l’évolution des modes d’achat.
Idée reçue n°2 : Le marché est dominé par quelques grandes marques
Si l’étude confirme une certaine polarisation du marché, elle montre aussi qu’il y a du mouvement. Le premier quartile, donc les « poids lourds », représentait 84 marques en 2023, avec un budget moyen de 36 millions d’euros. À l’opposé, le dernier quartile (ou longue traîne) représentait 72 000 marques en 2023, avec un budget moyen de 42 000 euros. Leur effectif a considérablement grossi sur la période de l’étude : la mise à jour du 9 juillet incluant les données de 2024 présente 78 323 marques (soit 97,4% de la base totale !).

Si en termes de nombre, les petites marques dominent largement le marché, en termes de budget, c’est une tout autre histoire. Le graphique ci-dessus le démontre bien, il y a presque un effet miroir entre les chiffres présentant le nombre de marques et le budget investi. Ainsi, le budget d’une grande marque peut financer près de 860 petites !
L’étude relève également que le budget moyen de ces 84 marques leaders a augmenté de 40 % entre 2019 et 2023, et surtout, ce groupe n’est pas statique. On a vu arriver de nouveaux acteurs forts issus de la nouvelle économie. Comptez Temu, Shein, Disney+, ou encore Zalando, par exemple.
Idée reçue n°3 : Les grandes marques se détournent des médias traditionnels
L’étude démontre que pour ces très grandes marques du premier quartile, le socle d’investissement offline reste quasi stable sur cinq ans. Leur croissance en investissement publicitaire vient surtout de l’ajout du digital. Ce n’est pas l’un au lieu de l’autre, mais l’un en plus de l’autre. Toutefois, si l’on regarde les plus petites marques, on observe que les investissements dans les médias traditionnels sont désormais inférieurs à ceux du digital.
Idée reçue n°4 : Les marques, quel que soit leur secteur, s’inscrivent dans une même évolution de marché
Il faut, là encore, nuancer. Toutes les marques ne suivent pas la même stratégie selon leur secteur d’activité. L’analyse sectorielle montre en effet des différences très nettes. Logiquement, les secteurs très liés au e-commerce (la distribution, la mode), ont basculé fortement vers le online. Mais d’autres, comme l’alimentaire ou l’automobile, qui sont moins dépendants de la vente en ligne directe, gardent une base très solide d’investissement offline. Le secteur reste donc un déterminant majeur.
Ce que révèle la mise à jour du 9 juillet 2025
Mercredi dernier, l’Union des Marques et Kantar Media ont publié une mise à jour de cette étude exclusive, avec les données de 2024 de Kantar Media. Cette nouvelle édition confirme les tendances observées dans l’étude 2019-23. Elle permet aussi d’approfondir les analyses de la structure des investissements par secteur, ainsi que celles effectuées sur la presse et la TV.
1. Une croissance globale (+28%), portée par le digital (+80%)
Globalement, le marché a continué de progresser en 2024, une évolution fortement tirée par le digital. Comme démontré ci-dessous, les chiffres (incluant la part projetée du digital non-mesuré par Kantar Media par rapport à l’Observatoire de l’e-pub du SRI-UDECAM), passent de 4,9 milliards en 2019 à 8,8 milliards d’euros en 2024. C’est une hausse de 79,59% pour le digital, contre une hausse de 27,7% pour le marché global. Il est intéressant ici de noter la stabilité des investissements dans les médias plus classiques.

2. Les grandes marques restent fidèles aux médias traditionnels : plus de la moitié du budget alloué
En effet, les grandes marques, bien que moins nombreuses (le Q1 est composé de 89 marques en 2024), ont un budget plus conséquent que les autres quartiles… et elles ne délaissent pas les médias traditionnels. Les grands annonceurs allouent encore 54 % (Q1) et 60 % (Q2) de leur budget aux médias traditionnels, c’est plus de la moitié.
La longue traîne (Q4), elle, prend un chemin inverse, puisqu’elle consacre 68 % de ses dépenses au digital.

3. La télévision : un média toujours puissant ?
Les grands groupes, Q1 et Q2, ont maintenu leurs investissements en TV de manière globalement stable sur la période 2019-2024. Certains secteurs y sont même très dépendants : pour l’alimentation, 64% du budget a été investi en télé en 2024. Pour l’entretien, cela monte à 79%, pour l’automobile 44% et la santé 51%. Notons par ailleurs que ces chiffres s’appliquent à la télé dite « traditionnelle », et ne comptent pas les revenus digitaux propres de ces chaînes, comme le replay, etc. (ce qui représente plus de 11,1% de leurs recettes totales en 2024 selon l’Irep). Donc la place de la télé pour ces grandes marques est sans doute encore plus importante que ce que ces chiffres montrent.
Puissance ? Couverture rapide ? Construction de la notoriété ? Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette fidélité des grands acteurs à la télévision, qui demeure un point de contact massif, même si l’audience se fragmente. La longue traîne, elle, se détourne de ce média, cherchant potentiellement d’autres objectifs, un ciblage plus fin et un investissement budgétaire moindre dans le digital.
4. Presse : des stratégies contrastées
Côté presse, les grands annonceurs maintiennent leur budget. À l’inverse, les petites marques ont réduit leurs investissements de 20 % entre 2019 et 2024. Exceptions notables : la banque/assurance et l’énergie, qui ont accru leurs investissements presse, probablement pour des raisons de crédibilité et de ciblage. Et là aussi, il faut noter que les recettes digitales de la presse, qui sont autour de 20% en 2024 selon l’Irep, ne sont pas incluses dans ces chiffres traditionnels.
5. Chaque secteur a sa propre grammaire média
Si l’on parle souvent du basculement global vers le digital, la réalité sectorielle est bien plus nuancée. Le graphique ci-dessous issu de l’étude en est une illustration : il révèle à quel point chaque secteur développe une stratégie média spécifique, influencée par son modèle économique, ses enjeux de communication ou encore sa maturité digitale.
Certes, les modes de consommation, tant des produits que des médias, continuent leur transition numérique. La conjoncture économique et les conditions de marché impactent directement les entreprises dans leurs arbitrages budgétaires. Mais la portée de ces facteurs varie considérablement selon les secteurs, et parfois même au sein d’un même quartile d’annonceurs.

Ainsi, nous le notions plus tôt : les secteurs fortement liés au e-commerce, comme la distribution et la Mode & Accessoires, augmentent significativement leurs investissements digitaux. En 2024, la distribution consacre 56 % de son budget publicitaire au digital et représente désormais près de 20 % du marché publicitaire global (contre 15 % en 2019). Le secteur Mode & Accessoires, quant à lui, alloue les trois quarts de ses investissements au digital et représente aujourd’hui 10 % du marché total (contre 6 % il y a cinq ans).
À l’opposé, certains secteurs maintiennent une solide fidélité aux médias traditionnels tout en augmentant leurs dépenses online. C’est notamment le cas de l’alimentation, de la santé, de l’hygiène-beauté ou encore de l’entretien, que l’on retrouve dans la partie haute du graphique. D’autres secteurs amorcent une transition encore plus progressive, à l’image de l’automobile, de l’énergie ou de la banque-assurance (en haut à gauche), qui conservent une base offline forte tout en explorant le digital à un rythme plus modéré.
Une vision plus proche de celle des marques
Cette nouvelle édition de l’étude Union des marques/Kantar Media rappelle à quel point il est trompeur de se fier uniquement aux moyennes ou aux tendances générales. L’analyse par taille et par secteur permet de mieux comprendre les arbitrages budgétaires réels des marques, leurs priorités média, et leurs rapports différenciés aux leviers digitaux ou traditionnels. Avec cette approche, l’étude permet de mieux comprendre comment les marques répartissent effectivement leurs budgets publicitaires, révélant ainsi que l’essor du digital n’exclut pas pour autant le maintien de dispositifs traditionnels, particulièrement chez les grands annonceurs.
Pour en savoir plus sur l’étude, rendez-vous sur le site de l’Union des marques !


