L’humour, un levier sous-exploité par les annonceurs ?

En collaboration avec Fantastic
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Un consommateur qui rit est-il à moitié conquis ? Catalyseur d’émotions, levier de connivence avec les audiences, ou encore booster de mémorisation : l’humour peut faire des ravages. Mais l’expression est à prendre dans les deux sens. Bien exploité, ses avantages sont indéniables. Un pas de côté, et c’est le bad buzz assuré. Signe de sa bonne santé dans les campagnes de marketing et de communication, le thème était à l’honneur cette année aux Cannes Lions. Le Festival a en effet introduit l’humour comme nouvelle catégorie.

Mais alors, comment trouver le bon équilibre ? L’humour permet-il vraiment de se rapprocher de ses consommateurs ? Auprès de quelles cibles fait-il vraiment mouche ? Et toutes les marques sont-elles légitimes à en faire usage ? Pour y répondre, nous avons reçu Bruce Vinci, Directeur Général de Fantastic, et Lucas Ducreux, Concepteur-Rédacteur et Lead Créatif de l’agence.

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À gauche : Bruce Vinci / À droite : Lucas Ducreux. Crédit photo : Fantastic

JUPDLC : L’humour est un canal de captation d’audience sans précédent. Pensez-vous qu’il soit actuellement sous-exploité par les annonceurs ? Pourquoi ?

Bruce Vinci : Les décideurs sont paralysés par la prise de risque, la crainte du « bad buzz », sans se rendre compte que le pire investissement serait que leur campagne passe inaperçue.

Si les KPIs sont dans tous les briefs, le taux de mémorisation, et même celui de complétion, sont souvent mis de côté. On préfère être vu (ne serait-ce que 6 secondes), qu’être remarqué. Pourtant, selon la dernière étude Oracle sur le sujet : « 90 % des personnes avouent ne se souvenir vraiment que des publicités humoristiques. » Chez Fantastic, nous demandons d’évaluer l’efficacité de nos campagnes, aussi, sur ces deux indicateurs.

 

JUPDLC : Pourquoi l’humour permet-il de se rapprocher de sa cible ?

Bruce Vinci : Je ne sais pas si vous vous risquez parfois à lancer une blague, mais faire de l’humour, c’est d’abord accepter de se mettre à nu, et ainsi se mettre au même niveau que son interlocuteur. Dans un contexte où les marques font de chacune de leur prise de parole une communication descendante, celles qui emploient un schéma horizontal ont souvent la prime à l’audace, et la capacité à gagner les cœurs.

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Crédit photo : Adobe Stock / MMollaretti

JUPDLC : Selon vous, pourquoi ce levier est-il particulièrement adapté pour toucher la GenZ ?

Bruce Vinci : La GenZ a un rapport différent à la pub. Elle connaît les ficelles, décode les contenus et les intentions des marques. Dans ce rapport «Je-sais-que-tu-sais-que-je-suis-là-pour-te-vendre-un-truc », pour une marque, l’humour et l’autodérision sont souvent la meilleure approche pour désamorcer la relation. Sans compter que dans un feed, la GenZ privilégiera toujours des campagnes divertissantes. Il ne faut pas oublier cependant que l’humour n’appartient à aucune génération. C’est même ce qui en fait sa force et son universalité.

 

JUPDLC : Pourriez-vous nous donner des exemples où l’humour s’est imposé comme une évidence pour vous ? Quels sont, d’après vous, les avantages à y avoir recours ?

Bruce Vinci : L’humour désamorce, c’est un registre particulièrement efficace quand les sujets sont impliquants, délicats ou sensibles, nous avons employé, par exemple, l’humour pour sensibiliser le grand public face à l’absurdité d’un décret français qui visait à sanctionner sur son sol les marques de viandes végétales qui produisent en France, sur l’emploi de dénominations considérées comme animales pour la Marque ACCRO. Dans ce cas précis, le registre de l’absurde s’est imposé par lui-même.

Lucas Ducreux : On a eu la chance d’avoir affaire à un sujet à la fois hyper sérieux sociétalement : la réflexion autour de la consommation de viande, et plus globalement, le rapport de chacun face à sa propre façon de consommer, entraînant bien souvent des échanges tempétueux entre les différentes parties… Et un décret complètement lunaire, qui n’apportait rien au débat, qui intervenait même comme le symbole de la déconnexion entre l’administration et les administrés. Pire : qui mettait du plomb dans l’aile aux entreprises qui produisent en France. Donc bon, l’absurde s’est imposé de manière naturelle.

 

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Bruce Vinci : Une fois encore, nous avons employé l’humour pour traiter un sujet tabou : celui du débouchage de canalisation pour La Compagnie des Déboucheurs. Cela nous a permis de désamorcer le sentiment de gêne que l’on ressent quand on se retrouve seul (et un peu démuni) face à soi-même.

Dans ce cas, nous avons même poussé l’exercice jusqu’au tutoriel, avec une saga de 5 épisodes disponibles sur YouTube. Ils permettent à la fois de marquer la personnalité de l’annonceur (le premier réflexe quand on a un bouchon étant de chercher un tuto sur YT, autant que ce soit celui de La Compagnie !), mais aussi de vulgariser des gestes perçus comme techniques pour les « deux mains gauches ».

 

JUPDLC : Pensez-vous qu’il existe des canaux privilégiés pour utiliser l’humour ?

Lucas Ducreux : Non et tant mieux. Moins on attend l’humour, mieux c’est.

 

JUPDLC : Auriez-vous des exemples de campagnes qui ont rencontré beaucoup de succès grâce à l’utilisation de ce levier ? À l’inverse, auriez-vous des exemples d’annonceurs qui ont entaché leur image de marque à cause d’une campagne mal menée ou d’un humour « déplacé » ?

Bruce Vinci : On pourrait citer The worst song ever de Rosa Paris pour Monoprix, ou encore You look dumber with your mouth open de Saatchi & Saatchi pour Otrivin. Ce sont deux exemples de campagnes qui ont su rendre « sexy » des sujets « pénibles » : la livraison à domicile et le traitement des nez bouchés. À noter que les deux ont en commun un insight de départ qui fait que l’on rit, oui, mais aussi de nous. On pourrait rajouter à la liste la campagne Supergeil de Jung von Matt pour EDEKA. Décalage, absurde, lourdeur… Toutes ont à leur manière fait parler d’elles grâce à l’humour et ont, pour certains d’entre nous, donné l’envie de faire ce métier.

Quant à la seconde partie de votre question, ce n’est pas le genre de la maison de balancer. Mais une chose est sûre, si vous avez l’impression de forcer l’humour : laissez tomber.


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JUPDLC : Pour des sujets plus « sérieux », que permet l’utilisation de l’humour ? Quels sont les risques ? La célèbre maxime « on peut rire de tout, mais pas avec tout le monde » de Pierre Desproges est-elle, selon vous, applicable à l’industrie publicitaire ?

Lucas Ducreux : Bien senti et bien déployé, l’humour permet de désacraliser certains sujets sensibles. J’entends par là qu’il les rend accessibles, palpables et même appropriables.

Après, je ne sais pas si l’on peut rire de tout, encore moins avec tout le monde. Mais je pense que la première chose à faire, c’est de rire de soi. Ça marche pour l’annonceur (wink) comme pour les agences (rewink), et le but, c’est d’arriver ensemble à embarquer tous les publics avec nous.

 

JUPDLC : En tant qu’agence, comment faire pour « doser » et trouver la tonalité humoristique qui convient le mieux à un annonceur ? Quels conseils donneriez-vous à un annonceur n’ayant jamais eu recours au ton humoristique, et qui souhaiterait se lancer dans l’aventure ?

Lucas Ducreux : Il n’y a pas un humour qui convient le mieux à un annonceur ou à un autre. On prend évidemment en compte le contexte de l’annonceur, mais on lui présentera d’abord des choses qui nous font rire nous.

Bruce Vinci : L’humour est un sujet sérieux.

Lucas Ducreux : D’accord, mais… On ne sauve pas des vies.

 

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