À l’occasion des Cannes Lions 2024, toute l’équipe de J’ai un pote dans la com se mobilise pour vous faire vivre le festival comme si vous y étiez. Tout au long de la semaine, nous allons à la rencontre de personnalités issues du monde de la pub pour qu’elles nous partagent leurs insights sur cet événement phare, et leur vision des tendances qui façonnent – et façonneront ! – le secteur.
Dans cet article, nous recevons Antoine David, Co-fondateur et CEO de Rosbeef!. Nous discuterons de la place des agences indépendantes aux Cannes Lions, de créativité et de la responsabilité des marques et des agences aujourd’hui.
JUPDLC : Pourquoi êtes-vous à Cannes cette année et qu’attendez-vous de cette édition ?
Antoine David : Rosbeef! est à Cannes cette année avec WPI (Worldwide Partners Inc.). C’est le plus gros réseau d’agences indépendantes au monde, le plus primé également. On est un peu la tête de pont française de ce réseau-là depuis une dizaine d’années. Nous nous réunissons de temps en temps au festival de Cannes. L’idée est de développer, renforcer notre réseau, se donner le ton, les propos aussi, soutenus par le monde de l’indépendance qui a des choses fabuleuses à porter sur l’agilité, la liberté, et la créativité bien entendu. On est là pour représenter ces indés.
JUPDLC : Comment sont représentées les agences indépendantes créatives à Cannes ? Et qu’attendez-vous de cet événement pour les mettre en valeur ?
Antoine David : Parmi les agences indés globalement, il faut savoir qu’il y a plusieurs formats qui sont très différents. Déjà, il y en a qui étaient indépendantes et qui ne le sont plus, mais qui gardent cette réputation qui leur colle à la peau. Et c’est très bien, ça veut dire qu’en général ce sont des agences qui sont hyperaffûtées et libres ! La plupart des agences créatives se réunissent en réseau.
Nous c’est ce qu’on a fait depuis plusieurs années avec WPI et ça permet de pouvoir avoir des amis en Suède, aux États-Unis, au Danemark, en Indonésie, en Italie, et on se retrouve ensemble le soir. On a notamment un méga dîner, c’est la « grande bouffe », c’est hypersympa, c’est entre nous. Plein de CMO, de Directeurs et Directrices marketing provenant d’énormes groupes viennent nous voir pour prendre un peu la température, l’ambiance de l’indépendance qui est peut-être un peu moins codifiée que celle des grands groupes.
JUPDLC : Comme on est là pour célébrer la créativité : comment peut-on être vraiment créatif en 2024 ? Et peut-on allier utilité sociale et publicité ?
Antoine David : Chaque année, on dit qu’il y a des choses qui bougent. Là, il y a des enjeux qui vont se croiser entre les évolutions des leviers de la communication (IA, etc.) et une société toujours plus complexe et morcelée. On est quand même des acteurs du monde de la culture d’une certaine manière : on a un impact, un budget entre nos mains et pas mal de choses à soutenir.
Et que ce soit aux États-Unis ou en Europe, ce sont des enjeux qu’on ne peut pas négliger. Moi, ce que j’attends de la publicité et plus généralement de la communication, c’est qu’on puisse aider les marques à s’engager davantage. Qu’on leur apporte notre aide pour prendre un peu de recul sur ce qu’elles font au quotidien, sur les objectifs de sales qui sont toujours drivés de la même manière.
« On a tendance à l’oublier, mais les marques naissent et peuvent aussi disparaître dans l’indifférence collective. »
Chaque année, c’est « je dois faire +10 % de sales avec seulement +5 % de budget ». Elles doivent un peu dézoomer, prendre l’habitude de se dire « comment je vais être pertinente culturellement dans les années à venir ? ». On a tendance à l’oublier, mais les marques naissent et peuvent aussi disparaître dans l’indifférence collective. Donc pour qu’une marque reste pertinente, aujourd’hui et plus que jamais, il faut qu’elle puisse porter des valeurs, qu’elle puisse s’engager.
Et ce n’est pas seulement un petit case « j’ai fait telle ou telle chose pour telle ou telle asso », mais c’est créer des dispositifs, des campagnes, des produits, des innovations, des services, des programmes qui s’inscrivent véritablement dans la durée. C’est ce qu’on essaie de faire chez Rosbeef!. et j’espère voir ça chez plein d’autres agences. Notamment les mastodontes, parce qu’on sait toujours que quand les gros lancent une tendance, c’est tout le marché qui en bénéficie !
JUPDLC : La démarche du « faire mieux » est assez représentative de Rosbeef!. Comment vous établissez-vous dans ce climat un peu tendu où justement les marques doivent prendre des responsabilités ? Comment estimez-vous les relations entre les marques et les agences ? Est-ce que ça a évolué ?
Antoine David : Assez paradoxalement, les relations entre les marques – les annonceurs – et les agences devraient s’orienter vers de vraies conversations en profondeur, qui dépassent le cadre du marketing, qui vont aussi concrètement parler d’innovations, de digital, de ressources humaines, de distribution… Tous ces enjeux qui concernent la C-suite, ces fameuses suites exécutives dans une entreprise.
En réalité, ce sont des choses sur lesquelles il faut véritablement travailler : ce type de relation bénéficie aux marques, et plus globalement à tout le secteur publicitaire, si tant est qu’on soit créatif dans ses capacités à proposer de vrais programmes durables. La réalité, c’est qu’on est aussi beaucoup rattrapés par des enjeux excessivement court-termistes. Mais ce temps court s’oppose au temps long dont ont besoin les marques pour véritablement innover et s’assurer d’être socialement pertinentes dans les années à venir.
JUPDLC : Pourquoi n’avez-vous pas présenté de campagne cette année ?
Antoine David : Il y a plein de campagnes Rosbeef! qu’on aurait pu présenter. L’enjeu de pitcher des prix est toujours un peu le même. Il faut arriver à mettre tous ses œufs dans le même panier, choisir une campagne en particulier, l’arroser dans plein de catégories. On s’est posé plein de questions sur quelles campagnes soutenir en particulier. Au final, on s’est dit, on avance, on observe, on a plein de choses à proposer sur les programmes qui vont arriver au courant de l’année. Et je pense qu’on aura des choses très chouettes ! On s’alignera en interne, on fera la démocratie pour décider d’un ou deux gros dispositifs et/ou grosses campagnes à soutenir pour ne pas s’éparpiller, tout simplement.
JUPLC : Et en ce qui concerne les campagnes qui ont déjà été proposées, avez-vous eu le temps de voir celles qui avaient été shortlistées ? Y en a-t-il une qui vous a touché particulièrement ?
Antoine David : À ce stade, il y a déjà beaucoup de choses intéressantes. On a vu les shortlists sortir. J’essaie toujours de trouver des choses qui émergent aussi en dehors de nos pays, d’Amérique latine, d’Asie du Sud-Est ou encore des États-Unis. Nous, les agences, on sait très bien ce qui est proposé par les sublimes agences françaises, que ce soit Marcel, Buzzman, etc. On les connaît, on les vit tout au long de l’année ! Là, on a un peu envie de voir, justement, ce qui se passe aussi à l’étranger et surtout sur ces campagnes durables qui, je trouve, manquent encore trop à l’appel.
JUPDLC : Merci beaucoup pour toutes ces réponses. Un petit mot pour la fin ?
Antoine David : Merci J’ai un pote ! Je suis venu à Cannes, j’ai pu flasher un Invader, c’était super, je ne l’avais pas. Je me suis acheté un maillot de bain et je ne désespère pas de pouvoir faire un plouf avant de partir. Merci beaucoup !
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