Vous avez peut-être déjà entendu parler du métier de concepteur rédacteur. Leur objectif ? Concevoir un message adapté et percutant. Et que serait l’univers de la communication et de la publicité sans eux ? En effet, leur créativité est une ressource majeure pour les agences de communication, de publicité et même pour certains services communication des grands groupes. Malgré tout, peu de gens savent de quoi est faite la journée des concepteurs rédacteurs, quelles compétences sont primordiales ou encore quelles études il faut suivre pour exercer ce métier.
Quelles sont les réalités du terrain ? Comment s’articule un projet pour un concepteur rédacteur, et avec qui travaille-t-il ? Afin de répondre à toutes ces questions, nous avons rencontré Hadrien Hannoun, concepteur rédacteur chez Saatchi & Saatchi et alumni de l’ISCOM.
JUPDLC : Tout d’abord, pouvez-vous nous parler de votre parcours scolaire ? Comment devient-on concepteur rédacteur ?
Hadrien Hannoun : Après une année de droit peu concluante, j’ai passé un test d’orientation qui m’a dirigé vers la communication. J’ai alors quitté la fac pour intégrer le programme Bac+5 de l’ISCOM. Dès la première semaine, on nous a présenté les principaux métiers de la communication. C’est là que j’ai découvert l’existence des agences de publicité et du binôme DA/CR. L’aspect créatif m’a emballé, et j’en ai fait mon objectif de recherche de stages.
« Pour entrer en agence sans réseau, il faut montrer son book, c’est-à-dire une compilation de ses meilleurs travaux créatifs. Mais, quand on n’a encore rien fait, ce n’est pas évident ! »
Au début, j’ai tenté de présenter une « candidature créative » sous forme de petites BD que je dessinais le soir. À part quelques sourires, je n’ai rien obtenu. Plus tard, j’ai appris qu’il était courant de créer des campagnes fictives pour montrer ce qu’on savait faire. Pendant mes deux premières années d’études, j’ai donc bricolé de fausses publicités sur Photoshop après les cours, mais les agences les mettaient toujours à la corbeille.
En troisième année, un intervenant, ancien créatif, m’a conseillé de choisir une dizaine de vraies campagnes, d’en réécrire les accroches, et d’en présenter les deux versions dans mon book. J’ai essayé, et ça a marché. Assez vite, j’ai pu effectuer un premier stage de quatre mois chez Brainsonic, puis un autre de six mois chez DDB Blackbird, qui m’a ensuite gardé pour ma dernière année en alternance et finalement recruté comme junior.
JUPDLC : Durant votre formation au sein de l’ISCOM, quels étaient les cours dispensés ? Est-il possible de suivre cette formation en initial ? En alternance ? Qu’avez-vous choisi ?
Hadrien Hannoun : Il y a eu trop de matières pour toutes les citer. Je me rappelle surtout des cours de graphisme, de conception rédaction, de stratégie publicitaire, et des modules pour celles et ceux qui voulaient travailler sur leur book.
Comme je n’avais pas d’objectif précis en arrivant à l’ISCOM, j’ai commencé en filière Communication Globale, la plus généraliste. En troisième année, j’ai bifurqué vers la filière Marketing Publicité, plus orientée métiers d’agence, et en cinquième année, j’ai terminé par une alternance en Création & Communication Numérique, qui avait l’avantage de proposer un rythme d’alternance de 4 jours en entreprise et 1 jour à l’école.
Mais, si je devais recommencer l’ISCOM aujourd’hui, je ne referais pas ce parcours en zigzag. J’irais le plus tôt possible au Quatre, qui n’existait pas à l’époque. C’est désormais la voie la plus directe pour devenir CR ou DA, et les créas juniors que je vois en sortir ont déjà un bon niveau !
JUPDLC : Où travaillez-vous actuellement ? Comment avez-vous décroché ce poste ?
Hadrien Hannoun : En ce moment, je travaille au sein de l’agence de publicité Saatchi & Saatchi. J’ai simplement répondu à une offre d’emploi en ligne. Je n’ai pas rencontré de difficultés particulières pour obtenir le poste parce que j’avais l’expérience demandée. L’agence cherchait à former une team avec un DA déjà en poste. Quelques échanges, un entretien, et j’ai commencé peu de temps après !
JUPDLC : En quoi consiste le métier de concepteur rédacteur ? Quelles compétences sont indispensables à la bonne exécution de ce métier ?
Hadrien Hannoun : L’objectif pour la ou le concepteur rédacteur est de trouver des idées et d’écrire des messages pour promouvoir des produits, des services, des marques, des personnalités ou des causes. En agence de publicité, elle ou il imagine et développe des campagnes en binôme avec une ou un DA, spécialiste de la conception visuelle. Ce binôme se nomme la team créative.
Pour ce qui est des compétences, selon moi, il y en a deux qui sont essentielles : être à l’aise avec l’écriture et avoir une certaine tournure d’esprit. La seconde est la plus importante.
JUPDLC : Pouvez-vous nous décrire une journée type ?
Hadrien Hannoun : Il n’y en a pas vraiment. Dans une même journée, on peut écrire le script d’une vidéo TikTok, chercher une idée pour de l’affichage et se retrouver en studio pour diriger l’enregistrement d’un spot radio. Parfois, notre emploi du temps est monopolisé par un seul projet, par exemple une compétition créative entre agences pour signer avec une marque. D’autres fois, on gère plusieurs projets en parallèle pour différentes marques. En tout cas, il y a toujours du boulot.
JUPDLC : Durant un projet, quelles sont les différentes phases ? Laquelle préférez-vous ?
Hadrien Hannoun : Un projet commence toujours par un brief. L’équipe commerciale et le planning stratégique exposent aux créas le message que les clientes et clients veulent faire passer, les objectifs à atteindre, le public à toucher, les contraintes à respecter et quelques pistes pour orienter la réflexion créative.
Ensuite, CR et DA cherchent des idées ensemble pour répondre au brief. C’est mon étape préférée, parce que c’est là que l’imagination travaille. Une fois qu’il y a suffisamment d’idées sur la table, les créas présentent les meilleures à leur direction de création. Si une idée est validée, l’équipe commerciale essaye de la vendre. Et si elle est achetée, on commence la phase de réalisation.
DA et CR prennent alors les manettes de l’ensemble du développement créatif de l’idée pour en faire une campagne. Chaque projet ayant ses besoins spécifiques, la team créative est amenée à interagir avec une grande variété de métiers (réalisateurs, équipes de production, graphistes, développeurs, etc.)
JUPDLC : Y a-t-il des projets qui vous ont particulièrement marqué ?
Hadrien Hannoun : Oui, il y a la campagne « T’es où ? » que j’ai écrite pour la Fédération Nationale Solidarité Femmes. Trois spots de sensibilisation aux cyberviolences conjugales, qui renvoient vers le numéro d’écoute 3919. J’en suis particulièrement fier parce qu’elle sert une cause sociale, et qu’en plus elle a remporté un prix aux Deauville Green Awards cette année !
JUPDLC : Quelle est la durée moyenne d’un projet ? Combien de personnes sont mobilisées et quels sont leurs rôles respectifs ?
Hadrien Hannoun : Certains projets prennent quelques jours, d’autres plusieurs mois. En fonction du projet, il peut y avoir cinq ou six personnes impliquées, ou tout un bataillon. Et ce sans compter la production, les prestataires et les équipes côté clientèle. En amont du projet, l’équipe du planning stratégique cherche les meilleures pistes de réflexion à inclure dans le brief.
Côté création, le binôme CR/DA trouve l’idée à l’origine de la campagne et dirige son exécution. Il est chapeauté par une directrice ou un directeur de création (DC) dont le rôle est de guider les créas dans leur recherche d’idées, de choisir la bonne, de la défendre, et de veiller à la qualité du rendu final.
Côté commercial, on retrouve au minimum une ou un chef de publicité pour organiser tous les aspects opérationnels de la campagne. Son travail est supervisé par une directrice ou un directeur de clientèle qui, entre autres, représente l’agence, vend la création et négocie le budget.
JUPDLC : Avec quelles marques avez-vous travaillé ?
Hadrien Hannoun : Personnellement, j’ai pu couvrir beaucoup de secteurs : l’automobile, la culture, la tech, le divertissement, les télécoms, la grande distribution, les assurances, le tourisme, l’immobilier, le social, l’alimentaire, et j’en oublie. Chez Saatchi, j’ai principalement travaillé sur Burger King, SFR, Samsung et la Matmut.
« Au début, il est primordial d’apprendre des seniors et de se créer des opportunités de montrer sa créativité aux managers. »
JUPDLC : Quels conseils donneriez-vous à un étudiant souhaitant se lancer dans cette voie ou à un alumni faisant ses premiers pas sur le marché du travail ?
Hadrien Hannoun : Je lui dirais : le plus tôt possible dans ton parcours, essaie de former une team avec une personne de ta promo qui souhaite devenir DA et constituez-vous un book pour faire des stages ensemble ! Le but, c’est d’accumuler de l’expérience en agence avant d’arriver sur le marché du travail. Je lui recommanderais aussi vivement de terminer ses études par une alternance. C’est la voie royale pour se faire embaucher après son diplôme.
Une fois en poste, il faudra faire preuve de persévérance. Même s’il est possible d’avoir de la chance, en règle générale, il ne faut pas s’attendre à un super salaire ni à un travail très stimulant en début de carrière. Les deux, voire trois premières années, peuvent être assez ingrates. Comme il y a du monde dans ce métier, on n’a pas forcément les projets cool en sortie d’école. Et même après, il y aura beaucoup de concurrence. Il faut s’accrocher !
Au début, il est primordial d’apprendre des seniors et de se créer des opportunités de montrer sa créativité aux managers. Petit à petit, ils penseront à toi. Il sera donc possible de monter sur des sujets plus intéressants, faire passer des idées, signer ses premières campagnes, négocier son salaire, etc.
Enfin, il faut se rappeler que, peu importe son niveau d’expérience, tout le monde mérite le respect. Et non, une ambiance de me***e, ce n’est pas « formateur ». Si l’on constate que la culture de son agence est toxique, ou que le management met mal à l’aise, il faut fuir sans hésitation. Tu apprendras mieux ailleurs, promis !
JUPDLC : Enfin, pensez-vous que l’IA puisse venir en aide au métier ou, au contraire, le mettre en péril ?
Hadrien Hannoun : Tout ce que je sais, c’est que certaines teams créatives, dont la mienne, travaillent déjà avec l’IA. Je ne peux pas prédire l’avenir, et les capacités de ces technologies évoluent vite, mais jusqu’à présent, les créas ont toujours adopté les innovations pour en faire de nouveaux outils et moyens d’expression, et pour l’instant, c’est le même scénario qui semble se profiler avec l’IA.
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