À l’occasion de son passage dans notre studio pour Brandiiing, le podcast qui vous fait découvrir l’univers des plus grandes marques, Antoine Tinel, Directeur général adjoint chez Barbour a répondu à quelques-unes de nos questions.
Fondée en 1894 dans le petit port de South Shields, en Angleterre, Barbour est bien plus qu’une simple marque de vêtements. C’est une maison familiale, aujourd’hui dirigée par la cinquième génération des Barbour, qui a bâti sa réputation sur un savoir-faire ancestral et une promesse simple : protéger ceux qui bravent les éléments. Des marins de la mer du Nord aux pilotes de la Seconde Guerre mondiale, en passant par Steve McQueen dans les années 60, la marque a toujours accompagné les aventuriers dans leurs défis face aux intempéries, même nos amis les chiens !
Entre tradition britannique et élégance intemporelle, Barbour symbolise cet art de vivre so british où fonctionnalité rime avec style. Et qui de mieux que James Bond pour incarner ces valeurs ? Si je vous dis Skyfall, 2012, Daniel Craig ? Vous avez l’image ?
Dans cet entretien exclusif, Antoine Tinel revient sur les défis d’une marque centenaire comme Barbour : préserver un héritage fort tout en restant en phase avec les nouvelles générations. Collaborations, distribution, communication… Un épisode passionnant pour comprendre comment tradition et modernité peuvent cohabiter. Pour en savoir plus, ne manquez pas cet épisode de Brandiiing !

Barbour est une marque plus que centenaire avec un héritage fort. Comment travaillez-vous pour préserver cet ADN tout en restant pertinent auprès des nouvelles générations ?
Antoine Tinel : Il y a trois choses sur lesquelles on travaille. La première, c’est le travail sur les collections et la segmentation. Les collections, c’est justement créer des produits pour toucher de nouveaux publics. Donc, proposer de nouvelles formes de vêtements. Par exemple, si tu veux t’adresser à une clientèle plus jeune, tu es obligé de travailler des fits plus larges, plus looses, etc. C’est donc une adaptation des collections qui permet de conserver l’ADN tout en allant vers un nouveau public.
La segmentation, elle, est liée à mon point de distribution. C’est-à-dire que tu dois développer des collections pour un type de clientèle précis, et tu ne peux pas tout mélanger. Si tu fais une collection loose et que tu commences à la vendre dans un circuit de distribution classique, tu vas te perdre. Donc, mon deuxième gros chantier, c’est justement le travail sur la distribution : choisir des points de vente capables de m’emmener vers de nouveaux territoires, tout en respectant l’ADN de la marque, un produit travaillé avec ses racines, ses valeurs, sa durabilité, son authenticité, etc. Mais amené dans un univers différent. Il faut donc que je trouve le bon point de vente, celui qui devient prescripteur et m’ouvre ces nouveaux territoires.
Le troisième point, c’est la communication. Elle doit être adaptée. On ne communique pas de la même manière auprès d’un boomer de 60 ans qu’auprès d’un jeune skater de 25 ans.
Vous multipliez les collaborations avec des marques et créateurs contemporains. Quels critères vous guident pour choisir un partenaire ?
Antoine Tinel : Le premier critère, c’est qu’il faut qu’il y ait un territoire commun, un socle partagé. En général, ça se fait autour des valeurs. On a travaillé, par exemple, autour du programme « Reloved ». Le « Reloved », c’est l’idée de reprendre des produits usagés, peut-être en fin de vie ou presque, de les réparer et de leur redonner une seconde vie. Ça permet de proposer des produits moins chers à des étudiants ou à un public plus jeune, de devenir plus accessible en termes de prix.
Parfois, on le fait avec des marques qui ont la même envie : se rendre plus accessibles. Je pense à Gucci, avec qui on a fait un partenariat « Reloved ». Les pièces restaient du luxe, mais c’était une forme de luxe accessible.
Un deuxième critère, c’est l’intérêt de croiser des univers. Quand on collabore avec Supreme ou Bape, par exemple, on va vers des univers assez éloignés du nôtre. Mais à travers la collaboration, eux trouvent quelque chose dans notre authenticité, dans certaines de nos valeurs. Et nous, on touche une nouvelle audience. Donc, ça nous intéresse aussi d’aller dans cette direction.
La troisième raison, parfois, c’est simplement une rencontre, une personnalité. Une opportunité qui fait naître le projet. C’est ce qui s’est passé avec Balzac. On voulait se développer sur la femme, et eux aimaient beaucoup l’ADN historique de Barbour. Nous, on était intéressés par ce développement. C’est une rencontre entre Chrysoline et quelqu’un de chez nous qui a créé le déclic, et on a avancé.
Votre clientèle historique est souvent associée à un certain style de vie. Comment travaillez-vous à élargir vos cibles sans perdre l’âme de la marque ?
Antoine Tinel : C’est important, aujourd’hui, de ne pas perdre l’âme de la marque, parce que sinon, tu perds ton fil rouge et tu deviens une marque girouette. Mais ce qui est facile avec Barbour, c’est que la marque est née pour équiper des gens qui avaient un style de vie à la campagne ou en bord de mer. Des vêtements de protection. Donc, c’est une base suffisamment large pour être adaptée de plein de façons différentes. Cet ADN est toujours d’actualité, notamment avec les RTT, les congés, etc.
Depuis le Covid, il y a un véritable engouement pour les grands espaces. Donc c’est très simple aujourd’hui de réadapter notre ADN à cette tendance. Ce qu’on fait, c’est qu’on adapte les collections, on les twiste, on les fait évoluer. On crée aussi des partenariats avec des usages plus modernes que simplement vivre à la campagne. Je pense notamment à l’utilisation des festivals comme média. Ça nous permet de nous rapprocher de nouvelles cibles, de nous « encanailler » un peu, tout en restant fidèles à la marque. C’est le même produit, la même typologie, les mêmes fonctionnalités, mais utilisé d’une manière plus moderne, en phase avec nos modes de vie actuels.
Comment définissez-vous le territoire de marque de Barbour aujourd’hui ? Entre héritage, luxe et outdoor, où placez-vous le curseur pour toucher vos différents segments de clientèle ?
Antoine Tinel : Historiquement, la marque est née en bord de mer. C’est donc une clientèle assez large, avec un usage de vêtements de protection. Du coup, le lien avec l’héritage est simple à faire : 135 ans d’existence, c’est un vrai héritage, ça s’impose de lui-même.
Le côté outdoor, c’est la fonctionnalité des produits qui nous y emmène, même si on ne va pas sur des terrains qui ne sont pas les nôtres. On ne fait pas de haute montagne, on ne fait pas de produits en Gore-Tex. On reste fidèles à nos produits d’origine. La grande force de Barbour, c’est qu’on n’a pas besoin de bouger le curseur : le produit reste le même, quelle que soit la clientèle à laquelle on s’adresse. C’est notre histoire et notre territoire de marque qui font que les gens viennent à nous.
Sur le luxe, typiquement, on n’est pas une marque de luxe, et on n’a aucune velléité de le devenir.
On a pu faire des collaborations avec des maisons de luxe, mais ce n’est pas notre objectif. On reste une marque accessible, fidèle à ses origines : l’équipement de la personne, évidemment modernisé. On n’est pas une marque de sécurité aujourd’hui.
Quels sont aujourd’hui les piliers de votre stratégie de communication, et comment évoluent-ils avec les nouveaux usages digitaux ?
Antoine Tinel : Chez Barbour, ça passe beaucoup par des programmes de collaboration.
Les collaborations nous apportent des supports en termes d’influence, des réseaux de distribution, parce que ces réseaux ont leur propre audience. On s’adresse à des communautés. C’est vraiment un premier canal qu’on utilise beaucoup.
Le deuxième, c’est tout ce qui est médias traditionnels, pour raconter l’histoire corporate de la marque. Par exemple, les cinq générations : on a beaucoup communiqué dessus, notamment à l’occasion des 125 ans. C’était un terrain assez naturel pour parler de l’histoire familiale, des cinq générations. On a utilisé ce sujet dans les médias traditionnels et institutionnels, dans des parutions plus classiques.
Ensuite, il y a l’aspect mode dans tout ce qu’on fait, qu’on continue à activer, que ce soit en presse traditionnelle, sur le digital ou via l’influence. La grande différence par rapport à il y a dix ans, c’est toute la sphère digitale et influence : les réseaux, les personnalités, les ambassadeurs… ou même les réseaux de distribution eux-mêmes, qui jouent un rôle de communication.
C’est tout ce mix qui a évolué. On est passés d’une communication très institutionnelle, très RP à quelque chose de beaucoup plus 360, où le retail fait partie intégrante des leviers de communication. On ne peut plus se contenter d’un seul canal. C’est une agilité et une adaptation qu’il a fallu développer au cours de ces dix dernières années.

Cette interview a été réalisée à la suite de l’enregistrement de Brandiiing, notre podcast qui vous fait découvrir ou redécouvrir les marques les plus emblématiques.

