Par Laurent Simonin, CEO de Smart Traffik
Et si la crise que nous venons de traverser était l’occasion de porter un regard neuf – et critique – sur nos modes de fonctionnement ? De nous interroger sur des pratiques devenues réflexes, qui méritent pourtant d’être remises en question ? A commencer par la mesure de nos campagnes que nous confions les yeux fermés à ceux-là même qui nous vendent leurs audiences.
Les GAFAs, des supports médias incontournables, à la fois juges et parties
Imaginez la scène suivante dans un tribunal : un avocat, après avoir une livré une plaidoirie enflammée pour défendre son client, se débarrasse de sa robe noire pour vite enfiler la robe rouge du juge et rendre son verdict. A votre avis, à qui le juge va-t-il donner raison ? A son client, bien sûr.
Cela vous parait aberrant. Vous avez raison, on ne peut pas imaginer, dans aucune situation, être à la fois juge et partie. Revenons maintenant à notre sujet, celui de la communication et des dépenses médias. C’est exactement ce que nous acceptons… ou presque. La digitalisation de la relation client a démultiplié le nombre de points de contacts avec le consommateur, complexifiant grandement au passage le traçage des clients. Pourtant, les investissements se sont eux concentrés sur un nombre extrêmement réduit d’acteurs : Google et Facebook en l’occurrence, un duopole qui capte 56% du marché mondial de la publicité en ligne selon l’institut Warc. Ces quelques acteurs ont une telle mainmise que les marketeurs acceptent cet état de fait, en ayant pourtant conscience des limites du système.
Une quête de fiabilité et de transparence
Car les décisionnaires, côtés annonceurs et régies, s’ils ont un temps été contraints de naviguer à vue, commencent à s’interroger sur la réalité des performances des investissements médias. Ils sont, aujourd’hui, parfaitement conscients des problématiques liées à la mesure de l’impact de leurs campagnes. On ne compte plus les études qui relatent le besoin de plus de fiabilité et de transparence du marché. Par exemple, ce rapport de l’ANA (Association of National Advertisers) de septembre 2019 qui a révélé que 69% des annonceurs américains ont mis à jour leurs contrats avec leurs agences médias pour davantage de transparence. Une tendance que l’on constate aussi en France, pour plus de transparence et moins d’intermédiaires dans la chaine publicitaire, et pour laquelle militent des noms reconnus du marché comme AdUx.
Cette méfiance des annonceurs se comprend car elle impacte grandement deux dimensions de leurs campagnes : l’inventaire, c’est-à-dire l’audience réellement touchée – et le retour sur investissement réel. Sans des données fiables et transparentes – et l’on sait combien les GAFAs ont des efforts à faire sur le sujet, le budget n’est plus sous contrôle. Les décideurs se retrouvent à prendre des options fondées sur des informations pas suffisamment claires. De nombreux acteurs du marché, notamment dans les campagnes d’acquisition comme Wellpack Business Data, constatent un grand décalage entre l’aspiration des marques à travailler avec des datas vérifiées et complètes, et leur résignation à finalement utiliser des chiffres uniquement fournis par les GAFAs.
Un exemple récent montre que les marques sont prêtes à remettre en question l’hégémonie des GAFAs, en tout cas à s’interroger sur leur relation avec elles : le mouvement de fronde qui est né ces derniers jours outre-Atlantique parmi les 200 plus gros annonceurs américains, qui s’insurgent contre l’attitude laxiste de la plateforme Facebook envers les propos haineux.
L’importance du tiers-mesureur
La solution ne réside pas dans le rejet en bloc des GAFAs, au contraire. Ils permettent indéniablement de toucher une audience dont les annonceurs ont besoin. L’enjeu réside plutôt dans la capacité à promouvoir des campagnes sur Google, Facebook et consorts, tout en récoltant des statistiques fiables avec des outils de mesure indépendants. C’est cette transparence que réclament de nombreux professionnels du display et du programmatique tel que Proxistore, qui considèrent que les pouvoirs doivent être séparés et que la démonstration d’efficacité des campagnes doit venir de l’extérieur.
Il n’appartiendrait donc plus aux supports médias, en tout cas plus seulement à eux, de livrer des chiffres sur l’impact des opérations menées auprès de leurs audiences. C’est là où l’on retrouve la notion d’une communication de bon sens. Une communication dans laquelle un tiers-mesureur indépendant intervient, de manière impartiale et rigoureuse pour certifier les performances des campagnes médias.
Des alternatives, qui intègrent la dimension online et offline, telles que l’attribution multi-touch ou algorithmique, sont en train d’apparaitre. Le principe : des technologies reposant sur l’intelligence artificielle et l’analyse de données, dans le respect du RGPD, vont permettre, à partir d’un identifiant unique, de suivre le consommateur sur l’ensemble des points de contacts, digitaux et physiques. Sur cette base, les annonceurs et leur régie pourront alors mesurer et piloter l’efficacité réelle de leurs investissements média omni-canaux avec une part déterministe plus importante.
Le tiers-mesureur représente sans aucun doute l’avenir de la mesure de l’impact des investissements publicitaires. C’est par leur biais que les annonceurs pourront reprendre pleinement le pouvoir sur leur activité… et imaginer ainsi des campagnes à la performance décuplée.