Cinéma, séries et marques : une grande histoire d’amour

Par Thomas Noland

17 juillet 2025

Burger_King_Squid_Game
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Comme chaque année depuis près de 80 ans, le Festival de Cannes a été en mai dernier l’épicentre de l’écosystème du cinéma mondial. Stars d’Hollywood, tenues de gala et flashs qui crépitent : pendant la fameuse quinzaine cannoise, la croisette se transforme en un haut lieu du glamour, où tout le cinéma revêt ses plus beaux atours… très souvent siglés. De la plage Air France à la soirée Chopard en passant par les flottes BMW qui véhiculent les stars, les marques sont évidemment de la fête, jamais très loin du tapis rouge et de son pouvoir d’attractivité sans nul autre pareil. Un exemple parmi tant d’autres de la grande promiscuité qui lie le monde du cinéma et des séries à celui des marques.

Des débuts du cinéma et ses premiers placements de produits à la sortie du film Barbie en passant par les collaborations avec les séries toujours plus imaginatives, les liens qui unissent l’entertainment et le marketing sont aussi nombreux que variés. Zoom sur les différentes formes d’une longue et belle histoire d’amour sans nuages… ou presque !

 

Les placements de produits, du grand au petit écran

C’est une technique publicitaire presque aussi vieille que le cinéma lui-même, et l’exemple le plus parlant de la connivence entre les marques et le divertissement : le placement de produit. Le principe est simple : montrer à l’écran une marque ou un produit identifiable de cette dernière, inséré (plus ou moins) subtilement dans le récit. En 1896, dans leur film Embarquement, les frères Lumière font ainsi apparaître au premier plan une caisse siglée « Évian ». Placement volontaire ou heureux hasard ? Difficile d’en être certain, mais les faits sont là : la marque d’eau minérale naturelle a bénéficié d’un sacré coup de projecteur sur un média alors naissant.

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Depuis ce placement inaugural, 130 ans se sont écoulés et la technique s’est démocratisée sur le grand écran. On a tous en tête quelques exemples mythiques : la rutilante Aston Martin de James Bond, la paire futuriste de Nike dans Retour vers le futur, les Ray-Ban de Tom Cruise dans Top Gun… Autant d’exemples où la marque a été hissée au rang de vedette, bénéficiant de l’aura du film où elle figure. Un impact fort qui se traduit également par des chiffres très concrets : les ventes du modèle Aviator portées par Tom Cruise dans Top Gun ont ainsi décollé (vous l’avez ?) de 40% dans les sept mois suivant la sortie du film.

 

Une approche subtile, mais efficace

Surfant sur ces success-stories, le placement de produit se popularise et se professionnalise dès les années 80 aux États-Unis, et des agences dédiées à cette pratique font leur apparition. Il faut dire que sa promesse est alléchante, et ce pour les deux parties. En permettant de financer une partie des films tout en assurant une certaine notoriété aux marques qui l’emploient, il se place comme une alternative intéressante à la publicité traditionnelle, à la fois pour les marques et les producteurs de film.

Pour Jean-Dominique Bourgeois, directeur de l’agence spécialisée en placement de produits Place to be Media, le placement de produit représente plus qu’une alternative ; c’est un bon complément à l’achat d’espace plus classique. « Beaucoup de marques font des campagnes médias classiques de pub, qu’elles viennent renforcer via le placement de produit. » Et ce pour une raison toute simple : la force de l’impact. « Pour moi, la principale différence, c’est le côté captif du public qui va consommer le placement de produit. Il n’est pas vécu comme quelque chose qui vient parasiter ou apporter quelque chose de négatif, et est même plutôt bien perçu. Quand vous avez un taux d’attention en publicité classique qui est de l’ordre de 25-30%, il monte à 70% sur le placement de produit. »

 

« Quand vous avez un taux d’attention en publicité classique qui est de l’ordre de 25-30%, il monte à 70% sur le placement de produit. »

 

Un avantage concurrentiel dont les marques elles-mêmes sont bien conscientes, comme le confie Erinna Beaudron, Responsable Média et Marque chez Burger King France. « Le placement de produit permet une approche plus subtile, plus intégrée. Là où la publicité classique interrompt le contenu, le placement s’y fond. » Une technique publicitaire efficace, qui vient donc compléter les autres formes de communication commerciale. « C’est un levier complémentaire qui permet de renforcer la mémorisation, de générer de la connivence, et parfois même, de créer des moments cultes. Cela permet aussi d’associer la marque à des contenus qualitatifs et appréciés du public. »

 

Les plateformes de streaming, une force de frappe mondiale

En France, le premier véritable tournant pour cette technique publicitaire a eu lieu en 2009. Cette année-là, le CSA ouvre grand le champ des possibles en autorisant le placement de produit à la télévision, dans les œuvres de fiction et les clips musicaux. C’est à ce moment précis que Jean-Dominique, aussi opportuniste que visionnaire, décide de monter son agence.

« À l’époque, il y avait seulement deux agences qui faisaient ça dans le cinéma, mais c’était un marché qui restait quand même assez confidentiel en France. Cela a vraiment été boosté par cette opportunité législative. On s’est dit que si on avait le droit d’en faire sur toutes les séries de télé à l’époque, on aurait forcément de la demande par rapport à ça. On s’est donc lancé avec ce postulat et on a beaucoup travaillé avec Plus Belle La Vie notamment, qui était une série quotidienne qui marchait très bien et sur laquelle on avait un beau terrain de jeu, avec ses 260 épisodes par an. Cela ouvrait beaucoup, beaucoup de possibilités. »

Quelques années plus tard, le placement de produit vit un second moment charnière avec l’arrivée du streaming. Les plateformes, Netflix en tête, débarquent avec beaucoup de moyens et des séries à la portée désormais mondiale. « L’arrivée des plateformes a été un vrai booster », se remémore Jean-Dominique. « D’abord parce que ça nous permettait d’aller toucher les 15-35, qui étaient une cible qu’on avait un peu plus de mal à toucher en télévision classique. Et ensuite, parce que les plateformes ont une dimension internationale. Une marque, avec un seul investissement, avait soudainement la possibilité de toucher 50-60 pays différents. »

 

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Crédit photo : McDonald’s France

 

D’Emily in Paris à Bref 2

Emily in Paris en est l’illustration parfaite.« Premièrement, c’est une série qui est diffusée dans le monde entier, et qui cartonne partout. Deuxièmement, c’est une série un peu carte postale, dans un super univers. Et ça, les marques en sont friandes. Résultat, dès la saison deux, il y a eu énormément de demandes. » Les chiffres donnent le tournis : pour la saison 3 uniquement, Emily in Paris totalise près de 250 collaborations avec des marques…

Dont celle devenue iconique avec McDonald’s autour du McBaguette, réalisée en collaboration avec Place to be Media. Un placement de produit ingénieux et innovant dans la forme qui a permis au géant américain d’enregistrer une hausse de 25% des ventes de son burger suite à la sortie de l’épisode où il apparaît. Pour les marques, tout l’enjeu est donc d’apparaître dans une série à succès, afin de bénéficier de son impact sur le grand public. Et à ce petit jeu des pronostics, Burger King a parié quant à lui sur la série Bref 2 pour rencontrer un franc succès.

 

« Le ton, l’humour, la rapidité du récit… tout cela fait écho à l’univers décalé de Burger King. »

 

« Bref a marqué toute une génération, et son retour avec Bref 2 était un moment très attendu », confirme Erinna. « Le ton, l’humour, la rapidité du récit… tout cela fait écho à l’univers décalé de Burger King. Ce placement était l’occasion idéale de s’intégrer à une narration très rythmée, dans une série qui a une forte valeur affective auprès du public français. » Un pari gagnant également pour Place to be Media, qui a coordonné le placement de produit de dix marques au total sur la série.

Et ce n’est pas fini. De nouvelles possibilités vont bientôt s’ouvrir pour les placements de produits, qui pourront bientôt s’inviter sur des territoires encore inexplorés. « En ce moment, il y a des débats et les choses sont en train de bouger au niveau de l’ARCOM pour élargir les possibilités au-delà de la fiction et des clips musicaux. On pourrait ainsi faire du placement de produit sur les programmes de flux. Par exemple, sur un Danse avec les Stars, vous pourriez mettre des bouteilles d’eau ou des bouteilles de jus sur les bureaux du jury. Et sur un Koh-Lanta, dans une épreuve de confort, proposer un riz ou un fast-food d’une marque qui serait identifiée. » Les placements de produits à la TV : tout un programme !

 

Cinéma & séries : un outil de brand content surpuissant

Les placements de produits ne sont évidemment pas la seule forme de présence des marques dans l’univers du cinéma et des séries. Parfois, ils font même partie d’une campagne de co-branding de plus grande ampleur, comme pour le McBaguette auquel McDonald’s a dédié un menu « Emily in Paris » pour surfer sur la vague… qu’il a lui-même créé.

Ce fut également le cas en 1982 avec le film E.T. et les bonbons Reese’s Pieces, qui sont utilisés par le héros du film pour attirer l’extraterrestre dans sa chambre. Universal Studio et Hershey, le fabricant, trouvent alors un accord : Hershey finance la campagne de communication du film à hauteur d’un million de dollars, en échange du droit d’exploitation de l’image d’E.T. sur ses produits. Un pari risqué, mais gagnant : le film est un succès monumental, et les bonbons Reese’s Pieces augmentent de près de 90% leurs ventes dans les semaines qui suivent la sortie. Fun fact : Spielberg avait d’abord pensé à M&Ms, qui avait poliment refusé…

 

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Les co-brandings, le meilleur des deux univers

De belles success-stories… qui ne sont qu’un aperçu des possibilités presque infinies de collaboration entre les marques et les films & séries. « Les placements de produits et les co-brandings ne sont finalement que le début de l’histoire », confirme Aude Steinberg, fondatrice de Faubourg Stories, une agence d’activation de marque spécialisée dans l’industrie de l’entertainment.

« Ce qu’on retient vraiment aujourd’hui, ce qui marque les publics, ce sont les campagnes déployées par les marques autour des films ou des séries, notamment sur leurs propres canaux. Un film ou une série offre une capacité unique de connexion émotionnelle. Mais pour qu’une marque en bénéficie réellement, il faut qu’elle s’approprie cet univers, qu’elle le fasse vivre ailleurs : sur ses réseaux sociaux, dans ses points de vente, auprès de ses communautés… Les marques ne s’insèrent plus dans les récits. Elles les nourrissent, que ce soit par des expériences immersives qui prolongent l’univers des œuvres, ou des collections inspirées par elles (mode, déco, accessoires…). »

 

« Le monde du cinéma et des séries est un terrain d’expression puissant, immersif, et très prescripteur »

 

Là encore, c’est du win-win pour les différentes parties prenantes. Les producteurs peuvent financer leur œuvre ou engranger du chiffre d’affaires additionnel avec les déclinaisons des univers de leurs œuvres, quand les marques associent leur image à un phénomène de société et pénètrent la culture populaire.

« Le monde du cinéma et des séries est un terrain d’expression puissant, immersif, et très prescripteur », confirme Erinna. « Il permet de s’adresser à des communautés engagées, dans des univers culturels forts. Pour nous, c’est un terrain de jeu naturel pour des collaborations, car il permet de toucher le public de manière organique, là où il ne s’attend pas forcément à nous voir, mais où notre présence peut faire sens. »

À ce petit jeu-là, les franchises représentent le graal pour les marques. Harry Potter, Marvel, le Seigneur des Anneaux… Ce ne sont plus seulement des œuvres, mais des marques transmédia au pouvoir d’attraction inégalé. Pour l’anecdote, la franchise Star Wars a ainsi engrangé 30 milliards de dollars grâce aux produits dérivés entre 1977 et 2020, soit trois fois plus que les films au box-office…

 

Quand collaboration rime avec immersion

Il faut dire que les possibilités de brand content autour du cinéma et des séries sont aussi nombreuses que variées. L’univers fictionnel offre un terrain de jeu quasi sans limite pour le merchandising et les collaborations avec des marques, bien réelles celles-ci.

« C’est surtout la capacité à offrir une expérience complémentaire qui change la donne », analyse Aude. « Le public, notamment celui attaché à la pop culture, ne veut plus seulement regarder une œuvre : il veut pouvoir s’approprier une partie de son univers. Une collaboration ou une expérience bien pensée permet au public de vivre encore plus un moment avec son contenu préféré. » Transformer le spectateur en acteur reste ainsi le meilleur moyen de l’impliquer et de créer un lien entre lui et la marque.

« Aujourd’hui, les collaborations les plus intéressantes sont celles qui vont bien au-delà des formats traditionnels, et qui inventent ensemble de nouvelles formes d’interactions. Par exemple, pour la sortie des Animaux Fantastiques, nous avons imaginé et conçu le tout premier pop-up store officiel de la licence aux Galeries Lafayette pendant les fêtes de Noël : un moment magique et immersif, générateur à la fois de business, de visibilité et de lien émotionnel. »

 

 

À ce petit jeu des collaborations, la seule limite est l’imagination. « À l’occasion de la sortie du film Ninja Turtles Teenage Years, nous avons imaginé un partenariat croisé entre Paramount, Pizza Hut et Deliveroo, en jouant sur l’amour emblématique des célèbres Tortues pour les pizzas ! Résultat : quatre pizzas renommées aux noms des héros disponibles uniquement sur Deliveroo, une campagne digitale créative et une activation éphémère pensée pour la Gen Z, qui a généré à la fois du contenu, du trafic et du chiffre d’affaires. » Cowabunga !

 

Le film Barbie, apex du brand content ?

Parfois, la relation entre une marque et le cinéma va encore plus loin que ces différentes formes de collaboration. On atteint alors le stade ultime du brand content, quand un film est dédié entièrement à un produit ou une marque. Le film La grande aventure Lego avait déjà donné un aperçu de la puissance de ce type d’activation grandeur nature en 2014, mais c’est bel et bien le film Barbie sorti en 2023 qui a marqué un tournant dans l’histoire de la relation entre les marques et le cinéma.


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C’est simple, ce fut une véritable vague rose qui a déferlé sur le monde entier au moment où le film Barbie est sorti dans les salles obscures, en juillet 2023. Pour réussir ce coup de force, le fabricant de jouet américain s’est donné les moyens : Greta Gerwig à la réalisation, Margot Robbie et Ryan Gosling en têtes d’affiche, et un budget estimé à 100 millions de dollars. Un projet d’ampleur initié et pensé par le CEO Ynon Kreiz, face à un défi qui l’est tout autant : relancer les ventes d’un produit qui décline d’année en année.

Un double objectif

L’objectif est donc double pour Mattel, coproducteur du film : remettre les Barbie sur le devant de la scène et dans tous les esprits, tout en engrangeant les recettes de merchandising via de nombreuses collaborations. Et quand on dit nombreux, c’est un doux euphémisme. Ce ne sont pas moins de 100 partenariats que Mattel a noués, avec la volonté de toucher toutes les générations, tous les profils, peu importe leur rapport initial à la célèbre poupée. Burger King, Zara, Airbnb, Forever 21, Xbox, Crocs…

Toutes ces marques ont été repeintes en rose le temps de l’été. Résultat : en trois semaines, le film dépassait le milliard de dollars au box-office mondial, et les ventes de poupées Barbie ont généré un chiffre d’affaires de 473 millions de dollars au cours du dernier trimestre 2023, soit une augmentation de 27% par rapport à la même période sur l’année précédente. Des résultats encourageants pour le groupe et son CEO, qui ont pour ambition de décliner d’autres marques de leur catalogue au cinéma, comme Hot Wheels, Polly Pocket ou encore… Uno. On imagine déjà les hurlements de peur dans les salles obscures au moment du twist final à base de +4 !

 

Les séries, meilleures amies des marques

En dehors du cinéma, ce sont les collaborations entre les marques et les séries qui se sont récemment multipliées, portées par la puissance de frappe des plateformes de streaming.

Un bon exemple est la collaboration entre Burger King et Squid Game, à l’occasion de la sortie en décembre dernier de la saison 2 de la série coréenne. Le géant du fast-food américain a ainsi dégainé deux menus inspirés par l’univers de la série, avec des burgers d’inspiration asiatique et des goodies à collectionner. « Squid Game est devenue un phénomène mondial, et l’idée était de jouer avec ses codes visuels et son ambiance pour proposer une activation originale, à la manière de ce que sait faire Burger King : subversif, très référencé, et toujours fun », détaille Erinna.

 

« C’est aussi l’occasion de toucher une audience plus jeune, adepte des films et séries à succès, avec une communication qui parle leur langage »

 

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Crédit photo : Burger King / Netflix

 

Pour Burger King, l’ambition est simple : surfer sur la hype de la série et continuer de consolider son image de marque cool. « En s’associant à cet univers, nous montrons que Burger King est une marque ancrée dans l’air du temps, capable de surfer sur les tendances de manière créative. C’est aussi l’occasion de toucher une audience plus jeune, adepte des films et séries à succès, avec une communication qui parle leur langage. »

Dans l’univers des séries, il existe une autre variante de synergie entre marque et plateforme, plus originale : l’autoréférence. C’est le cas d’Apple, qui possède à la fois une plateforme de streaming et sa célèbre marque de produits électroniques. Forte de cette double casquette, la firme de Cupertino s’amuse à joindre l’utile à l’agréable, utilisant la force de frappe inégalable de sa marque pour amplifier la visibilité de ses productions maison. Pour sa série vedette Severance, elle n’a ainsi pas hésité à utiliser Tim Cook dans sa promo. Le CEO d’Apple. Oui, oui.

 

 

Focus : quand les marques de luxe deviennent productrices

Les liens culturels entre les univers du luxe et du cinéma ne sont plus à démontrer. Depuis toujours, les marques de luxe utilisent la magie du 7e art pour mettre en valeur leur savoir-faire et ajouter encore un peu plus de rêve à leur image de marque. Historiquement, le luxe s’est invité dans les salles obscures via la création de costumes, de Chanel et Jean Cocteau dans les années 30 à Jean-Paul Gaultier et le Cinquième élément de Luc Besson plus récemment. Puis, l’utilisation de stars du cinéma en tant qu’égéries s’est rapidement développée, et les vedettes du grand écran sont devenues les meilleures ambassadrices du monde du luxe.

Toujours dans l’idée d’enrichir leur imaginaire, les grandes griffes n’ont pas hésité également à faire appel aux meilleurs réalisateurs pour leurs campagnes publicitaires, transformant un spot TV en un véritable court-métrage; on pense à Scorsese et Chanel, pour n’en citer qu’un.

 

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Mais récemment, cette relation a pris un nouveau tournant, avec l’incursion des marques de luxe dans la production même des films. Quel meilleur moyen en effet de s’assurer de la cohérence d’un film avec son image de marque que de produire directement ce dernier ? C’est en partant de ce postulat que Saint Laurent Productions a été lancé par le groupe Kering au printemps 2023, tandis que LVMH créait lui début 2024 sa propre structure de production interne, 22 Montaigne Entertainment.

L’idée est simple : ancrer davantage sa marque dans l’imaginaire culturel, s’assurer d’une visibilité mondiale et étendre l’image de la marque à d’autres univers. Saint Laurent Productions a ainsi produit trois films retenus au festival de Cannes en 2024, dont Parthénope de Sorrentino, où l’esthétique, notamment des tenues, tient une place particulièrement centrale. Plus besoin de placement de produit quand le film lui-même sert le produit !

 

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Créativité artistique et marketing : un fragile équilibre

Si nous explorons depuis le début de cet article tous les aspects vertueux de la relation entre les marques et l’univers du cinéma et des séries, il convient également de se pencher sur sa principale limite : la porosité entre le divertissement et la communication publicitaire, la créativité artistique et le marketing. Parfois, la frontière peut être ténue, et le risque de transformer involontairement un film ou une série en spot publicitaire géant est bien réel. Pour que les marques tirent le meilleur du divertissement, il faut que leur présence ne nuise pas à celui-ci, sous peine de s’auto-saboter.

 

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Prenons l’exemple des placements de produits. Pour qu’ils soient réussis, c’est tout un équilibre à trouver, comme le rappelle Jean-Dominique Bourgeois. « Il faut à la fois que le produit soit reconnaissable et identifiable pour qu’il ne passe pas inaperçu, et qu’en même temps il ne soit pas trop présent parce que sinon, ça fait un peu grossier et il peut y avoir un effet boomerang qui soit négatif pour la marque. »

Tout le jeu est donc d’insérer des placements qui s’inscrivent de façon naturelle dans le récit. « Notre priorité, c’est la légitimité. Il faut respecter l’écriture, la mise en scène, l’univers artistique de l’œuvre. Ce n’est pas du brand content. Ce n’est pas la série ou le film qui s’adapte à la marque, mais plutôt la marque qui s’adapte aussi aux codes de la série ou du film. » Une vision des choses partagée par Erinna Beaudron et Burger King : « L’objectif est que notre présence soit perçue comme naturelle, créative, et en phase avec les attentes du public. »

 

« Il faut respecter l’univers artistique de l’œuvre »

 

Malgré toutes ces précautions, il arrive que les placements de produit soient pointés du doigt. C’est ce qui est arrivé à Bref 2, où sur 6 épisodes on retrouvait des collaborations avec Burger King, Alpro, Bricorama, Uber Eats, Marionnaud, Fanta… Au total, 10 placements de produit qui ne sont pas tout à fait passés inaperçus aux yeux des viewers.

« Je trouve que les critiques sont sévères », répond Jean-Dominique. « Il faut savoir qu’on est vraiment partis du scénario. Par exemple, pour Bricorama, on a lu dans le scénario qu’ils allaient à un moment dans un magasin de bricolage. On est donc juste partis de l’existant et on est allé essayer de trouver des marques qui ont bien voulu s’intégrer dans l’univers. Je peux vous garantir que les auteurs, Kyan Khojandi et Navo, ont été très vigilants là-dessus. Et puis grâce au budget supplémentaire qu’on a amené via les placements de produit, on leur a permis de financer quelques jours de tournage en plus et on a donc indirectement contribué à ce la série atteigne ce niveau de qualité final. »

 

 

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Quid du social media ?

Le cas Bref 2 a également soulevé une autre question : celle de la différence de traitement entre les placements de produits dans les séries et le cinéma et ceux sur les réseaux sociaux. Alors que les placements de produits sont uniquement mentionnés en début d’épisode ou de film par un discret pictogramme « P », les collaborations commerciales sur les vidéos Youtube, Instagram ou TikTok sont indiquées par une mention directe à l’écran, à chaque apparition de la marque ou du produit.

La collaboration commerciale s’apparente alors plus à une coupure pub, interrompant littéralement le contenu de manière intempestive et empêchant toute fluidité dans la narration. De là à imaginer un monde où la création de contenu scénarise ses placements de produits comme le cinéma, il n’y a qu’un pas… Et si le prochain chapitre de l’histoire d’amour entre les marques et le divertissement s’écrivait sur les réseaux sociaux ? To be continued!

 

Cet article vous a plu et vous souhaitez aller plus loin ? Venez en discuter avec nous lors de notre premier Morning Talk, le 22 septembre prochain à 9h à Paris. On y parlera marques, séries et cinéma autour d’une table ronde… et d’un bon café !

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