Les règles de la publicité sont en train de changer. Peu à peu, les publicitaires sont amenés à allier créativité et responsabilité pour accompagner les changements sociétaux que nous connaissons aujourd’hui. En effet, face à la crise environnementale et sociale que nous traversons, les publicitaires doivent redoubler de créativité pour rendre la publicité « responsable ». Le discours publicitaire laisse peu à peu place à l’action publicitaire. En ce sens, les agences participent à une prise de conscience commune et deviennent elles-mêmes actrices du changement.
Aujourd’hui, les marques qui ne s’engagent pas sont-elles encore audibles ? N’existe-t-il pas un risque que la publicité responsable ne serve que de vitrine pour les marques, qui, in fine, ne changeront pas leurs comportements ? N’existe-t-il pas un risque que la publicité responsable ne serve que de vitrine pour les marques, qui, in fine, ne changeront pas leurs comportements ?
Pour répondre à ces questions, nous recevons aujourd’hui Philippe Pioli-Lesesvre, Hadi Hassan-Helou, et Fabien Gailleul, directeurs de création chez The Good Company !
Entrevue avec Philippe Pioli-Lesesvre, Hadi Hassan-Helou, et Fabien Gailleul, directeurs de création chez The Good Company !
JUPDLC : La crise environnementale et sociale que nous connaissons aujourd’hui marque-t-elle une nouvelle étape dans l’histoire de la publicité ?
Philippe Pioli-Lesesvre : Les tensions sociales ne datent pas d’aujourd’hui, mais l’écart et l’apparition de tensions vives plus récemment sont en effet un changement qu’il est impossible (interdit) d’ignorer. La crise environnementale est une nouvelle étape pour absolument tout le monde. Étant bien souvent le reflet des peurs et des espoirs profonds, l’imagerie publicitaire est sans aucun doute concernée.
Hadi Hassan-Helou : Aucun secteur d’activité ne peut ignorer ces crises. Mais au moins il y a une bonne nouvelle. C’est l’occasion pour nous, publicitaires, de donner – enfin – du sens à ce que l’on fait !
JUPDLC : Les marques qui ne s’engagent pas sont-elles encore audibles ?
Philippe Pioli-Lesesvre : Ne soyons pas dans l’absolu. Oui, une marque qui ne s’engage pas peut encore se faire entendre, et elles sont encore nombreuses dans ce cas. Nous sommes toujours à une époque où la répétition fonctionne (peut-être fonctionnera-t-elle toujours). Mais nous sommes surtout à une époque où grandit avec une nouvelle génération, un besoin de sens ! Si ces marques veulent l’ignorer, elles pourraient effectivement le regretter un jour ou finir par parler dans le vide.
Hadi Hassan-Helou : Paradoxalement, aujourd’hui, pour être audible, les marques ne doivent pas parler. Elles doivent agir. Les actes ont remplacé les mots. Prenons l’exemple de REI COOP qui a payé ses employés pour ne pas ouvrir le jour du Black Friday:
JUPDLC : Par leur pouvoir créatif, les marques ont une grande responsabilité dans les enjeux sociétaux d’aujourd’hui, dans quelles mesures la publicité peut les aider à contribuer à ce changement ?
Hadi Hassan-Helou : Leur faire prendre conscience qu’elles ont le pouvoir d’agir. Ce « pouvoir créatif » doit, à mon sens, être au service de l’action. Aujourd’hui les gens aiment les marques pour ce qu’elles sont mais pour ce qu’elles font. Par exemple, si une banque s’engage pour lutter contre la pollution des fleuves, même si ce n’est pas son corps de métier, elle crée chez beaucoup de personnes, une préférence de marque :
Philippe Pioli-Lesesvre : Nous parlerions plus précisément du pouvoir du récit. Le récit a ceci de particulier qu’il est performatif. Il ne fait pas que raconter le monde, il l’invente, ce qu’il énonce il le provoque. Par la représentation qu’il donne des gens, du rôle des femmes, des minorités. De notre rapport à la nature, aux rapports sociaux. Toutes les histoires que racontent les marques sont autant de visions du monde.
JUPDLC : N’existe-t-il pas un risque que la publicité responsable ne serve que de vitrine pour les marques, qui, in fine, ne changeront pas leurs comportements ?
Philippe Pioli-Lesesvre : Le fait de dire quelque chose, c’est déjà une action en soi. Mais bien évidemment, si ces paroles ne sont pas précédées d’actions concrètes, elles risquent de servir de simple laisser passer pour des stratégies d’entreprise novices. Il faut d’abord faire avant de faire savoir. Notre rôle, en tant qu’agence responsable et créative devrait être de raconter au mieux ce que ces entreprises font déjà de bien.
Fabien Gailleul : Le risque existe. C’est pour cela, qu’au-delà des campagnes que l’on peut imaginer pour des marques, une agence créative et responsable doit les aider à construire des preuves tangibles de leur engagement.
JUPDLC : On parle souvent de la responsabilité des marques, mais le public est-il prêt à entamer cette transition ? Les créatifs sont-ils formés à cette nouvelle donne communicante ?
Hadi Hassan-Helou : Le public est plus que jamais prêt à entamer cette transition. Par conséquent, les créatifs doivent l’être aussi. Ce n’est plus une option.
Philippe Pioli-Lesesvre : Le public précède les marques sur ces sujets ! Et tant mieux, c’est toute l’idée de transformer l’acte en consommation en acte citoyen. Choisir une marque c’est aussi choisir les valeurs qu’elle porte. Dans ce contexte, le boulot essentiel des créatifs est d’éviter la lassitude, la redondance, bref, d’ennuyer les gens avec un message qui est pourtant essentiel.
JUPDLC : Est-ce que les publicités « responsables » sauront continuer à faire rêver le public ? En ce sens, n’y a-t-il pas là un défi créatif pour la publicité ?
Philippe Pioli-Lesesvre : Je pense que la réponse est dans la question. Oui, tout l’enjeu est là. Continuer à embarquer une audience qui est de plus en plus exposée à ces messages. Ce point est essentiel pour nous à l’agence, si on est mièvres ou lénifiants, on rate l’objectif essentiel : convaincre.
Hadi Hassan-Helou : Aujourd’hui le mot « justesse » s’est substitué au mot « rêve ». Une campagne créative doit être avant tout être dans la justesse, soulever un vrai insight ou répondre à un vrai besoin. Aujourd’hui, vu le contexte, dire une « vérité » simple fait déjà rêver.
JUPDLC : Considérez-vous la publicité responsable comme un épiphénomène ou au contraire comme une révolution qui perdurera dans le temps ?
Fabien Gailleul : La publicité responsable correspond à une attente profonde du public, elle-même liée à un problème de taille qui ne se réglera pas en quelques années. Donc oui, on peut se parler de révolution et de l’avènement d’une nouvelle ère.
Hadi Hassan-Helou : Le réchauffement climatique n’est pas un épiphénomène, par conséquent la publicité responsable ne doit pas l’être non plus.
JUPDLC : Cette responsabilité change-t-elle les méthodes de la création publicitaire ? « BUSINESS FOR GOOD IS GOOD FOR BUSINESS », pouvez-vous nous dire quelques mots sur ce slogan qui fait la force de The Good Company ?
Hadi Hassan-Helou : Chez The Good, nous sommes convaincus que l’on peut allier sens et profit. Les marques sont des entreprises comme les autres. Et le meilleur moyen aujourd’hui pour une entreprise de faire grandir sa rentabilité est de faire grandir ses salariés en privilégiant une organisation horizontale, avec le moins de hiérarchie possible, pour que ces derniers puissent exprimer leurs talents de façon libérée.
Philippe Pioli-Lesesvre : Certainement. Par exemple. On ne peut pas porter des discours sur l’impact des gaz à effet de serre et tourner nos films à l’autre bout du monde. Notre slogan, de son côté, est un rappel bien utile à nos chers clients, que la responsabilité n’est pas un sacrifice économique. C’est prendre aujourd’hui le bon virage, c’est faire les choix qui assureront l’avenir de leur entreprise. À moyen et long terme, les choix responsables sont les plus rentables.
JUPDLC : La responsabilité comme on l’entend aujourd’hui au sens d’engagement, ne devrait-elle pas être l’apanage de toutes les agences ? Est-il encore trop tôt ?
Philippe Pioli-Lesesvre : Bien sûr ! Nous n’avons pas la prétention d’être les seuls à faire du good. Ça serait l’aveu d’un échec. Nous nous battrons toujours pour être à la pointe sur ces sujets, et le rendre attractif. Mais nous avons toujours dit que notre rêve c’est que toutes les compagnies du monde soient des « good companies » !
Hadi Hassan-Helou : Pour être responsable, il n’est jamais trop tôt. Et bien sûr que cela devrait être l’apanage de toutes les agences. En tant que communicant, c’est notre responsabilité.
JUPDLC : Pouvez-vous nous citer quelques créations responsables réalisées par The Good Company ?
Fabien Gailleul : Pêle-mêle : Une représentation juste et inclusive des Français avec CNP Assurances. Des mots savoureux pour La Ruche qui dit oui. Un chouette détournement pour Dans ma Rue (sans l’accord de Brad Pitt, mais on est sûrs qu’il aurait dit oui). Très récemment, un jeu en ligne très cinématographique pour Sidaction !
Hadi Hassan-Helou & Philippe Pioli-Lesesvre : Les mêmes que Fabien !
Pour en savoir davantage sur The Good Company, rendez-vous sur sa page agence dédiée !