Cannes Lions 2025 : Entretien avec Stéphane Martin, Directeur général de l’ARPP

Par Charlotte Pierre

23 juin 2025

En collaboration avec l'ARPP

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À l’occasion des Cannes Lions 2025, toute l’équipe de J’ai un pote dans la com, s’est mobilisée pour vous faire vivre le festival comme si vous y étiez. Tout au long de la semaine, nous sommes allés à la rencontre de personnalités issues du monde de la pub pour qu’elles nous partagent leurs insights sur cet événement phare, et leur vision des tendances qui façonnent – et façonneront ! – le secteur. Ces interviews réalisées avec le soutien de MEDIA FIGARO vous offriront une variété de regards et d’éclairage sur cette édition.

Dans cet entretien, nous échangeons avec Stéphane Martin, Directeur général de l’Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité, sur l’état de la régulation, en France et dans le monde. Nous parlons des grandes tendances qui régissent le secteur publicitaire (IA, automatisation, inclusion…), et des enjeux de responsabilité de ses acteurs.

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JUPDLC : Quelle est, selon vous, la tendance structurante pour l’avenir de la régulation ?

Stéphane Martin : La tendance majeure, aujourd’hui et pour les années à venir, c’est évidemment l’intelligence artificielle. Ce n’est pas un simple buzzword. Elle est déjà structurante, dans la création, dans la diffusion, dans les usages des professionnels. Et donc, par ricochet, dans nos actions pédagogiques et réglementaires.
Notre rôle, c’est aussi d’accompagner ces usages, de conseiller en amont. On constate que la conception des campagnes se fait de plus en plus avec de l’IA. La question de l’indication — ou non — de l’utilisation d’IA dans un message adressé au consommateur devient cruciale, notamment quand cela peut devenir trompeur.

Nous utilisons également l’IA en interne, notamment dans notre Observatoire des influenceurs. Cela nous permet de traiter un très grand volume de contenus — cette année, près de 400 000 publications de créateurs, dont les 2 200 certifiés par l’ARPP — pour détecter d’éventuelles zones de progrès.

JUPDLC : Cannes Lions est une vitrine d’innovations : IA, automatisation, hyper-personnalisation… Est-ce qu’on va trop vite ? Y a-t-il des lignes rouges à ne pas franchir dans l’utilisation de ces innovations ?

Stéphane Martin : Absolument. La première ligne rouge, c’est celle de la responsabilité. Elle est rappelée dans le code mondial publié à l’automne dernier. C’est du bon sens : que l’on soit en marketing, en agence, en régie ou annonceur, il faut rester maître des outils.

La responsabilité incombe toujours à une personne physique ou morale. Il ne faut pas aller trop loin simplement parce que la technologie le permet. Les règles que nous appliquons — éthiques, déontologiques — continuent de s’imposer. La vitesse n’est pas toujours bonne conseillère.

JUPDLC : Quel regard portez-vous sur les créateurs de contenus aujourd’hui ?

Stéphane Martin : Cela fait plusieurs années que nous les accompagnons avec un Observatoire, un certificat, et aujourd’hui différentes options de spécialisation. Les créateurs ne sont plus généralistes : ils se positionnent sur des verticales précises, comme la finance, le jeu d’argent ou la santé — toutes très régulées, en lien avec l’AMF ou l’ANJ.

Mais on travaille aussi sur des thématiques comme la transition écologique, l’économie circulaire, la biodiversité. Il y a une prise de conscience croissante chez les créateurs quant à leur impact. Et cela vaut aussi pour l’usage de l’IA, qui doit être responsable, car elle est très énergivore. Il faut tendre vers un numérique raisonné, sans renoncer aux apports de l’IA, mais en l’intégrant dans une logique d’éco-conception et de responsabilité du message.


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JUPDLC : Cannes Lions est aussi l’occasion de rencontrer des acteurs du monde entier. Comment se positionne la régulation publicitaire française face aux standards internationaux ?

Stéphane Martin : La régulation française est historique — l’ARPP fête ses 90 ans cette année — mais elle est aussi contextuelle : elle repose sur un cadre politique, juridique et surtout international. Nos homologues étrangers sont ici à Cannes Lions, et nous organisons des réunions dans ce cadre.

Le défi, c’est de trouver un équilibre entre le respect des cultures locales et une forme d’harmonisation des règles pour des campagnes internationales. Le Code ICC de la Chambre de commerce internationale permet ce socle commun.

La France est souvent perçue comme exigeante, notamment sur les sujets liés au développement durable. Dès 1990, il y avait une règle déontologique sur les arguments écologiques. On est également très attentifs aux comportements alimentaires, à la conduite automobile ou à la représentation des personnes.

 

« Il faut éviter de juger le passé avec le regard de 2025. Ce qui était juste à une époque ne l’est plus aujourd’hui. Et inversement, ce que nous faisons aujourd’hui semblera peut-être insuffisant en 2050. »

 

JUPDLC : Où en est-on aujourd’hui sur les sujets de diversité, inclusion et représentation ?

Stéphane Martin : Avec Kantar Media et notre fonds de dotation, nous avons récemment publié une étude sur ce sujet. Les thématiques diversité, égalité, inclusion — ce que les Anglo-Saxons appellent « DEI » — sont aujourd’hui prises à bras le corps dans les communications. Il reste des progrès à faire, notamment sur la représentation du handicap invisible, mais on note une réelle avancée.

C’est intéressant de voir à quel point les attentes ont changé. Les films publicitaires des années 50, 60 ou 70, qui étaient totalement en phase avec leur époque, seraient aujourd’hui inacceptables. Le regard a évolué, et les marques aussi. Elles sont très engagées sur ces enjeux.

JUPDLC : Va-t-on dans le bon sens en matière de responsabilité publicitaire ?

Stéphane Martin : Il faut éviter de juger le passé avec le regard de 2025. Ce qui était juste à une époque ne l’est plus aujourd’hui. Et inversement, ce que nous faisons aujourd’hui semblera peut-être insuffisant en 2050. Mais oui, on va dans le bon sens.

Même si ce n’est pas encore très visible à Cannes, il y a des efforts réels sur la production responsable, la justification des allégations, l’exposition raisonnée des arguments. Et surtout, il faut préserver la créativité. La publicité a ce talent incroyable : elle peut faire évoluer les comportements, faire passer des messages parfois difficiles.

Personne n’aime changer ses habitudes, mais la publicité y parvient. C’est ce que montrent les campagnes ici à Cannes. Et avec 90 pays représentés, on voit bien que cette capacité à agir sur les mentalités est universelle.

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