À l’occasion des Cannes Lions 2025 toute l’équipe de J’ai un pote dans la com, s’est mobilisée pour vous faire vivre le festival comme si vous y étiez. Tout au long de la semaine, nous sommes allés à la rencontre de personnalités issues du monde de la pub pour qu’elles nous partagent leurs insights sur cet événement phare, et leur vision des tendances qui façonnent – et façonneront ! – le secteur. Ces interviews réalisées avec le soutien de MEDIA FIGARO vous offriront une variété de regards et d’éclairage sur cette édition.
Nous avons fait la rencontre de Gaëtan du Peloux, Co-president & CCO de Marcel, qui a présidé cette année le jury de la catégorie Direct des Cannes Lions. Nous lui avons demandé comment, concrètement, cela se déroulait dans les coulisses du Palais : des étapes de sélection aux débats qui ont animé les jurés. Avec lui, nous discutons du Grand Prix de cette édition (la campagne « THREE WORDS » d’AXA), du retour des idées business, et de la campagne « Lidlize » de Marcel.
JUPDLC : En tant que président du jury Direct, comment se passe le processus en coulisses ? Est-ce que c’est vous qui avez le dernier mot ? Combien de jurés êtes-vous ? Est-ce que ça débat ?
Gaëtan Du Peloux : C’est un process très, très long. La catégorie Direct est une des plus grosses de Cannes. Cette année, on a eu 2 050 entrées, donc 2 000 campagnes à juger. C’est évidemment beaucoup trop pour dix personnes. On nous divise donc en cinq groupes. Il y a deux « awarding jurors » par groupe, et des jurés shortlist qui viennent nous aider. On juge environ 400 travaux au départ. Deux minutes quinze par cas, faites les calculs, ça prend du temps.
Ensuite, il y a un deuxième tour, uniquement avec les jurés présents sur site à Cannes, qui doivent avoir vu l’intégralité des travaux dont on va discuter. Cette année, on avait 265 travaux en deuxième ronde, ce qu’on appelle la « longlist ». De ces 265, on tire une shortlist d’environ 210 campagnes. Le judging dure trois jours : le premier pour établir la shortlist, le deuxième pour les Bronzes, et le troisième pour les Argents, les Ors et le Grand Prix.
JUPDLC : Parlons justement du Grand Prix Direct des Cannes Lions 2025. C’est une campagne française : pourquoi ce cas vous a-t-il convaincu ? Y a-t-il eu consensus ou débat ? Et vous, personnellement, qu’en pensez-vous ?
Gaëtan Du Peloux : Je suis hyper fier que ce soit une campagne française qui ait remporté le Grand Prix. Il n’y a eu presque aucun débat. En tant que président, je suis le seul à découvrir les notes du premier jugement. Ça me permet ensuite de guider les débats pour éviter de discuter les 265 cas en une seule journée. On trace une ligne : en dessous d’un certain score, ça sort, et ensuite on débat les cas « limite ».
Dans les notations, la campagne d’AXA avait de très, très loin les meilleures notes. Je pense qu’elle a emballé l’ensemble du jury dès la première seconde. C’est probablement l’idée la plus forte qu’on ait vue cette année, et même depuis plusieurs années. Pour moi, c’est une grande idée, une idée dont on va se souvenir longtemps. Elle est à propos, juste, intelligente, profonde. L’exécution créative est très intéressante, extrêmement minimaliste, ce qui traduit parfaitement le concept : rajouter trois mots dans un contrat que personne ne lit, mais qui change tout pour des millions de gens, des millions de femmes. Ça nous a marqué le cerveau et transpercé le cœur. On avait tous la chair de poule à la fin du case. Et oui, même si le rationnel compte, le cœur aussi doit parler.
JUPDLC : Au-delà du Grand Prix, d’autres campagnes vous ont-elles particulièrement marqué, surpris ou touché ? Et qu’est-ce que cela dit de l’évolution de la relation entre marques et publics ?
Gaëtan Du Peloux : Il y avait énormément de campagnes que j’ai adorées. Mais un président ne vote pas. Mon rôle est de structurer les débats, de créer une atmosphère, de définir des critères. Les jurés savent où ils vont, ils sont guidés. C’est leur palmarès, et je suis en ligne avec leurs choix.
Une campagne comme « COUPON RAIN », par exemple, m’a beaucoup plu. Très créative, très excitante. Beaucoup de créatifs ont dû se dire : “Ah, j’aurais aimé la faire.” Pareil pour « PRICE PACKS », qui a reçu un Gold. C’est une idée d’une simplicité absolue, mais une preuve irréfutable que cette enseigne de supermarché est réellement engagée sur les prix bas. Elle prouve que les meilleures idées sont parfois les plus simples, mais qu’il faut les vendre et les faire.
JUPDLC : Y a-t-il une tendance forte, une rupture ou un signal faible qui a émergé dans les cas présentés aux Cannes Lions 2025 ?
Gaëtan Du Peloux : Oui, un signal très clair : le retour des idées business. Depuis des années, Cannes mettait en avant beaucoup d’idées « for good », de campagnes à visée sociétale. Cette année, il y en a eu beaucoup moins. Ce sont les idées business, le cœur de notre métier, qui ont été valorisées.
Ça dit quelque chose du moment qu’on traverse. Ce n’est pas une époque très joyeuse ni très sereine. Il y a des tensions économiques, politiques… et les marques cherchent à aider les gens concrètement. Aujourd’hui, cela commence par leur permettre de s’acheter à manger, par exemple. Je pense que cette tendance va durer. Et ce n’est pas une mauvaise chose : notre travail, c’est aussi de trouver des idées qui ont de la valeur pour nos clients.
JUPDLC : En parallèle de votre rôle de président, vous êtes aussi à Cannes avec Marcel, qui a été primée pour la campagne « Lidlize » aux Cannes Lions 2025. Comment une idée aussi engagée voit-elle le jour, et comment la défendre auprès d’un client en 2025 ?
Gaëtan Du Peloux : Je tiens d’abord à féliciter l’équipe de Marcel qui a travaillé sur cette idée. Personnellement, je l’adore. On l’a proposée à notre client il y a longtemps, au tout début de la vague IA, parce qu’on trouvait que ça collait parfaitement à Lidl. C’est une marque très populaire, qui se bat pour offrir la meilleure qualité au plus bas prix.
Ils ont une approche très « drop culture », un peu comme dans le luxe : une paire de baskets, une série limitée, et c’est un carton. Alors on s’est dit : grâce à l’IA, pourquoi ne pas permettre à tout le monde d’imaginer le produit Lidl de ses rêves ?
On a développé une IA très simple, accessible à tous. Pas une IA pour pros, mais pour ma grand-mère, ma mère, mes cousins. L’idée était à la fois de démocratiser l’IA et de créer un succès commercial, puisque ce sont les consommateurs qui décident du produit à produire et à vendre.
Et dans ce cas, c’est un vélo électrique qui a été choisi. Ce n’est pas étonnant. J’habite à Paris, je vois combien de gens sont à vélo, et un vélo électrique, ça coûte cher. C’était une réponse évidente à un besoin réel.