Quel avenir pour le storytelling ?

En collaboration avec MNSTR
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Le storytelling est tout un art : celui de raconter des histoires d’abord, mais également de séduire une ou plusieurs communautés. Les marques s’en servent pour promouvoir leur offre, qu’il s’agisse de produits ou de services. Mais attention tout de même, le storytelling ne s’improvise pas ! Pour atteindre sa cible à tous les coups, et emporter quiconque dans sa narration, il est nécessaire d’en fixer les objectifs et les enjeux.

Et ces enjeux sont, au fur et à mesure des évolutions, différents. Ils se transforment au gré des nouveaux comportements et habitudes de consommation, ainsi que des nouvelles technologies. Dans ce contexte, on peut se demander à quoi ressemblera le storytelling de demain. Tandis que des communautés de toutes tailles se forment autour des marques, quel sera l’avenir du storytelling ? Afin de répondre à ces questions, nous avons rencontré Guillaume Carrère et Louis Bonichon.

 

Entretien avec Guillaume Carrère, Directeur du planning stratégique chez MNSTR et Louis Bonichon, Co-fondateur et Directeur de Création chez MNSTR

JUPDLC : En parlant du storytelling de demain, vous avez organisé l’évènement mnstr3030, qui traitait de la question. Pouvez-vous nous en parler brièvement ? Quelle a été la genèse du projet ?

Guillaume Carrère : mnstr3030, c’est notre entité dédiée à la prospective et à l’innovation à l’agence. Il s’agit d’un croisement de planning et de créa qu’on a décidé de monter avec Louis il y a 3 ans pour accompagner les marques qui souhaitent résonner dans leur époque grâce à la créativité et l’innovation.

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Crédit photo : MNSTR

Assez naturellement, mnstr3030 a pris la forme d’un événement durant lequel on aborde des thèmes qui nous interrogent et qui dessinent les contours de notre métier dans le futur. Après une première édition online, nous souhaitions, pour cette seconde édition, réellement nous rencontrer. Nous avons choisi la Caserne, au cœur de Paris, pour nous retrouver autour d’une série de talks, de tables rondes et d’expositions sur les futurs possibles du brand storytelling.

Louis Bonichon : Nous nous sommes appelés « monstre » pour refléter l’idée d’une agence créée pour épouser toutes les formes de narrations possibles (le livre, le meme, l’immersif, la VR, la RA, le podcast, le gaming…). Depuis notre création, nous consacrons une partie de notre temps à explorer la façon dont les technologies impactent la culture et la manière dont on raconte des histoires.

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Crédit photo : MNSTR

Cela peut prendre la forme de talks que nous partageons, comme lors de l’événement mnstr3030, mais aussi à travers des projets concrets comme le Reaverse de Guerlain, Photomode pour Ubisoft et bientôt de nouveaux projets en rapport avec l’IA. Cette année, nous avons souhaité intégrer une nouvelle thématique, souvent délaissée lorsque l’on parle de prospective, qui est le futur du storytelling RSE.

 

JUPDLC : De nombreuses communautés se forment autour des marques, certaines étant de microcommunautés avec des intérêts très ciblés. Pensez-vous qu’il en sera de même plus tard ? D’un point de vue storytelling, comment s’adapter à ces changements ?

Guillaume Carrère : Nous pouvons observer deux évolutions majeures qui dessinent l’avenir des réseaux sociaux et donc des communautés. D’une part, l’émergence de réseaux sociaux ou d’espaces virtuels véritablement communautaires dans leurs usages, dans leurs fonctionnalités et également dans leur interface. D’autre part, l’avènement de la culture de niche, porté notamment par l’évolution des algorithmes des réseaux sociaux.

Des plateformes comme Discord, Twitch ou encore Reddit, qui réunissent des centaines de milliers de microcommunautés, se sont construites sur deux différences majeures : d’une part, une relation horizontale et directe entre ses membres qui n’est pas sans rappeler le fonctionnement des forums des années 2000 avec des salons, des discussions ou encore des chats live. D’autre part, un sentiment d’appartenance bâti sur un intérêt commun très spécifique. Cela peut être en lien avec un groupe de musique, des mangas, le jeu vidéo, la virtual photography, une marque de streetwear ou toute autre passion.

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Dans ce contexte, le perfectionnement des algorithmes a signé l’avènement de cette culture de niche. Ces dernières années, le succès de Tik Tok s’explique en grande partie par la précision de son algorithme interest-driven qui permet d’avoir un feed – for you – designé spécialement pour vous. Ses principaux concurrents, Meta en tête ; ont d’ailleurs rapidement copié cette approche qui fait la part belle aux passions et permet de faire émerger les cultures de niche et le développement des microcommunautés.

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Crédit photo : freepik

 

JUPDLC : Si l’on parle spécifiquement des communautés, quels sont les enjeux à venir pour le brand storytelling ?

Guillaume Carrère : Ça fait des années qu’on parle de communautés dans nos métiers : pour les marques, dans l’analyse des audiences, sur les plateformes sociales, dans les tendances culturelles… Il s’agit de construire sa communauté de marque, de la faire croître ou encore de l’engager. Mais est-ce que les marques construisent vraiment des communautés ? Les efforts et investissements opérés par les marques depuis des années permettent-ils de renforcer un sentiment d’appartenance, de créer de l’horizontalité ou de favoriser la réunion ? Dans la plupart des cas, non.

L’enjeu est alors double pour les marques, entre d’un côté la ou les communautés dont elle est à l’initiative, et de l’autre, celles auxquelles elle souhaite se connecter. Le premier enjeu, c’est de casser les dynamiques relationnelles descendantes avec ses consommateurs pour favoriser des mécaniques communautaires, c’est-à-dire les seules qui puissent être capables de nourrir ce sentiment d’appartenance.

Cela peut se faire en créant des espaces de réunion réels lors d’événements, ou bien virtuels sur des plateformes sociales comme Discord. Par exemple, la Karmine Corp, équipe d’e-sport fondée par le streamer Kameto, invite et célèbre chaque année l’ensemble de ses ultras lors de son événement annuel Karmine Corp Xperience (12000 personnes réunies à Bercy en 2022).

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Crédit photo : Karmine Corp

Concernant Discord, si la plateforme a massivement été adoptée par les communautés gaming, Web3 ou encore Streetwear depuis sa création, il n’y a encore que peu de marques à s’y aventurer. On peut notamment citer Lacoste, Adidas Originals ou Stock X qui, elles, ont su transformer l’essai et entretiennent désormais un lien direct et en continu avec leurs publics.

Le second enjeu, c’est de réfléchir au rôle que les marques peuvent jouer au sein de toutes les communautés existantes de manière authentique. Cela passe par le fait d’identifier celles qui sont en lien avec sa marque, d’apprendre à les connaître partout où elles se retrouvent, mais aussi de les soutenir, les célébrer, et pourquoi pas leur donner un rôle privilégié au sein de sa marque.

C’est ce que nous avons fait avec la marque Ubisoft et la communauté des in-game photographers, ces joueurs qui photographient les jeux vidéo à l’aide de l’outil Photomode des jeux. Nous avons ainsi pu célébrer leur créativité et les soutenir en créant la toute première exposition internationale d’in-game photography à New York.

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Crédit photo : Ubisoft

 

JUPDLC : Du fait de leur impact, les marques ont un rôle à jouer dans les transitions qui s’opèrent. Comment peuvent-elles parvenir à construire un nouvel imaginaire ?

Louis Bonichon : Quand on parle de la transition écologique, l’on aborde la question de notre avenir commun. Quel sera notre futur s’il n’y a pas de transition ? À cette question, si je schématise, la réponse dominante dans la pop culture, c’est la dystopie. Dans cette projection du futur que l’on voit dans presque toutes les fictions, notre avenir est atroce. Le problème c’est que cet imaginaire de l’échec domine. Au contraire, il faut parvenir à motiver les différentes générations à aller vers le changement !

Dans le monde de la communication et de la pub, la question du futur c’est comme un éléphant dans une pièce. On fait semblant de ne pas voir que tout le monde est inquiet, et cela nous gêne d’en parler. Soit parce qu’on n’a pas les prérogatives pour le faire, soit par peur de donner des leçons, de faire du greenwashing, ou encore d’ennuyer les gens. C’est ce dernier point qu’on se permet de challenger.

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Crédit photo : Ankhesanemun via Unsplash

On pense qu’investir la question du futur pour une marque peut et doit être excitant pour pouvoir embarquer ses audiences. En effet, il y a un imaginaire à opposer à la vision dystopique du futur. Par ailleurs, c’est aux marques de proposer un avenir progressiste. Pour elles, c’est également l’opportunité de montrer à leurs communautés qu’elles vivent dans le même monde et qu’elles partagent leurs craintes et aspirations.

D’autre part, il y a des centaines d’individus et de collectifs inspirants, qui coopèrent, inventent, expérimentent des solutions pour intégrer l’écologie dans nos vies, par exemple les mouvements liés à la régénération. Ce sont des mouvements encore alternatifs, niches, qui manquent de visibilité, et qui ont besoin d’être soutenus. Si une marque n’est pas encore à l’aise pour prendre la parole sur ces questions, elle peut donner la parole à ces collectifs.

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Crédit photo : OCG Saving The Ocean

 

JUPDLC : Sur quels récits les marques peuvent-elles s’appuyer afin de répondre aux différentes inquiétudes rencontrées ?

Louis Bonichon : Pour le moment, on a l’impression que ces récits n’existent pas encore… Du moins pas dans la pop culture. En revanche, on observe des signaux faibles dans les cultures plus alternatives. Par exemple, le courant SolarPunk : il s’agit d’un genre de science-fiction et mouvement artistique dérivé du Cyberpunk, qui refuse la vision dystopique du futur. À la place, ils projettent un monde où l’humanité a réussi à trouver l’équilibre entre son épanouissement personnel et celui de la nature. Dans le SolarPunk, la transition est un succès, le réchauffement climatique a été stoppé, et les énergies fossiles ont disparu. C’est une utopie, mais une posture puissante.

Par exemple, la marque Chobani s’en est inspirée, et nous projette dans un futur rêvé, luxuriant, où la nature cohabite avec la haute technologie et le mouvement lowtech.

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Crédit photo : Chobani

Il y a aussi l’apparition des récits liés à la régénération auquel Wunderman Thompson consacre une étude très inspirante. La régénération consiste à renverser le processus de destruction pour régénérer le vivant. C’est ce genre de récit vers lequel nous nous sommes tournés pour créer le REAVERSE de Guerlain, qui n’est autre qu’une collection de NFT pour œuvrer au réensauvagement d’une réserve naturelle en France.

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Crédit photo : Guerlain

 

JUPDLC : Le storytelling de demain sera-t-il, selon vous, un storytelling de la sobriété ?

Louis Bonichon : Le mot sobriété ne résonne pas encore dans la pop culture, il ne s’agit encore que de langage institutionnel. L’idéal serait qu’on ait un storytelling qui se tourne plus vers le bénéfice que la sobriété engendrerait, c’est-à-dire d’un environnement préservé, respecté, et plus sain qu’à l’heure actuelle.

J’ai entendu la climatologue Valérie Masson-Delmotte dire : « Quand les gens créatifs s’emparent du sujet climatique et le détournent avec les codes de l’humour, c’est un levier d’action très puissant ». Si l’ensemble des marques utilisaient leur force de persuasion et leur énergie créative au service de la transition, il y a de grandes chances que les choses évoluent un peu plus vite.

 

JUPDLC : A l’avenir, pensez-vous que le storytelling puisse être assuré par des IA ? Comment intégrer l’IA dans les futures stratégies des marques ? À votre avis, quel sera son rôle ?

Guillaume Carrère : Dans nos métiers, c’est un fait : l’IA va bousculer la répartition des rôles dans le travail créatif. La question que tout le monde se pose est : est-ce que l’IA va nous remplacer ? En effet, l’IA écrit, code, compose, dessine, apprend plus vite et mieux que nous tous… Et il va falloir s’y faire, on ne va pas édulcorer la réalité ! Certains, notamment dans notre secteur, y voient une opportunité de produire plus, plus vite et à moindres frais.

Pour autant, on refuse de s’enfermer dans cette opposition très binaire « humain VS machine », et l’on souhaite plutôt s’interroger sur les opportunités qui en résultent et l’envisager comme une alliée créative pour les marques. Pour cela, il faut que l’on recalibre nos rôles.

Louis Bonichon : Les travaux d’Etienne Mineur avec ses étudiants en art donnent des pistes de réflexions intéressantes au sujet de la collaboration homme et IA. Il montre que l’IA a surtout la capacité de proposer beaucoup de choses et ce de manière très rapide. Mais c’est encore du ressort de la sensibilité humaine de choisir, cadrer, et créer une narration. Finalement, plus l’IA progresse et plus ce sera à nous d’apprendre à nous différencier en restant le plus humain possible.

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Crédit photo : MNSTR

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