À l’occasion de son passage dans notre studio pour Brandiiing, le podcast qui vous fait découvrir l’univers des plus grandes marques, Romain Jolivet, Chief Marketing & Creative Officer de La Vie, a répondu à quelques-unes de nos questions.
La Vie, c’est l’ovni de la foodtech française qui révolutionne le bacon. Fondée en 2019 par Nicolas Schweitzer et Vincent Poulichet, la start-up est parvenue, après trois années de recherche et développement, à mettre au point une recette brevetée de gras végétal reproduisant le goût, l’aspect et la texture véritables du cochon.
L’objectif ? Montrer que l’on peut aimer la charcuterie… sans viande, sans compromis sur le goût, et avec un vrai impact positif. Depuis son lancement, La Vie s’est imposée comme une marque audacieuse, décomplexée et drôle, avec des campagnes de communication qui font autant parler qu’elles donnent faim. Derrière cette approche, une mission claire : prouver qu’on peut faire bouger les choses… en commençant par le contenu de nos assiettes.
L’an passé, la marque affichait une croissance spectaculaire, avec un chiffre d’affaires estimé à 19 millions d’euros, contre 7,6 en 2023 (soit +192 % !). Présente dans plus de 8 000 points de vente, elle revendique avoir déjà « sauvé » plus de 300 000 cochons. Et elle peut se targuer de collaborations d’envergure : Burger King UK, KFC France… ou comment une start-up veggie s’invite à la table des géants du fast-food.
Dans cet entretien exclusif, Romain Jolivet revient sur la personnalité décalée de La Vie, son humour impertinent, ses campagnes coups de poing et sa vision d’un marketing plus engagé, mais toujours fun. Pour en savoir plus, ne manquez pas cet épisode de Brandiiing !

JUPDLC : La Vie a un ton très décalé, presque impertinent. Comment avez-vous défini cette personnalité, et comment la protégez-vous à mesure que la marque grandit ?
Romain Jolivet : Il y a peu de choses qui rassemblent les humains, mais parmi elles, il y a la bonne bouffe et le rire. Quand tu regardes ces émissions d’explorateurs qui vont au milieu de la jungle rencontrer des tribus inconnues, tu vois que la glace se brise quand ils mangent… et quand ils rient.
Nous avions déjà la bonne bouffe avec nos premiers produits, bacon et lardons végétaux. Et rien que le concept de « bacon végétal » ou de « lardons végétaux » a déjà un côté décalé : sérieusement, on allait sauver le monde avec ça ? On a décidé de jouer à fond sur ce décalage.
On n’a pas défini cette personnalité sur PowerPoint, mais par l’expérience. Les « papas » de la marque, moi et notre agence de design stratégique, avons posé les premiers jalons. La première vanne est née en 30 secondes sur le Nutri-Score de nos packs : « Moins bien que des brocolis, mais mieux que des lardons de porc ». Puis les campagnes Buzzman et leur accueil ont forgé ce côté poil à gratter, un humour qui paraît potache, mais qui est en réalité très réfléchi. L’impertinence, elle, s’est aussi construite en réaction aux pressions du lobby du porc : on n’a pas eu le choix.

Bref, c’est comme un enfant : on sait quelles valeurs on veut lui transmettre, mais c’est la vie qui façonne sa personnalité. Et parfois, il faut le remettre sur le droit chemin. Mon rôle est de protéger cette essence. Nicolas m’appelle « le gardien du temple ». On a laissé tomber de superbes campagnes simplement parce qu’elles n’étaient pas « La Vie » : c’est instinctif et intuitif, pas du tout un template figé.
JUPDLC : Certaines campagnes de La Vie ont marqué par humour et audace. Comment trouvez-vous l’équilibre entre message militant et divertissement ?
Romain Jolivet : Pour nous, il n’y a pas d’équilibre à trouver : il faut savoir passer des messages militants de façon divertissante. La planète brûle, l’élevage intensif est un désastre, passer au végétal permet une réduction de CO₂ entre 80 et 95 %. Mais énoncer tout cela de manière rationnelle ne fonctionne pas. C’est le fameux paradoxe de l’humour engagé : dire des choses sérieuses en donnant envie de sourire.
On est convaincus qu’on ne changera pas des milliards d’assiettes avec des leçons de morale, mais avec du plaisir et de l’humour. Notre filtre créatif est simple : à chaque fois qu’on glisse un message militant, il faut que dans une entreprise de viande industrielle, le big boss arrive furax le matin… mais que les jeunes stagiaires se marrent en douce. Si on coche ces deux cases, c’est gagné !
JUPDLC : Vous avez interpellé Burger King de manière proactive pour obtenir un partenariat sur le bacon végétal. Comment avez-vous conçu cette stratégie ?
Romain Jolivet : Burger King France a été le premier gros client à nous faire confiance. On n’est pas les premiers « petits » à interpeller des « géants » de façon audacieuse, mais on voulait leur montrer qu’on était une machine à activation, avec une montagne de créativité publicitaire.
Soit on frappait à la porte, soit on défonçait le portail. Alors on a tout donné :
- Un tweet anodin suggérant notre bacon dans leurs burgers veggie (3 likes, dont nous). Résultat ? Mis en quatrième de couverture dans la presse nationale.
- Échantillonnage sauvage : « le bacon que BK n’a pas mis dans votre burger veggie ».
- Déplacement de sucettes JCDecaux pour faire des publicités autour de restaurants BK.
- Tentative d’hypnotiser leur CM via les réseaux sociaux pour le pousser à passer commande.
Ils étaient déjà convaincus par la gourmandise de nos produits ; cette campagne leur a prouvé qu’on pouvait aussi bien s’amuser ensemble.
Ça valait le coup d’insister un peu, merci @BurgerKingFR ❤️ https://t.co/fOT3ZQnBRT
— La Vie ™️ (@laviefoods_fr) May 22, 2022
JUPDLC : Comment évalue-t-on l’alignement des valeurs entre une start-up veggie et une chaîne de fast-food traditionnelle ?
Romain Jolivet : On ne cherchait pas un alignement parfait : ça n’existe pas. On cherchait un alignement sur l’impact. Si une enseigne comme Burger King met du bacon végétal à sa carte, ça fait bouger l’aiguille. Et si on peut le faire tout en restant fidèles à notre ton et à notre mission, c’est gagné.
On préfère un partenariat imparfait qui avance les choses à un mariage parfait qui ne se fait jamais. Et puis, on n’en parle jamais, mais il y a aussi la chimie humaine. On a eu un fit énorme avec Alexandre Simon, CEO de BK, un super professionnel et une super personne ! Pareil entre Nicolas (NDLR : Nicolas Schweitzer, co-founder & CEO de La Vie) et Isabelle (NDLR : Isabelle Herman, Directrice Générale) de KFC France. Quand tu sens que les dirigeants partagent ta vision, ton enthousiasme, et qu’ils veulent vraiment faire bouger les lignes, ça change tout.
JUPDLC : Quel a été l’impact de cette collaboration pour la marque ? Est-ce que Burger King vous a ouvert d’autres portes ?
Romain Jolivet : Bien sûr. Déjà, pour une start-up, c’est un gage de sérieux. Rentrer chez Burger King, cela veut dire que tu as réussi tous les audits, toutes les qualifications, que tu as atteint ou dépassé tous les standards de qualité, de supply chain… Donc comme disent les marketeux c’est une énorme « reason to believe » quand tu vas voir d’autres clients !
Et puis nos campagnes ensemble ont été très remarquées ! Sans Burger King et le courage d’Alexandre et de ses équipes, nous ne serions pas tout à fait la marque que nous sommes aujourd’hui.
Les marques voient en nous une start-up capable de rester fidèle à sa mission tout en jouant dans la cour des grands, et ça change tout.

Cette interview a été réalisée à la suite de l’enregistrement de Brandiiing, notre podcast qui vous fait découvrir ou redécouvrir les marques les plus emblématiques.

