Le 5 octobre dernier se tenait la finale du GP Explorer : The Last Race, la troisième édition d’une course de Formule 4 organisée par Squeezie. La course était diffusée sur Twitch et, grande première, également sur France 2. Le lendemain, les chiffres d’audience étaient communiqués au public : un pic de connexion d’1,37 millions de viewers sur la chaîne de Squeezie, et 1,22 million de téléspectateurs devant la chaîne publique. À la lecture de ces chiffres, un constat et une question s’imposent. Le constat est simple : la puissance de frappe de la creator economy n’est plus à démontrer, et rivalise même avec celle de la sacro-sainte télévision. La question, elle, est plus complexe : comment ces chiffres sont-ils calculés, et surtout, sont-ils vraiment comparables ?
En 2025, les annonceurs font face à un paradoxe. D’un côté, ils n’ont jamais eu autant d’options différentes à disposition pour répartir leurs investissements publicitaires. Mais de l’autre, dans un contexte économique délicat, ils font face à une pression inédite pour en prouver la rentabilité. Quand on se penche de plus près sur l’éventail de possibilités qui leur sont offertes, deux médias se détachent du lot, de par leur puissance de frappe : la télévision et l’influence. Dès lors, une question se pose aux annonceurs : comment savoir clairement ce que j’achète, et à combien ? Quel ROI m’est présenté une fois la campagne terminée, et à partir de quels metrics ?
Nous allons donc tenter de répondre à la question au centre de tous les débats : est-il réellement possible de mesurer et de comparer de façon pertinente les investissements en TV et en influence ? Pour cela, nous avons interrogé différents acteurs clés de cet écosystème : Julien Rosanvallon, DGA de Médiamétrie ; Quentin Gressien, CEO de The Metrics Factory ; Ruben Cohen, cofondateur de Follow Agency ; Laëtitia Quentin et Marie-Ange Koné, respectivement Head of Sales et Creative Strategist chez WOO ; Stéphanie Demmerlé, Directrice marketing acquisition et communication de Boursobank ; Laurent Bliaut, DGA de TF1 PUB.
TV vs influence, le choc des titans
Avant de nous plonger dans les metrics de chacun de ces médias, faisons un petit point sur l’état des forces en présence.

La TV : mamie fait de la résistance
Dans un écosystème médiatique ultra-fragmenté où les écrans et les possibilités se sont multipliés de façon exponentielle ces dernières années, la télévision fait mieux que de résister. C’est en tout cas ce qu’avance Laurent Bliaut, Directeur Général Adjoint de TF1 PUB, chiffres à l’appui. « Les 25-49 ans passent 4h40 en moyenne par jour à consommer de la vidéo. 75% de cette consommation de vidéo se fait sur l’écran de télévision. Et dans ces 75%, 88% des contenus consommés sont ceux de la télévision, que ce soit en linéaire (la télévision regardée en direct, N.D.L.R.), ou en streaming. Tout ça pour dire que la télé reste au centre de tout. » Si on creuse un peu, le petit écran est traversé par deux tendances fortes.
Alors que la télévision linéaire continue de s’éroder en audience, la vidéo on-demand est, elle, en progression. « 60% du temps vidéo consommé par les 25-49 ans l’est en on-demand », confirme Laurent Bliaut. Car si les plateformes de SVOD (streaming video on demand) comme Netflix squattent le petit écran, la télévision s’invite à l’inverse sur d’autres écrans que celui du salon, via ses propres plateformes de BVOD (broadcaster video on demand) comme TF1 +. « Sur notre série Montmartre, on a plus d’un million de téléspectateurs en replay. C’est beaucoup ! C’est pour cela que la télé a encore une place vraiment centrale : la consommation de ses contenus se fait désormais sur d’autres écrans. Elle est sur les smart TV, sur les smartphones, dans les applications des opérateurs… elle est partout ! »
L’influence, de tendance à média
Cela tombe bien car, en 2025, l’influence est également partout. « L’influence a pris une place centrale dans l’écosystème médiatique. Ce n’est plus un canal secondaire ou un simple relais de communication. Aujourd’hui, c’est un média à part entière », expose Ruben Cohen, cofondateur de l’agence d’influence Follow. « Ce qu’on appelait une tendance il y a quelques années est devenu une vraie industrie structurée et professionnalisée, et qui ne se limite plus au digital. » On ne va pas vous reparler de l’impact du GP Explorer, vous avez compris l’idée. Et puisqu’un chiffre vaut mille mots : en 2024, la creator economy représente un chiffre d’affaires de 6,8 milliards de dollars en France, et devrait atteindre 31,2 milliards en 2031. Vertigineux.

Puissance de frappe contre authenticité
Alors, devant ce double constat, comment choisir ? Chaque média présente ses propres avantages et inconvénients pour les annonceurs d’un point de vue publicitaire. La télévision, on l’a vu, reste un mass média incontournable. « La télé garde une puissance de frappe énorme, notamment sur certaines cibles », reconnaît Ruben, avant de tout de suite préciser : « mais elle ne touche pas comme l’influence. L’incarnation, l’authenticité, l’émotion… C’est l’ADN des créateurs. » La proximité, la meilleure arme de l’influence ? « Les utilisateurs ne regardent plus la publicité, ils la vivent à travers des formats incarnés, sincères et contextualisés », appuie Laëtitia Quentin, directrice commerciale de l’agence d’influence WOO. « L’influence vient apporter de la résonance et de la contextualisation. Là où la TV s’adresse à tous, l’influence s’adresse à chacun : elle crée de la proximité, de la conversation et de la confiance. »
L’influence permettrait-elle aux annonceurs de mieux créer un dialogue avec leur cible ? C’est ce que pense Stéphanie Demmerlé, directrice marketing acquisition et communication de BoursoBank, qui a récemment multiplié les opérations avec des créateurs. « L’influence offre un format conversationnel intéressant pour valoriser notre gamme de produits et de services et pour préciser à qui chaque produit s’adresse. Et puis cela ouvre de nouvelles opportunités de communication dans la forme et dans le fond. »
« Ce n’est plus TV ou influence. C’est TV et influence. »
Et si la solution idéale pour un annonceur était de mixer les deux approches, afin de profiter de la force de frappe de la TV et de la proximité de l’influence ? « Ce n’est plus TV ou influence. C’est TV et influence. L’un enrichit l’autre », pose Ruben Cohen. « On observe d’ailleurs une vraie convergence », complète Laetitia Quentin. « Certaines marques utilisent aujourd’hui l’influence en teaser ou en prolongement de leurs campagnes TV, pour renforcer la mémorisation et ancrer leur message dans la vie réelle. »
Mais au-delà des notions de message, c’est surtout la question de la cible qui joue un grand rôle dans le choix du média, comme le rappelle Stéphanie Demmerlé. « Nous arbitrons entre la TV et l’influence selon nos priorités de cible : la TV vise principalement le reach auprès des 35 ans et plus, tandis que l’influence permet d’engager et de faire de la pédagogie pour les plus jeunes. Nous considérons ces deux médias comme complémentaires, chacun permettant de toucher efficacement des cibles différentes selon nos objectifs. » Et cela nous emmène directement au cœur de notre dossier : comment mesurer si ces cibles en questions ont bien été touchées par la campagne ?

À chacun ses metrics
Pour savoir si une campagne est réussie, qu’elle soit déployée en télévision ou en influence, il faut se baser sur les metrics, ou métriques en Français. Ces dernières permettent de mesurer l’efficacité d’une campagne en s’appuyant sur divers indicateurs. Problème : ce ne sont pas du tout les mêmes, selon qu’on soit en TV ou en influence.
Le Mediamat, la mesure reine de la TV
Vous avez forcément déjà entendu un jour dans votre vie une phrase de ce genre : « le film diffusé hier soir en prime time sur TF1 a réuni 9,7 millions de téléspectateurs… » Ce que vous ne saviez peut-être pas en revanche, c’est que ces chiffres sont calculés/extrapolés à partir d’un panel réalisé par Médiamétrie. Créée en 1985, Médiamétrie est spécialisée dans la mesure d’audience sur plusieurs supports : la télévision, la radio, les sites et les applications internet. En ce qui concerne la télévision, Médiamétrie propose une mesure de référence : le Médiamat. Si pendant longtemps le Médiamat restituait uniquement les audiences de la télévision linéaire, les choses ont bien changé. « La mesure a beaucoup évolué au cours de ces dernières années », confirme Julien Rosanvallon, Directeur Général Adjoint de Médiamétrie. « Elle promet aujourd’hui de prendre en compte tous les usages TV : tous lieux, tous écrans et tous modes de consommation (live, différé, replay ou preview). »
Pour cela, le Médiamat se base sur deux panels : un échantillon représentatif de la population de plus de 12 000 personnes (5 500 foyers) dont les usages sont mesurés à domicile via un audimètre branché aux téléviseurs du foyer, et un autre de plus de 5500 individus dont les usages hors domicile et sur les écrans internet sont mesurés via un bracelet connecté. Une plateforme technique traite ensuite les datas des panels et les restitue tous les matins à 9h. Le tout est encadré par des conventions, qui définissent « les règles du jeu communes » entre les utilisateurs de la mesure, le choix des indicateurs à produire, les règles de communication… Pour garantir un maximum de transparence et d’équité, ces règles du jeu sont définies et votées dans des Comités qui réunissent les différents acteurs de l’écosystème : agences, annonceurs et médias.
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Le Médiamat est donc très précieux, puisqu’il permet aux chaînes de mesurer et, surtout, de valoriser leur audience. Grâce à lui, les chaînes peuvent savoir qui regarde quoi, et quand. « L’audience c’est la mesure de la consommation d’un média. Ces données sont utilisées pour comprendre comment le public consomme des contenus », expose Julien Rosanvallon. Mais leur rôle premier est ailleurs. « Elles sont aussi utilisées comme une véritable monnaie d’échange publicitaire. Mais si nous mesurons la quantité, soit le nombre de personnes exposées à une publicité, Médiamétrie n’est pas responsable de la détermination de la valeur associée à chaque publicité. » Une tâche qui revient à chaque chaîne, en fonction de l’offre et de la demande.
Le GRP est mort, vive le CPM
Cette mesure de l’audience permet de calculer la métrique reine dans le monde de la télévision : le GRP (Gross Rating Point). Son principe est simple : mesurer la pression d’une campagne publicitaire sur une cible socio-démographique définie en amont. Pour l’obtenir, on multiplie le taux de couverture de la campagne par son taux de répétition. Par exemple, si la publicité est diffusée 5 fois à une heure où 50% de la cible regarde la télévision, on atteint un GRP de 250. « Le GRP, c’est un indicateur de synthèse très utile », avance Laurent Bliaut. « Au-delà de la pression, c’est un indicateur qui permet de se situer par rapport à la concurrence et de déterminer la base de distribution de contacts souhaités. En revanche, est-ce que ça restera la monnaie de trading à l’avenir ? Moi, je ne crois pas. Je crois que d’ici 3 ans, à mon avis, on ira au coût pour mille. »
Et la raison à cela est plutôt simple : les données socio-démographiques, base historique du GRP, expliquent de moins en moins les comportements d’achats. À titre d’exemple, un sondage Kantar a ainsi montré que 58% des acheteurs de yaourts pour enfants… n’ont pas d’enfant. Difficile dans ces conditions pour les annonceurs d’établir une cible en amont, et donc de calculer ensuite le GRP. Le coût pour mille (CPM : le prix que l’annonceur paie pour que son annonce soit vue 1000 fois), déjà utilisé majoritairement en digital, devient alors un indicateur pertinent… À condition de le calculer « proprement », comme l’explique Laurent Bliaut.
« À partir du moment où il n’y a plus de doutes sur la granularité d’un indicateur, que les critères qualitatifs sont définis en amont, il n’y a plus aucun problème à utiliser le CPM en télévision. Et je pense même que cela peut devenir un dénominateur commun. » Une approche déjà tentée il y a quelques années, et rejetée alors en bloc par les agences média, qui craignait de perdre le taux de couverture sur cible et la répétition, deux notions essentielles pour calculer un plan média, et absentes par nature du CPM. Tout reste à faire, donc.

L’impression, un indicateur insuffisant
Du côté de l’influence et du digital, il existe également une metric reine : l’impression. Mais là aussi, son statut est remis en cause. « À elle seule, cette métrique ne permet pas de répondre à la question : est-ce que ma campagne a marché ? », confirme Quentin Gressien, CEO de The Metrics Factory, une société spécialisée dans l’analyse des réseaux sociaux. « C’est toutefois un indispensable qui est souvent le principal dénominateur commun entre toutes les plateformes et tous les contenus, que ce soit ceux de la marque ou de l’influenceur. »
Pour aller plus loin, le digital offre pléthore d’autres indicateurs. « Les impressions et les vues, c’est une base. Mais ce n’est pas suffisant. Ce qui compte aujourd’hui, c’est le taux de rétention, les interactions, les conversions, le drive-to-store, les conversations générées », liste Ruben Cohen. Pour résumer : l’impression permet de savoir si la campagne a été vue, pas si elle a marqué les esprits. Et en influence et plus largement en social media, une bonne campagne est celle qui crée des conversations. « On regarde si la campagne fait parler. Aujourd’hui, la vraie valeur, c’est la qualité de l’attention. On est passé d’un modèle de volume à un modèle d’impact. Le contenu qui « fait bien les choses » n’est pas celui qui fait le plus de vues, c’est celui qui suscite une émotion, une action ou une fidélité. Et c’est là que le ROI évolue : on ne mesure plus seulement ce qu’on voit, on mesure ce que ça change. »
La force de l’influence réside aussi ici : grâce à sa multitude de metrics disponible, on peut choisir celui qui convient le mieux selon l’objectif de la campagne et le ROI attendu par l’annonceur. « Le choix des metrics va dépendre de l’objectif de la campagne : notoriété, considération ou conversion », confirme Quentin Gressien. « Au global, on va avoir un mix entre des metrics digitales : vues, impressions, engagements, clics, etc, et une mesure d’impact sur la mémorisation, la préférence de marque ou encore l’intention d’achat. » Le rôle des agences d’influence est alors de définir avec l’annonceur les différents indicateurs de mesure en amont de chaque campagne, en accord avec les objectifs de ce dernier : visibilité, engagement, ou performance business.
« L’EMV […] permet de traduire la performance de l’influence dans un langage média universel. »
« Nous travaillons sur différents niveaux de mesure », expose Marie-Ange Koné, Creative Strategist chez WOO. « Premièrement, les indicateurs de visibilité, qui évaluent la portée et la puissance de diffusion du message : reach, impressions, vues, taux de complétion vidéo. Deuxièmement, les indicateurs d’engagement, qui mesurent la qualité de l’interaction entre le créateur et sa communauté : likes, commentaires, partage, etc. Troisièmement, les indicateurs de performance, qui relient directement la campagne à des résultats business mesurables : les clics, les visites du site ou du magasin, les ajouts au panier, les utilisations de code promo. »
Ces différentes mesures peuvent être complétées par une quatrième mesure précieuse car universelle : l’EMV (pour Earned Media Value), qui évalue la valeur médiatique générée par une campagne d’influence, en estimant ce qu’un équivalent en publicité payante (TV, digital, presse…) aurait représenté. « L’EMV, apporte une lecture complémentaire dans un contexte où l’on compare de plus en plus les logiques de mesure entre TV et influence. Il permet ainsi de traduire la performance de l’influence dans un langage média universel, et de la positionner non plus comme un levier « alternatif », mais comme un véritable média à part entière dans le mix global. »
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L’influence, un moteur de performance ?
L’époque de l’influence à base de codes promo est donc belle et bien révolue. Désormais, l’influence est vue comme un véritable levier business, stratégique et durable. « Historiquement, l’influence a surtout été perçue comme un levier de visibilité, de notoriété et de désirabilité, bref, un levier du haut du funnel », confirme Marie-Ange Koné. « Mais aujourd’hui, nous sommes convaincus que son pouvoir va bien au-delà. L’influence ne se limite plus à faire connaître : elle devient un moteur de performance. »
Une vision qui commence à être entendue du côté des annonceurs. « Les mentalités ont beaucoup évolué. Il y a moins de sceptiques… Mais encore beaucoup de pédagogie à faire », tempère Ruben Cohen. « L’influence, ce n’est pas magique. Ce n’est pas du buzz pour du buzz. C’est une vraie stratégie qui demande du temps, de l’expertise, et une parfaite maîtrise des codes. Notre rôle, c’est justement de remettre de la clarté dans tout ça, et de montrer que bien pensée, l’influence peut être plus puissante que n’importe quelle campagne TV. »
Outre ce problème d’approche, celui de la mesure du ROI reste également un frein. « Il y a une problématique grandissante sur l’évaluation des campagnes d’influence et la mesure du ROI. Toutes les marques font de l’influence, avec des budgets de plus en plus importants. Mais peu arrivent à avoir une vision précise du retour sur investissement pour 1€ dépensé, ou de l’impact sur la marque », reconnaît Quentin Gressien. « C’est précisément là que notre rôle prend tout son sens : recréer de la confiance à travers une approche méthodique, des outils de mesure fiables, et surtout une lecture plus stratégique du social media », conclut Marie-Ange Koné.
ROI en TV : considération et pénétration
Du côté de la télévision, le ROI est également une source d’interrogation pour les annonceurs. « Il y a un discours qui est revenu à la mode dernièrement, c’est celui de dire que la télévision est juste utile pour le haut de funnel », analyse un Laurent Bliaut peu convaincu par l’argument. « Car le funnel c’est un entonnoir : si tu ne mets rien en haut, il ne ressort rien en bas. Mais les annonceurs peuvent effectivement se demander si ce qu’ils gagnent en notoriété ou en considération se répercute sur leurs ventes. »
Une question légitime à laquelle TF1 apporte une réponse solide. « On va bientôt publier une étude World Panel by Numerator, construite à partir de milliers d’observations issues de 8 ans de données, 5 catégories de grande consommation et 60 marques étudiées sur le secteur grande conso, afin de montrer le lien entre le branding et les achats réels. Et cette étude montre que pour un point de considération gagné, tu gagnes 0,35 points de pénétration. »
Toujours pour répondre à ces doutes potentiels émanant des annonceurs, TF1 a également commandé en septembre dernier une étude au cabinet Ekimetrics, afin de démontrer l’impact de la télévision dans le mix média des annonceurs. Conclusion de cette étude : la télévision générerait un retour sur investissement (ROI) moyen de 5,9€ pour chaque euro dépensé. TF1 présenterait même un ROI supérieur à cette moyenne, avec la somme de 6,3€, et même 6,6€ pour le prime time. Laurent Bliaut précise : « Au-delà de cette étude qui donne une idée globale du ROI, on ne promet jamais directement de ROI aux annonceurs car cela dépend de beaucoup de facteurs. En revanche, nous pouvons mener des campagnes d’A/B test ou des études ad hoc pour mesurer un impact concret sur les ventes. »
Début octobre, TF1 a ainsi dévoilé les résultats d’une étude comparant l’impact sur les ventes de campagnes publicitaires vidéo diffusées en streaming BVOD/SVOD (comme TF1 +) et en social media, menée pour le compte d’une marque prestigieuse (mais anonyme) du secteur du luxe. Résultat : une augmentation significative des ventes égale à +4,8% en streaming, contre +1,9% pour l’activation sur les réseaux sociaux.
« Le vieillissement de l’audience est un sujet »
Cette étude est évidemment tout sauf innocente, et s’inscrit dans un contexte où les chaînes historiques comme TF1 misent beaucoup sur leur propre service de VOD. Il y a une double raison à cela : rajeunir son audience, dont la portion la plus jeune se détourne de la TV linéaire, et permettre aux annonceurs de compléter leur couverture. « Le vieillissement de l’audience est un sujet », confirme Laurent Bliaut. « Mais comme les annonceurs achètent sur cible, ils sont gagnants. Par exemple, s’ils achètent des 25-49 ans, ça veut dire que tous ceux qui sont au-delà de 50 ans et qui seront aussi touchés par la campagne, sont donc gratuits. Et ils sont nombreux à contribuer aux achats dans cette tranche d’âge, puisque l’âge moyen du principal responsable des achats en grande conso, c’est à peu près 53 ans. Sur TF1 +, la structure est en moyenne de 10 ans plus jeune. »
Outre rajeunir sa cible, les annonceurs s’inquiètent également de la montée des coûts des campagnes télé qui a eu lieu depuis la fin du COVID. « C’est vrai qu’il y a des clients qui s’interrogent et qui se demandent s’ils ont toujours les moyens de faire une campagne en TV. » Dans ce contexte, des services de VOD comme TF1 + apparaissent alors comme une bonne solution de complément, même s’il ne faut pas les voir uniquement comme cela. « L’idée derrière TF1+, c’est d’en faire un asset à part entière. Ce n’est pas juste un appendice à la télé. »
Et niveau annonceur alors, quel est le ROI attendu selon le média choisi ? « Sur ces deux médias, nous suivons principalement le reach et la puissance, ainsi que, dans la mesure du possible, la contribution de chacun sur la notoriété de la marque », confie Stéphanie Demmerlé. Et pour mesurer cela, l’idéal serait d’avoir un système de metrics unique entre les deux. « C’est évidemment un objectif pour nous en tant qu’annonceur. Notamment pour améliorer le suivi et le pilotage des investissements, et donc optimiser les dispositifs et donc, à la fin, optimiser leur coût d’acquisition. » Une métrique commune entre l’influence et la TV, qui permettrait aux annonceurs de comparer de façon claire leurs investissements sur chacun de ces médias et d’arbitrer les budgets : rêve utopique, ou réalité bientôt tangible ?

Vers des metrics communes ?
Si cette metric reine n’existe pas encore, des pistes sont déjà explorées à l’heure actuelle. « On voit déjà des annonceurs comparer l’influence à la TV via du MMM (modélisation mix-marketing, N.D.L.R.) ou des post-tests. La difficulté, c’est que ces solutions, notamment le MMM, ont été développées pour la TV et en fonction de ses spécificités. Concernant l’influence, il y a tellement de cas d’activations différents que sa mesure en est complexe », analyse Quentin Gressien.
« Les méthodologies, les temporalités de mesure et les logiques d’attribution entre les deux médias restent encore très différentes : la TV travaille sur des panels et de la couverture déclarative, quand le digital repose sur des données comportementales et une lecture en temps réel », confirme Laetitia Quentin, qui voit quand même une solution possible exister : le Cost per Unique Reach. « Ce serait un indicateur transversal qui mesure le coût d’exposition par individu réellement touché, sans double comptage entre canaux. C’est une métrique qui parle autant aux logiques de puissance média qu’aux logiques d’efficacité digitale. Elle permettrait de réconcilier la couverture TV et la couverture digitale, et d’avoir une vision plus juste du coût réel d’attention par contact utile. »
Le Comité Cross Vidéo, une première mondiale
Du côté de Médiamétrie, l’évolution du paysage médiatique et ses enjeux inhérents sont évidemment suivis de près. Après plus de deux ans de travail, Médiamétrie a lancé cette année un nouveau comité, au nom évocateur : le « Comité Cross Vidéo ». « Ce nouveau comité réunit broadcasters, plateformes, agences et annonceurs. C’est une première et peu de pays ont une telle instance », se félicite Julien Rosanvallon. « À côté des broadcasters déjà présents dans nos Comités TV, une grande partie des plateformes clés nous ont rejoint. Citons la présence de YouTube, Netflix, Disney+, Prime Video, Paramount. Des discussions se poursuivent pour en accueillir d’autres. »
Une première mondiale prometteuse qui ouvre la porte au déploiement d’un système de metrics qui permettrait de comparer la consommation de la vidéo en digital et en télévision d’une façon transparente et équitable. « Le dernier Comité Cross Vidéo a retenu un système multi-métriques intégrant aussi bien les impressions services, les impressions visibles (norme MRC) et des impressions soumises à des seuils par quartile de complétion. Ce vote a été le résultat de nombreux travaux de modélisation de l’impact de ces indicateurs, de nos équipes, de réunions d’explication et de discussions avec tous les acteurs du marché. »
D’ici la fin de l’année, Médiamétrie va ainsi intégrer les données de Netflix pour compléter celles issues de la TV linéaire et de la CTV. Prime Video et Disney+ devraient suivre. Et pour aller encore plus loin et élargir le périmètre de la mesure, Médiamétrie a noué un accord avec Audience Project. « En combinant d’une part les actifs technologiques d’Audience Project, déjà intégrés aux principales plateformes du marché, avec les données propriétaires et l’expertise méthodologique de Médiamétrie d’autre part. Ce partenariat viendra rapidement élargir le périmètre de la mesure cross-média et en assurera l’évolutivité lorsque de nouveaux acteurs voudront y intégrer leurs propres données. »
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Et demain ?
Côté annonceur, on en est en tout cas convaincu : l’avenir appartient au crossmedia. « Dans les 5 à 10 prochaines années, l’écosystème médiatique sera probablement marqué par une digitalisation généralisée des espaces de communication et une fragmentation globale de l’audience. Dans ce contexte, la mise en place d’outils crossmedia permettrait de suivre et idéalement de piloter les investissements publicitaires en temps réel », espère Stéphanie Demmerlé. S’il y a un point sur lequel tous les acteurs s’accordent, c’est bien celui-ci : l’avenir de la publicité est en digital, qu’on parle d’influence ou de télévision. Chez TF1 PUB, la stratégie est claire. « Continuer à trouver de la croissance par la combinaison de nos chaînes linéaires, qui vont diminuer encore un peu en audience (mais qui restent massives) et la progression du streaming avec TF1+. Notre sujet, c’est de faire de TF1+ une alternative premium à YouTube pour tous les annonceurs. »
« L’IA offre de nouveaux outils pour accélérer cette transition »
Entre CTV, BVOD et SVOD, les frontières entre digital et télévision se brouillent pour les annonceurs. Ces derniers vont donc devoir jongler entre les différents médias pour continuer de toucher leurs audiences. « Cette hybridation des usages, renforcée par l’arrivée de nouvelles plateformes sociales vidéo et de formats immersifs, fait du paysage média un univers à la fois plus éclaté et plus connecté », analyse Laetitia Quentin. « L’enjeu pour les marques sera de maintenir la cohérence de leurs messages tout en adaptant les narrations et les formats à chaque contexte de consommation. »
Et pour continuer de suivre et surtout de mesurer toutes ces évolutions côté metrics, l’IA pourra se révéler être un allié incontournable. « Ce qui me semble essentiel de retenir, c’est que les systèmes de mesure ont évolué et vont continuer à évoluer. Notamment vers des dispositifs hybrides dopés par l’IA avec des panels neutres et des datas propriétaires. Pendant longtemps on a opposé les deux, mais il apparaît aujourd’hui clairement que le futur est aux systèmes hybrides. Et l’IA offre aujourd’hui de nouveaux outils pour accélérer cette transition », conclut Julien Rosanvallon.
Si aujourd’hui il est encore délicat de mesurer et surtout de comparer de façon équitable les investissements en TV et en influence, il sera donc peut-être possible de le faire dans un avenir proche… Si ces deux médias n’ont pas fusionné, d’une manière ou d’une autre, d’ici là. To be continued!

