L’engagement des marques : entre publicité et sincérité ?

En collaboration avec Rosbeef!
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Nous sommes arrivés à une étape charnière de notre ère où nous devons aujourd’hui plus que jamais nous mobiliser pour lutter contre des enjeux majeurs tels que le réchauffement climatique et les inégalités sociales. Dans cette lutte, les marques et les entreprises ont un rôle important à jouer en tant qu’acteurs d’un monde meilleur. En ce sens, plusieurs enseignes commencent à dévoiler leur engagement et leurs efforts pour une société plus éthique. La publicité a elle aussi un rôle important à jouer, bien qu’elle puisse rencontrer certains paradoxes. On discute de RSE, d’engagement, de publicité et d’avenir avec Bérangère Schehl, Head of CSR chez l’agence Rosbeef!

 

Entrevue avec Bérangère Schehl, Head of CSR chez Rosbeef!

 JUPDLC : Bérangère Schehl, pouvez-vous nous raconter brièvement votre parcours de publicitaire ?

Bérangère Schehl : J’ai travaillé plus de 8 ans chez Publicis avant de rejoindre il y a 3 ans l’aventure Rosbeef! en tant que Directrice de clientèle auprès de Frans, Antoine et Priscille. Cela a été un nouvel éveil pour moi. Qui dit structure indépendante et de taille moyenne, dit beaucoup plus de responsabilités, d’autonomie, de multitasking mais aussi énormément de transparence. Chez Rosbeef! le premier sujet de responsabilité des entreprises sur lequel j’ai travaillé c’était avec la marque Gémo. Un client très ouvert avec qui nous avons pu collaborer sur le lancement de leur première marque éco-responsable et plus généralement sur tous les leviers à mettre en place pour « faire mieux » en tant qu’acteur majeur de l’industrie textile. C’est un enjeu de communication, de faire-savoir bien entendu mais surtout en amont un enjeu de  « faire » : comprendre, modéliser des alternatives, tester, dupliquer… C’est ce que j’aime, ne pas se limiter pas à la com’ et rentrer vraiment dans le cœur de la machine avec nos clients.

 

JUPDLC : Nous aimerions parler avec vous de RSE et de l’engagement des marques au sens large. Considérez-vous que les entreprises doivent aujourd’hui plus que jamais assumer leurs responsabilités ?

Bérangère Schehl : Assumer leurs responsabilités me paraît être une évidence. Les entreprises, les « marques », ont contribué comme nous tous aux changements que nous vivons : la surconsommation, la pollution, les inégalités sociales, la mauvaise santé de la planète, l’atteinte à celle de l’homme… On ne cherche pas à accabler qui que ce soit mais ce qui est certain c’est qu’aujourd’hui plus personne ne peut ni fermer les yeux, ni faire semblant de ne pas savoir. Mais selon nous, « assumer ses responsabilités » – dire « mea culpa », réparer les dommages créés – c’est le service minimum. Les marques ont davantage à gagner en étant de vraies actrices du changement, en faisant plus, en engageant, au-delà d’elles-mêmes, à la fois leurs clients et leurs collaborateurs. Chaque marque, selon son activité, son histoire, son ADN, peut lancer sa propre mécanique collaborative en RSE. Si c’est fait sans cynisme, ça ne peut être que vertueux.

 

JUPDLC : L’engagement des marques relève-t-il d’une véritable nécessité déontologique ou d’un simple soucis de notoriété publique ?

Bérangère Schehl : Chaque marque a et aura ses raisons de s’engager. Chez Rosbeef! nous accompagnons deux types de marques : celles qui sont, pour le dire très schématiquement, « RSE depuis le jour 1 » et celles qui s’y sont mises ou qui s’y mettent avec beaucoup de volontarisme.
Pour les premières la question de la déontologie ou de la notoriété publique ne se pose même pas, l’engagement fait partie intégrante de leur ADN. D’ailleurs quand on regarde leur histoire, on comprend que ces marques sont d’abord des projets éco-responsables avant d’être des projets entrepreneuriaux. Pour les secondes, il y a une prise de conscience : elles font partie du problème et veulent basculer avec beaucoup de force pour faire partie de la solution. Parfois elles ne savent pas comment s’y prendre, parfois elles ont peur de mal faire. On les accompagne pour ça. Et on se rend compte qu’on peut aller très vite quand elles sont sincères, enthousiastes, à l’écoute.

 

JUPDLC : Pensez-vous que la publicité soit en capacité de faire progresser des sujets sociétaux et d’ainsi devenir un acteur du débat public ? En ce sens, considérez-vous la publicité comme le miroir de réalités préexistantes ou comme une activité capable de transformer en profondeur les imaginaires et les comportements ?

Bérangère Schehl : La publicité est un moyen, elle sert à mettre en lumière ce que les marques ont à dire ou à vendre. Sur les sujets de RSE, nous intervenons énormément sur l’amont. Nos clients attendent de nous un véritable accompagnement, que ce soit dans la pertinence de l’action à mettre en lumière, dans le choix des mots, dans les pièges à éviter, les réalités à affronter… Nous faisons partie intégrante du process ce qui fait de nous aujourd’hui en effet de véritables acteurs de ce changement. Nous avons aussi nos propres convictions, la nôtre est que la RSE n’est pas uniquement un sujet corporate et « boring », ni une case à cocher. Nous devons arriver à rendre l’engagement des marques que nous accompagnons accessible, préhensible, par l’interne comme par les consommateurs. On œuvre pour faire évoluer les comportements et on cherche à embarquer le plus de monde possible.

 

JUPDLC : N’est-t-il pas paradoxal que la publicité ait vocation à s’engager alors qu’elle peut être parfois perçue comme le carburant d’une société de consommation non durable et inégalitaire ?

Bérangère Schehl : C’est en effet complètement paradoxal. La publicité pousse à la consommation, elle crée du besoin et du désir là où il n’y en a pas initialement. Une fois qu’on a dit cela, regardons la chose sous 3 angles précis. En tant qu’industrie : la communication a sa part de responsabilité mais – voyons le verre à moitié plein – elle entame sa mue. Certaines agences essaient de se transformer, d’autres ont davantage la RSE dans leur ADN. Rosbeef! n’est pas une agence RSE, pour autant notre engagement a toujours été là. Que ce soit en interne avec notre politique salariale, le bien-être au travail et l’écoute active des besoins de nos employés comme dans le choix de nos clients et des sujets. On a commencé avec Innocent en 2015, aujourd’hui nous accompagnons des associations, des marques bios, nos campagnes sport sont résolument engagées et nous accompagnons tous nos clients dans le développement de leur politique RSE. Nous essayons, à notre échelle, de faire mieux.
Si on regarde la communication en tant que « pouvoir créatif », là encore, on a des raisons d’espérer. C’est bien la créativité qui permet à ces marques « RSE depuis le jour 1 » d’émerger, de rayonner, d’attirer la lumière sur elles avec parfois très peu de budget et ainsi de devenir des marques leader d’opinion. Si on prend l’exemple de Babybio que nous accompagnons depuis 3 ans, pionnier sur le lait infantile Bio depuis plus de 20 ans, on peut s’imaginer que leurs différentes prises de parole ont accéléré la transformation de grands groupes comme Nestlé qui proposent aussi aujourd’hui du lait infantile bio.
Enfin, si on regarde la communication sous le prisme budgétaire, on se dit que les marques peuvent contribuer, pour de vrai, à « rendre le monde meilleur » avec parfois plus d’argent que les politiques publiques. À condition que leurs budgets com’ servent davantage à nourrir de vraies preuves, elles peuvent faire de belles choses.


Événement



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Crédit photo : Rosbeef!

JUPDLC : Comment expliquez-vous la frilosité des marques face à l’engagement ? Ont-elles peur de franchir la frontière du politique ?

Bérangère Schehl : Clairement il y a des sujets plus faciles à aborder que d’autres, tant sur le faire – s’engager avec des actions concrètes – que sur le faire-savoir – communiquer sur ces actions. La RSE recouvre plein de choses. Sur l’environnement, c’est encore trop lent, trop faible, trop mou… mais les marques, globalement, commencent doucement à s’engager, elles comprennent qu’elles ne peuvent plus se détourner de l’urgence écologique. De manière exceptionnelle certaines arrivent à obtenir des résultats plus probants que les pouvoirs publics : on dit souvent que ce n’est pas le politique qui a mis fin au glyphosate, c’est Leclerc, Carrefour et Intermarché qui l’ont sorti de leurs rayons. Il y a donc des motifs de satisfaction.
Mais là où ça devient plus compliqué, c’est sur le sociétal. Et là, oui, il y a souvent une peur de s’engager, de tomber dans la politique, de se prendre les pieds dans le tapis, de se mettre à dos ses consommateurs… Nous sommes dans l’ère de la toute-puissance des réseaux sociaux avec ses bons côtés… et avec ses trolls aussi.
Si on regarde l’affaire du hijab Decathlon : la marque qui tenait bon sur sa philosophie – rendre le sport accessible à absolument tous et toutes sans jamais se soucier de l’origine, de la religion etc – mais elle a finalement cédé face à la pression des trolls et à la polémique alimentée par certains politiques sur les chaînes d’info en continu.
Il faut faire preuve de courage pour prendre position.
Chez Rosbeef!, on pense que les marques ont un vrai coup à jouer en investissant le sociétal, car œuvrer pour une société apaisée c’est une question de bon sens, pas une question politique. Il y a évidemment une manière de faire, des erreurs à ne pas commettre, une humilité à avoir mais le résultat est toujours positif pour la marque. On le voit avec la LFP, avec adidas, avec Gémo également…

 

JUPDLC : L’engagement reste aujourd’hui un courage. Ne craignez-vous pas qu’il devienne un simple phénomène de mode, le vidant ainsi de tout son sens ?

Bérangère Schehl : C’est en effet et malheureusement ce qui pourrait se passer. Il n’y a qu’à voir le nombre de conférences et webinars qui ont pour thème « les erreurs à éviter » et le nombre d’articles qui dénoncent les politiques de RSE des entreprises comme étant ni plus ni moins que de l‘hypocrisie. On sent d’ailleurs que cette « mode » crée un malaise légitime chez les marques « RSE depuis le jour 1 » : elles font les choses bien, avec beaucoup d’honnêteté, sans compromis sur leur feuille de route et elles s’y sont mises bien avant que ce soit la mode. On pourrait penser qu’elles ont un avantage net, qu’elles ont une vraie longueur d’avance dans cette grande course verte, mais bizarrement, elles se retrouvent assez vite désarmées devant des entreprises qui ont pris le train en marche et qui communiquent beaucoup plus fort pour dire qu’elles sont devenues super. On doit faire preuve de créativité pour révéler leur légitimité, faire connaître leur ADN, faire adhérer à leur projet de société mais aussi pour les aider à continuer à innover. Encore une fois le faire-savoir ne va pas sans le faire. Même les marques qui s’y mettent aujourd’hui doivent avoir des engagements solides et les inscrire dans le temps. Et c’est peut-être ça qui nous rend optimiste : avec le temps les consommateurs seront plus à même de déceler le vrai du faux. Et on sera de moins en moins nombreux à tomber dans le panneau d’une marque qui nous a juste fait un clin d’œil green parce que c’est la mode.

 

JUPDLC : Vous êtes vous-même un acteur engagé au sein de votre profession, de quelle manière faites-vous résonner votre engagement ?

Bérangère Schehl : Les sujets de RSE sont des sujets passionnants qui apportent plus de profondeur à notre métier. Aujourd’hui j’ai la chance de pouvoir me concentrer sur ce type de sujets et d’embarquer avec moi tous les métiers de l’agence. J’ai mené une enquête interne pour sonder l’engagement des collaborateurs et la volonté qu’ils auraient eux aussi de pouvoir s’engager dans une action à leur échelle. Les réponses ont été hyper positives. Nous sommes super fiers de nous dire que demain, au-delà d’accompagner nos clients, si l’agence souhaite se lancer dans un combat qui lui est cher, elle aura des collaborateurs prêts à se lancer dans l’aventure avec elle. Et j’insiste sur un truc : il ne s’agit pas d’aider en faisant de la com’ en probono. Les petites marques et les ONG ont davantage besoin de bras, de sourires ou même de process repensés qu’ils n’ont besoin de jolis visuels.

 

JUPDLC : Vous êtes chez Rosbeef! parmi les rares à mettre l’accent sur des sujets sociétaux. Dans quelles mesures prônez-vous une certaine « éthique publicitaire » ? Des projets engagés dont vous pourriez nous parler ?

Bérangère Schehl : Je ne sais pas si on est rares et heureusement nous ne sommes pas les seuls ! Ce qui est sûr c’est que nous nous engageons de plusieurs façons. D’une part et comme beaucoup d’agences aujourd’hui, nous sommes engagés sur l’environnement. Nous avons une équipe de 3 personnes chargée de mettre en place les bonnes pratiques qui sont proposées tous les mois par nos collaborateurs. S’engager pour l’environnement n’a pas de limite et dès qu’il est possible de faire plus, nous nous lançons. On travaille également collectivement sur une action sociale qui nous ressemble et qui sera visible dans quelques mois. Au-delà des certifications et des labels, on cherche surtout à créer un effet d’entraînement à la fois en interne et avec nos clients. Enfin, sur un modèle équivalent à notre verticale « sport » qui s’appelle United, et qui reverse d’ailleurs 1% de ses revenus à Common Goal, nous allons lancer, début 2022, R!SE (prononcer « rise »), l’entité qui accompagne tous nos clients engagés en RSE. On a des partis pris forts et une méthodo qui a montré ses preuves, alors autant y aller ! Cette équipe, dont je prends la tête, sera composée de passionnés qui accompagneront les marques dans leur transformation. Aujourd’hui l’entité accompagne déjà officieusement une dizaine de clients.

 

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