Empathie digitale : quand les marques se taisent pour mieux écouter

En collaboration avec 87seconds

« Si les gens n’écoutent pas les marques, c’est parce que les marques n’écoutent pas les gens. » Dans un monde encombré de contenu, l’empathie digitale est la clé pour recréer du lien. Entre saturation des audiences et fatigue sociale, la capacité à écouter, comprendre et s’adapter aux attentes émotionnelles des utilisateurs est essentielle. Pour explorer le sujet, nous nous sommes entretenus avec Chloé Chaniot, DGA et Directrice de Création et Johan Tchang-minh, Creative Lead, tous les deux au sein de l’agence 87seconds.

Le rôle clé de l’empathie digitale pour renouer des connexions authentiques et créer des campagnes à la fois engageantes et respectueuses. Comment écouter autrement ? Quelles leçons tirer des créateurs de contenu ? Dans cette interview exclusive, Chloé et Johan décryptent les nouvelles règles d’une communication centrée sur l’humain.

 

Chloé Chaniot et Johan Tchang-minh – Crédit photo : 87seconds

 

JUPDLC : Comment définiriez-vous l’empathie digitale et pourquoi est-elle aujourd’hui essentielle pour les marques ?

Chloé Chaniot : « Si les gens n’écoutent pas les marques, c’est parce que les marques n’écoutent pas les gens », c’est un motto qu’on aime bien à l’agence. Pour moi, l’empathie digitale est avant tout de savoir écouter. L’attention n’est pas un dû, elle se mérite et l’empathie digitale est justement cette capacité à transformer l’écoute en compréhension, et la compréhension en connexion. À l’ère des conversations éclatées, il ne suffit plus de parler : il faut comprendre les codes, les émotions et les attentes implicites des audiences pour éviter de devenir un bruit sourd, boring, intrusif et désincarné. C’est là que l’empathie digitale devient essentielle : elle permet de résonner, pas seulement de raisonner.

Johan Tchang-minh : Pour moi c’est être capable de se mettre à la place de sa communauté pour percevoir ce qu’elle ressent et ce qu’elle attend. C’est pousser le social listening à une granularité plus émotionnelle pour créer une discussion enrichissante aussi bien pour la marque que pour l’audience. Il est essentiel pour une marque de se mettre au niveau de son audience. C’est à elle de faire partie de leur communauté, et non l’inverse.

 

JUPDLC : Pensez-vous que la fatigue sociale actuelle est une réaction naturelle aux stratégies traditionnelles de communication des marques ?

Johan Tchang-minh : Dans les stratégies traditionnelles, on crée d’abord un univers autour de la marque et on cherche à y faire entrer l’audience à coup de « hook ». Mais à force d’être sollicitée de toutes parts, l’audience sature et se fatigue. C’est encore plus vrai pour les générations Z et Alpha, qui rejettent ces approches « top down », jugées intrusives et déconnectées de leurs attentes.

Je pense que cette fatigue est aussi un symptôme structurel, lié à la consommation même des réseaux sociaux : la saturation des écrans, la pression de publier ou d’interagir constamment, et cette influence sournoise du numérique dans nos vies. Dans ce contexte, beaucoup de marques ratent le coche en surenchérissant avec du contenu inadapté, trop « pushy », qui ne tient pas compte de l’état émotionnel et de la réalité des audiences. Il est temps pour les marques de ralentir, d’écouter et de s’ajuster pour renouer avec une communication plus respectueuse et plus connectée.

Crédit photo : Pexels / Ketut Subiyanto

 

JUPDLC : Les marques sont désormais en concurrence avec les créateurs de contenu. Quelles leçons peuvent-elles tirer de ces derniers pour se rapprocher de leur audience ? Un exemple de marque qui a réussi à redéfinir sa relation avec son public ?

Chloé Chaniot : Les créateurs de contenu n’ont pas peur de montrer leurs failles. Ils montrent leur vérité, leurs échecs, leurs émotions. Et c’est là leur superpouvoir : la vulnérabilité. À l’inverse, beaucoup de marques continuent d’avancer masquées, trop rigides, trop chartées. Elles doivent apprendre à se lâcher, se salir, accepter de lâcher prise, assumer leur humanité pour redevenir crédibles.

Regardez Burger King et sa campagne « Moldy Whopper », ils ont osé montrer leur produit star en train de pourrir. C’était radical, audacieux et terriblement honnête. Ils ont tourné le dos au greenwashing pour prouver leur engagement sur la qualité. Résultat : une connexion directe avec un public désabusé qui veut de la vérité (pas du vernis !). Et puis, il y a Jacquemus, une autre forme d’audace. Là où d’autres marques de luxe cultivent une distance glaciale, il choisit la proximité. Il assume sa voix, ses convictions, ses émotions et casse les codes du secteur : pas de fausse distance, pas de discours prétentieux, juste un ton personnel, parfois clivant mais toujours vrai. Chaque contenu respire la spontanéité et le vivant, tout en restant incroyablement maîtrisé. C’est cette liberté créative qui lui permet d’être authentique, unique et inoubliable. Résultat : un personal branding authentique qui ne parle pas à une audience, mais avec elle.

En bref, je pense que les marques doivent s’inspirer des créateurs en cultivant leur humanité et en soignant leur « craft » : un ton moins lisse, plus personnel, et surtout une vraie prise de risque pour reconnecter avec leur audience. Parce qu’aujourd’hui, être parfait, c’est être vite oublié…


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JUPDLC : Comment une marque peut-elle développer une véritable capacité d’écoute sur les réseaux sociaux ? Comment faire pour identifier et interpréter au mieux les émotions et les comportements ?

Johan Tchang-minh : Déjà il faut accepter la critique positive comme négative. Il faut construire avec toutes les voix, même les dissidentes. Après, il s’agit surtout d’ajuster le social listening pour l’orienter sur des critères plus émotionnels que factuels (trace émotionnelle réelle d’une marque, ambitions communes avec l’audience, les leviers émotionnels qui la font réagir…). Enfin, il faut chercher les signaux faibles au-delà de sa propre marque.

Chloé Chaniot : Le social listening n’est pas centré uniquement sur sa propre marque, mais l’écoute des dernières trends ou des hot topics est primordiale, qu’ils soient sociétaux ou hyper contextuels. Dans un environnement où les réseaux sociaux demandent de la réactivité et de la spontanéité, il est essentiel de digérer tous ces flux d’informations très rapidement pour en adresser les meilleures interprétations ou réactions… Et parfois, la meilleure réponse est le silence. Comme dans une soirée, le pire est de s’incruster dans des conversations où l’on n’est pas invité.

 

« Les gens oublieront ce que vous leur avez fait, ou ce que vous leur avez dit mais ils n’oublieront jamais ce que vous leur avez fait ressentir… », Maya  Angelou.

 

JUPDLC : Comment les nouvelles tendances et fonctionnalités des réseaux sociaux peuvent-elles être utilisées pour renforcer l’empathie digitale ?

Chloé Chaniot : J’aime imaginer chaque fonctionnalité, qu’elle soit éphémère, immersive ou interactive, comme une invitation à entrer dans la tête de nos audiences, un peu comme un ticket VIP qui nous permet de voir le monde à travers leurs yeux.

Mais soyons clairs… une tendance n’est qu’un outil, utiliser une trend ou une nouvelle fonctionnalité ne renforce pas automatiquement l’empathie digitale. Comme souvent ce n’est finalement pas ce que vous utilisez qui compte, mais pourquoi vous le faites. J’aime à dire à nos clients que les marques qui gagnent en social media ne sont pas celles qui ajoutent du bruit ou parlent plus forts que les autres mais que ce sont celles qui créent vraiment du sens, des émotions.

Cela fait écho à notre vision chez 87s, incarnée par la citation de Maya Angelou : « les gens oublieront ce que vous leur avez fait, ou ce que vous leur avez dit mais ils n’oublieront jamais ce que vous leur avez fait ressentir… »

 

JUPDLC : Les agences ont désormais pour mission de combattre la fatigue sociale. Quels leviers peuvent-elles activer pour enrichir l’intelligence sociale des marques ?

Chloé Chaniot : Il faut cesser de nourrir l’algorithme et commencer à nourrir les gens. La fatigue sociale, c’est ce bruit constant, cette avalanche de contenus sans valeur ajoutée qu’on nous impose parfois de créer en tant qu’agence et qu’on subit en tant qu’utilisateur. Je pense que les marques doivent parfois réduire leur empreinte digitale pour augmenter leur impact émotionnel. Cela peut même passer par des formats slow content ou des temps de silence pour enrichir l’intelligence sociale des marques, comme a pu le faire Balenciaga sur ses réseaux sociaux.

Crédit photo : Pexels / Yaroslav Shuraev

 

JUPDLC : Comment la créativité et l’empathie digitale peuvent-elles fonctionner ensemble pour produire des campagnes à la fois engageantes et respectueuses du public ?

Johan Tchang-minh : Là où l’empathie digitale rationalise les émotions pour mieux les comprendre, la créativité les enrichit pour en augmenter l’impact. Il faut envisager l’empathie digitale comme un nouveau point de départ pour la créativité, avec certes pour objectif celui de soutenir les défis des marques, mais aussi ceux de leur communauté.

Chloé Chaniot : La créativité et l’empathie ne sont pas des opposés, ce sont des « danseurs » qui évoluent au même rythme. Je vois l’empathie comme cet acteur qui apporte l’intuition, la compréhension des besoins profonds, et la créativité comme l’agent qui transforme ces insights en expériences qui touchent et inspirent. Les marques comme leurs agences doivent donc se demander : « Ce que je crée aujourd’hui, est-ce que ça respecte la vie, l’attention et les envies de ceux qui vont le voir ? » Si la réponse est oui, alors nous sommes dans le bon…

 

Pour en savoir plus sur l’agence 87seconds, rendez-vous sur sa page dédiée !

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