Paris, 8e arrondissement. Non loin de l’Opéra Garnier et du palais de l’Élysée, une façade vitrée laisse entrevoir des bannières jaunes et une foule animée. Lundi 19 mai, devant le tout nouveau QG de Snapchat France, l’heure est à la célébration. Evan Spiegel, CEO et cofondateur de Snap Inc., a traversé l’Atlantique. Emmanuel Macron, président de la République, a pris le temps d’un détour. Au centre de cette chorégraphie, Grégory Gazagne, directeur général de Snap France, supervise l’un des mouvements stratégiques les plus ambitieux de la filiale française depuis son lancement en 2016.
Quatre ans après Choose France 2021, cette étape renforce l’engagement de Snap de créer un centre d’excellence de la réalité augmentée, au rayonnement national et mondial. Le message est clair : jusqu’alors en fort développement, mais un brin éparpillé, Snap veut s’enraciner. Dans le paysage technologique français, dans le quotidien des marques, dans l’imaginaire des créateurs. Portée par une audience massive (26 millions d’utilisateurs), la plateforme a su se faire une place unique dans le cœur des Français. Au-delà de l’image colorée des lenses et des Bitmojis, son ambition se dessine : celle de bâtir un modèle plus responsable, plus sobre, plus éthique, tout en restant un acteur de performance et d’innovation.
Alors que les écrans saturent, que la défiance envers les réseaux s’installe et que la créativité s’essouffle parfois sous les algorithmes, Snapchat joue une autre partition. Celle du lien, du vrai, de la caméra directe, de l’amitié retrouvée. Et c’est peut-être là que Grégory Gazagne et ses équipes tiennent leur plus belle promesse : faire de Snapchat un média d’avenir en s’appuyant sur la force de l’instant. Retour sur les ambitions de la plateforme jaune, dans cet entretien exclusif avec son Directeur Général France.

JUPDLC : Vous avez inauguré ce lundi un QG de 4 000 m² en plein cœur de Paris. Ce n’est pas anodin. Quel signal cette ouverture envoie-t-elle aux acteurs du marché français ?
Grégory Gazagne : Le premier signal, c’est que Snapchat se porte très bien. Nous sommes arrivés en France en 2016, et depuis, nous avons construit une communauté solide de 26 millions d’utilisateurs mensuels. Près de 20 millions de personnes utilisent la plateforme quotidiennement.
Le deuxième message, c’est que nos équipes connaissent une croissance importante. Jusqu’à présent, nous étions répartis sur trois sites différents – Station F, WeWork et notre bureau historique. Il devenait essentiel de rassembler tout le monde sous un même toit.
Enfin, cette ouverture marque aussi une volonté de réaffirmer notre engagement, une promesse prise en 2021 lors de Choose France : la création à Paris d’un centre d’excellence dédié à la réalité augmentée. Ce centre devait rayonner en France, mais aussi à l’international. Et nous avons tenu cette promesse, avec des collaborations remarquables depuis – avec le Louvre, le château de Chantilly, le Centre Pompidou, ou encore pour la Journée internationale des droits des femmes. Sans oublier des projets avec les Daft Punk ou Jane. Depuis la création de ce centre, 276 millions d’activations de lenses développées par l’AR Studios ont été enregistrées. Il nous fallait donc un lieu emblématique pour réaffirmer cette ambition.
C’est aussi pour cela que nous avons choisi d’organiser l’inauguration le jour de Choose France, afin de montrer que Snap continue d’innover, notamment avec nos nouvelles lunettes connectées intégrant la réalité augmentée. Pour nous, c’est une innovation majeure, et un axe stratégique fort pour les années à venir, à l’échelle mondiale.
JUPDLC : Est-ce que vous pouvez nous dire quelques mots sur la spécificité du marché français pour Snapchat ?
Grégory Gazagne : Il y a un élément central qui ne change pas, quel que soit le pays : Snapchat s’ouvre sur la caméra. C’est un choix structurant, que nous avons déployé dans tous les marchés, car nous sommes avant tout une application de communication visuelle.
Notre objectif est simple : permettre aux utilisateurs de se connecter et d’échanger avec leurs proches. C’est d’ailleurs la première raison pour laquelle notre audience utilise Snapchat. 90 % de nos utilisateurs déclarent venir sur la plateforme pour rester en contact avec leurs amis et leur famille. Nous offrons un environnement authentique, avec des messages éphémères, sans retouche ni post-production. On prend son téléphone, on capture l’instant tel qu’il est. Cette spontanéité a d’abord séduit les utilisateurs, puis les créateurs de contenu, et aujourd’hui les marques, qui adoptent Snapchat pour les mêmes raisons : authenticité, rapidité, proximité.
Le marché français se distingue vraiment des autres. C’est notre troisième marché mondial en termes d’audience, alors même que la France n’est pas parmi les pays les plus peuplés. Il y a eu un véritable engouement pour Snap ici. Snapchat reste extrêmement populaire auprès des jeunes : 91 % des 13-24 ans en France l’utilisent. Mais ce qui est vraiment unique, c’est que ce public jeune ne représente qu’un tiers de notre audience. Les deux autres tiers ont plus de 25 ans. On retrouve notamment de nombreux jeunes parents, ou parents d’adolescents, qui sont eux aussi très présents sur l’application.
Aujourd’hui, l’âge moyen des utilisateurs de Snapchat en France est de 35 ans. C’est quelque chose qu’on ne sait pas forcément. On a souvent l’image d’une appli pour ados, mais c’est très réducteur. Cette diversité générationnelle est une véritable spécificité du marché français.
JUPDLC : On a parlé de l’audience, mais qu’en est-il des marques françaises sur Snapchat ?
Grégory Gazagne : Le marché publicitaire français a, lui aussi, ses spécificités. L’une des plus marquantes, c’est notre forte présence dans l’univers du luxe. La France étant un acteur majeur à l’échelle mondiale avec ses grandes maisons de luxe, nous avons naturellement développé une relation étroite avec ce secteur.
Nous avons d’ailleurs une équipe dédiée à l’accompagnement de ces maisons dans leurs campagnes, notamment sur les volets d’innovation et de création. Cela nous permet de proposer des expériences particulièrement immersives, créatives et différenciantes.
Un bon exemple, c’est la campagne actuelle de Chanel, avec une bâche installée sur l’Opéra Bastille pour promouvoir le parfum Chance. Elle intègre un QR code qui, une fois scanné, déclenche une expérience en réalité augmentée : on y retrouve notamment l’univers du parfum, une ambiance sonore signée Angèle, et bien plus encore.
Depuis le lancement, ce QR code est activé toutes les 3 minutes. C’est un vrai succès, et une belle illustration de la manière dont les marques françaises – et en particulier les maisons de luxe – utilisent Snapchat pour innover et créer du lien autrement avec leur audience.
JUPDLC : On peut aussi penser à la campagne de Jean Paul Gautier qui s’est insérée jusque dans les notifications des utilisateurs. Cela dit beaucoup de vos formats, qui semblent moins intrusifs, peut-être plus engageants. C’est une vraie valeur ajoutée pour les annonceurs, non ?
Grégory Gazagne : Oui, complètement. Il y a aujourd’hui une vraie attente de ce côté-là. Et ce qui est intéressant, c’est de voir comment les comportements ont évolué avec le temps. Avant le Covid, si on regardait les requêtes sur Google Trends par exemple, ce qui revenait beaucoup, c’était : « Comment obtenir plus de likes ? » Mais après la pandémie, ces requêtes ont fortement diminué. À la place, une nouvelle tendance est apparue, supplantant progressivement la précédente : « Comment avoir plus d’amis ? » Je trouve ça très révélateur. On observe une évolution des attentes sociales, un besoin de lien. Aux États-Unis, on parle même d’une « récession de l’amitié » : les gens y ont de moins en moins d’amis proches. Ce n’est pas encore un phénomène bien mesuré en Europe, mais on sent cette tendance. Et chez Snap, c’est précisément sur cette envie de connexion que nous nous positionnons.

C’est d’ailleurs ce que les marques apprécient sur notre plateforme : 90 % de nos utilisateurs déclarent se sentir heureux lorsqu’ils utilisent Snapchat. Dans un contexte global tendu – qu’il soit politique, économique ou social – offrir un espace où l’on se sent bien, c’est précieux. Cela a un impact direct sur la manière dont la publicité est perçue, et donc sur la relation entre les marques et les utilisateurs. L’authenticité devient rare. Or, c’est justement ce que nous proposons. C’est la « grammaire de Snapchat » : créer du lien, rester authentique, spontané, sans surproduction ni complexité. Juste quelque chose de naturel, de vrai.
C’est dans cet esprit que nous avons conçu les Sponsored Snap, un format qui permet aux marques de communiquer comme un utilisateur de Snapchat. On leur recommande d’ailleurs de s’exprimer de la même manière que notre communauté : sortir son téléphone, faire un selfie, parler simplement. Comme l’a fait le président Emmanuel Macron lors de notre inauguration : un message face caméra, rien de plus que ça. Et ça fonctionne. On a plein d’exemples de marques qui ont parfaitement compris cette logique. Ça peut être un acteur sur un tournage, une égérie pour une marque de parfum ou de luxe… L’idée, c’est toujours de créer une connexion sincère, directe, avec la communauté, en expliquant pourquoi un produit ou un événement mérite d’être partagé.
Snapchat choisit la France !
Ce nouveau bureau et ce nouveau centre de réalité augmenté à Paris montrent bien à quel point la France est attractive aux yeux des investisseurs étrangers. Thank you! pic.twitter.com/vfGBsVQ8qa
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) May 19, 2025
JUPDLC : Quelles sont les priorités de Snap France dans les six prochains mois, et peut-être à plus long terme ?
Grégory Gazagne : Notre première priorité, c’est de continuer à faire grandir notre communauté, tout en lui offrant un environnement sûr et bienveillant. C’est fondamental pour nous. Nous investissons énormément pour garantir cette sécurité, surtout quand on sait que 91 % des moins de 25 ans en France utilisent Snapchat — ce qui inclut une large part de mineurs.
Nous avons donc une responsabilité importante : leur offrir une plateforme sur laquelle ils peuvent s’épanouir, tout en étant protégés des risques qui touchent leur génération, comme les problèmes de santé mentale, les addictions, etc.
C’est pourquoi nous avons mis en place des portails d’accompagnement, en partenariat avec des structures comme e-Enfance, la ligne d’aide 3114, ou encore la MIDELCA (Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives). Ces dispositifs permettent d’informer, de sensibiliser, et d’agir de manière concrète.
« Snapchat permet aujourd’hui de toucher entre 10 et 12 millions de personnes en une seule journée ».
La deuxième priorité, c’est de faire croître notre chiffre d’affaires en France en apportant des solutions efficaces à nos partenaires et clients. Il ne s’agit pas seulement de leur proposer une audience – même si elle est massive –, mais aussi de leur fournir des formats adaptés à leurs enjeux : notoriété, image de marque, performance. Snap permet aujourd’hui de toucher entre 10 et 12 millions de personnes en une seule journée. C’est une audience colossale, surtout si on la compare aux audiences des plus gros prime time télé, qui oscillent entre 4 et 6 millions de téléspectateurs.
Nous travaillons donc avec les marques pour les aider à communiquer efficacement dans leurs moments forts. Et nous avons aussi beaucoup investi dans nos technologies pour accompagner la performance : génération de trafic en ligne, téléchargements d’applications, conversions…
Sur le premier trimestre de l’année, ces campagnes de performance ont représenté 75 % de notre revenu mondial. C’est le fruit d’innovations majeures, notamment dans l’IA : optimisation des enchères, prédiction des taux de clics ou de conversion, ciblage intelligent en fonction des typologies de public… C’est un axe que nous allons continuer à renforcer dans les mois et années à venir.
JUPDLC : Vous avez mentionné l’IA et vos solutions de performance. On imagine que votre technologie est particulièrement avancée sur ce volet ?
Grégory Gazagne : Oui, clairement. Cela fait trois ans que nous travaillons intensément sur ce sujet, et ces deux dernières années, les choses se sont fortement accélérées. Sur les 12 derniers mois, on a observé une véritable montée en puissance.
Aujourd’hui, on attire de plus en plus de clients grâce à ces avancées. Je ne peux pas partager de chiffres spécifiques au marché français, mais la tendance est globale, et la France s’y inscrit pleinement.
Sur le premier trimestre, 60 % de nos clients étaient de nouveaux annonceurs. Il s’agit en grande majorité de small et médium business, car nous avons déjà engagé des discussions solides avec les grands comptes dans chaque pays. Et si ces nouveaux clients viennent vers nous, c’est justement parce que nos solutions de performance sont efficaces et qu’elles leur apportent de la valeur.
JUPDLC : Pour conclure, un dernier mot sur votre proposition de valeur. Pourquoi, aujourd’hui, un créateur, une marque, devraient-ils miser sur Snapchat ? Qu’apportez-vous de plus, de différent ?
Gregory Gazagne : Il y a plusieurs raisons.
Pour les créateurs, Snapchat est une plateforme qui valorise leur travail : nous les accompagnons pour développer leur activité, générer des revenus, et construire un véritable business. Nous proposons un modèle de partage de revenus généreux, à la fois pour les créateurs mais aussi pour les médias : aujourd’hui, une centaine de médias français produisent du contenu de qualité sur Snapchat, et ce contenu est rémunéré à sa juste valeur.
Cela nous permet aussi de garantir un environnement sécurisé, avec du contenu de qualité, vérifié, ce qui nous distingue d’autres plateformes où la désinformation ou les contenus toxiques circulent plus facilement. Par exemple, nous n’avons pas de live, pas de contenus non modérés – ce qui fait de Snapchat, selon moi, l’une des plateformes les plus éthiques disponibles en France, même si, bien sûr, il reste toujours des choses à améliorer.
Et puis, ce qu’on veut faire de plus en plus, c’est rapprocher marques et créateurs autour des spécificités de Snapchat. Par exemple, en associant des créateurs à nos lenses en réalité augmentée. C’est une vraie innovation. Pourquoi ? Parce qu’on réunit le meilleur des deux mondes : l’authenticité et la simplicité d’un créateur qui s’exprime avec sa propre voix, et la puissance d’interaction d’une lens. Une lens, c’est en moyenne 11 secondes d’engagement, contre 2 secondes pour une vidéo classique. Et surtout, c’est viral : une fois qu’un créateur l’utilise, les utilisateurs peuvent à leur tour la reprendre, la partager et la faire circuler naturellement.
C’est cette combinaison – authenticité, créativité, interactivité et viralité – qui fait la force de Snapchat aujourd’hui pour les marques comme pour les créateurs.