La réalité virtuelle inspire autant qu’elle questionne. Considérée par certaines personnes comme une opportunité technologique sans précédent, elle peut également donner lieu à des scénarios dystopiques dignes d’un épisode de Black Mirror. Cette technologie pourrait-elle, à terme, isoler l’être humain ? Au contraire, s’agit-il d’un outil révolutionnaire créé pour divertir et améliorer le quotidien de chacun ?
Tandis que la technologie se développe, ses utilisations se multiplient. Même si, dans l’imaginaire collectif, la réalité virtuelle n’existe que par le biais d’un casque VR, il existe désormais de nombreuses autres possibilités, et ce dans de nombreux domaines ! Alors que la réalité virtuelle s’étend peu à peu dans le monde du travail, quelle place celle-ci prendra-t-elle dans notre futur ?
Entretien avec Diego Vilela Monteiro, Responsable de la filière Réalité Virtuelle et Systèmes Immersifs de l’ESIEA.
JUPDLC : Tout d’abord, nombreuses sont les personnes qui cantonnent la réalité virtuelle à l’utilisation de casques VR. S’agit-il uniquement de cela ?
Diego Vilela Monteiro : Contrairement à la croyance populaire, l’expérience ne nécessite pas le port d’un casque de réalité virtuelle. Il existe d’autres manières de vivre cette expérience, même si les jeux de réalité virtuelle avec des casques sont l’un des moyens les plus populaires.
Par exemple, vous pouvez utiliser des logiciels ou des programmes pour simuler une expérience de réalité virtuelle sur l’écran de votre ordinateur ou de votre télévision. La technologie de projection ou de mapping vidéo peut également être utilisée pour créer des expériences de réalité virtuelle, donnant l’impression que des scènes ou objets virtuels sont véritablement présents dans le monde réel.
De même, les simulateurs des parcs à thème permettent de faire l’expérience de la réalité virtuelle. Le terme « simulateur » désigne les attractions qui donnent aux visiteurs l’impression d’être dans le monde réel en utilisant des effets visuels, des effets sonores et des mouvements pour reproduire l’environnement. Certains d’entre eux peuvent également intégrer des éléments de RV comme des casques ou des écrans de RV, dans un objectif de rendre l’expérience encore plus réaliste. Il peut s’agir de simulateurs de vol, de conduite ou même de montagnes russes.
En conclusion, la réalité virtuelle fait référence à une expérience dans laquelle une personne est immergée dans un environnement artificiel. La façon la plus courante et la plus efficace de la vivre est le casque, mais il existe également d’autres manières d’en profiter.
JUPDLC : Pouvez-vous nous expliquer la différence entre réalité virtuelle, augmentée et mixte ?
Diego Vilela Monteiro : Il existe plusieurs méthodes pour interagir avec les environnements réels et virtuels, notamment la réalité virtuelle, la réalité augmentée et la réalité mixte. Bien qu’il y ait certains parallèles entre ces termes, il existe également des différences significatives. Grâce à un casque spécial, la technologie de la réalité virtuelle permet aux utilisateurs d’explorer des mondes entièrement inventés. Les utilisateurs s’y sentent immergés.
Grâce à la technologie de la réalité augmentée, des objets ou des données virtuelles peuvent être intégrés à l’environnement physique. Les gens peuvent, par exemple, regarder des images virtuelles sur l’écran de leur téléphone ou leur tablette, tout en maintenant leur regard sur l’environnement réel devant eux.
Quand la réalité virtuelle et la réalité augmentée sont combinées dans une technique, on les nomme « réalité mixte ». Les humains peuvent interagir avec des éléments visuels virtuels qui ont été insérés dans l’environnement réel, comme s’il s’agissait véritablement d’éléments réels. Dans ce cas, on a alors l’impression qu’il y a de véritables objets physiques dans l’environnement virtuel.
Il existe un certain nombre de distinctions entre ces technologies, que les chercheurs tentent actuellement de cerner. Cependant, la réalité virtuelle est généralement plus immersive et n’a aucun lien avec la réalité. En revanche, la réalité mixte et la réalité augmentée se concentrent davantage sur l’augmentation de l’environnement réel. Elle permet aux utilisateurs de s’engager dans des choses virtuelles tout en conservant un lien avec le monde réel, elle est d’ailleurs parfois considérée comme une étape entre la réalité virtuelle et la réalité augmentée.
JUPDLC : Aujourd’hui, quels corps de métiers ont recours à la réalité virtuelle ? À quelles fins utilisent-ils la VR ?
Diego Vilela Monteiro : De nombreux types d’emplois utilisent cette technologie pour différentes raisons. Par exemple, les entreprises peuvent utiliser la réalité virtuelle pour former leurs employés, réaliser des présentations interactives et simuler des situations de travail.
La réalité virtuelle peut également être utilisée pour former des étudiants en médecine, planifier des opérations chirurgicales et réaliser des procédures médicales. De leur côté, les architectes et les concepteurs peuvent l’utiliser pour concevoir des bâtiments et des espaces, et ainsi permettre à leurs clients de voir leurs idées de conception en temps réel. Enfin, celle-ci peut être utilisée dans les secteurs du divertissement et des jeux vidéo pour une expérience plus immersive et interactive.
Je vais vous donner un exemple. Lorsque j’étais plus jeune, j’ai assisté à une foire où la RV était utilisée pour tester l’ergonomie et l’utilité d’un modèle de voiture pour les mécaniciens. Les utilisateurs enfilaient un casque pour découvrir une version virtuelle du véhicule, et en apprendre davantage sur ses pièces et éléments. Ils pouvaient ensuite voir comment les différentes pièces fonctionnaient ensemble. Cela a permis de mettre en lumière les problèmes de conception. Ainsi, les concepteurs et ingénieurs ont pu travailler plus rapidement, et économiser de l’argent sur les coûts d’essai des prototypes physiques.
La technologie de la RV peut également être utilisée pour simuler des espaces qui ne sont pas visibles dans la vie réelle, comme la quatrième dimension. Les scientifiques et les mathématiciens disposent ainsi d’un moyen pratique et interactif pour étudier des idées complexes.
Les enseignants peuvent ainsi utiliser la RV pour créer des modèles interactifs afin d’expliquer des idées mathématiques ou scientifiques qu’il est difficile d’imaginer autrement. Les élèves peuvent alors regarder autour d’eux et jouer avec ces modèles virtuels pour en apprendre davantage. Les scientifiques peuvent également l’utiliser pour simuler des choses trop dangereuses ou impossibles à réaliser dans la vie réelle, comme les voyages dans l’espace ou les expériences en laboratoire. Cela leur permet de tester et d’améliorer les nouvelles technologies de manière beaucoup plus sûre et plus facile !
En conclusion, la réalité virtuelle est utilisée dans un large éventail de domaines comme la formation, la conception, la simulation, la présentation, l’éducation et le divertissement.
JUPDLC : Si vous deviez citer les trois avantages principaux de la réalité virtuelle, quels seraient-ils ? Et trois inconvénients ?
Diego Vilela Monteiro : Pour ce qui est des avantages, je dirais tout d’abord le fait de pouvoir plonger dans des mondes inconnus. La réalité virtuelle permet une immersion dans des mondes incroyables, l’exploration de lieux qui ne pourraient exister autrement… Ce sont des expériences fascinantes qui nous transportent hors de notre quotidien !
Ensuite, il s’agit aussi d’un nouveau moyen d’apprendre : la RV est un outil puissant nous permettant de simuler des scénarios, de tester nos compétences et de découvrir des connaissances dans un environnement sûr et contrôlé. Cette technologie offre une nouvelle voie pour découvrir et comprendre le monde qui nous entoure.
Troisièmement, cette technologie nous offre une toile vierge pour l’expression créative, où nous pouvons expérimenter de nouvelles idées, créer des œuvres d’art et des conceptions innovantes, et nous connecter avec les autres à travers des expériences immersives. Elle nous permet d’explorer de nouveaux horizons dans la création et de donner vie à des mondes qui n’auraient autrement jamais existé.
D’un point de vue inconvénients, il peut s’agir d’un fardeau : avec ses casques encombrants, ses câbles et ses équipements, cela peut être pesant pour ceux qui cherchent une expérience portable et facile à utiliser. Ensuite, il peut s’agir d’une expérience solitaire, sans interaction humaine ni partage social. Les casques peuvent isoler les utilisateurs et les empêcher de se connecter avec les autres, de manière significative.
Enfin, il s’agit d’un luxe coûteux, avec des prix élevés pour les casques, les ordinateurs et autres équipements nécessaires pour alimenter l’expérience. Cela peut la rendre inaccessible pour certains, et limiter son utilisation à ceux qui peuvent se permettre de payer le prix fort.
JUPDLC : Dans une époque où la réalité virtuelle est de plus en plus présente, quid de la sécurité des données des utilisateurs ?
Diego Vilela Monteiro : Je ne suis pas un expert en sécurité des données. Cependant, comme la RV utilise des technologies similaires à celles des tablettes et des téléphones portables, il est probable que les mêmes préoccupations en matière de sécurité s’appliquent. Cela inclut la collecte de données personnelles, le piratage informatique et les risques de perte ou vol de l’équipement.
En ce qui concerne la réalité augmentée, il est vrai que la collecte de données peut être un sujet de préoccupation supplémentaire, car cette technologie permet de capturer des images et des vidéos de l’environnement réel. Cependant, les développeurs de logiciels et les entreprises travaillent pour mettre en place des mesures de sécurité adéquates pour protéger les données des utilisateurs et minimiser les risques de collecte non autorisée de données.
Il est important que les utilisateurs de la réalité virtuelle et de la réalité augmentée soient conscients des risques potentiels en matière de sécurité et prennent des mesures pour sécuriser leurs données personnelles. Cela peut se faire avec l’utilisation de mots de passe forts, l’installation de logiciels antivirus ou encore la protection de l’équipement contre la perte ou le vol.
JUPDLC : Comment voyez-vous la réalité virtuelle dans 10 ans ? Selon vous, quelle place occupera-t-elle dans notre vie quotidienne ?
Diego Vilela Monteiro : Je pense que dans 10 ans, la réalité virtuelle sera de plus en plus courante dans les lycées et les centres de formation, car le matériel deviendra moins cher et plus facile à transporter. La VR pourra également être une échappatoire pour ceux qui ne peuvent pas se permettre des maisons plus grandes ou des vacances plus agréables. Bien sûr, cela ne remplacera pas ces expériences, mais il peut s’agir d’une alternative abordable et pratique.
Cette technologie peut avoir un impact positif sur notre vie quotidienne. Après une chirurgie, j’ai personnellement utilisé la réalité virtuelle afin de me détendre, c’était comme si j’étais dans un environnement confortable. Cela m’a aidé à me sentir plus à l’aise pendant ma convalescence et à réduire le stress. Je pense également que la RV continuera d’être utilisée dans l’architecture, le design, la formation médicale et la thérapie. Cela permettra aux professionnels de travailler plus efficacement et de simuler des scénarios complexes dans un environnement contrôlé.
Dans l’ensemble, je pense que la RV continuera de jouer un rôle important dans notre vie quotidienne, en offrant des possibilités d’apprentissage et d’évasion qui n’étaient pas auparavant accessibles.
JUPDLC : Aujourd’hui, y a-t-il des freins qui empêchent le développement de la réalité virtuelle ?
Diego Vilela Monteiro : Il y a plusieurs facteurs qui freinent son développement. Je pense que la plupart des gens sont favorables à son adoption dans un contexte d’apprentissage. Cependant, ils sont encore préoccupés par le coût car dans de nombreux pays le casque VR le moins cher peut coûter plus que le salaire mensuel moyen. Un autre problème courant est le niveau de confort, car certains utilisateurs peuvent éprouver des nausées ou des maux de tête lorsqu’ils utilisent un casque pendant une période prolongée. C’est l’une des raisons pour lesquelles mes recherches portent sur des moyens d’améliorer le confort des utilisateurs.
Bien sûr, certains des défis liés à la réalité virtuelle sont plus techniques et peuvent rendre plus difficile la livraison des casques VR vus dans les publicités. L’objectif est de fournir la meilleure expérience réaliste avec le moins de pièces possible, et cela nécessite des avancées technologiques importantes : améliorer la résolution de l’écran, augmenter la vitesse de rafraîchissement et réduire la latence, et ce tout en minimisant la taille et le poids de l’équipement.
De plus, la conception de la réalité virtuelle doit prendre en compte les limites physiques de l’utilisateur, telles que la distance entre les yeux et la correction de la vision, pour éviter les maux de tête et les nausées. Malgré ces défis, les progrès continuent à être réalisés dans le domaine, avec des entreprises et des chercheurs travaillant ensemble pour rendre cette technologie plus accessible, plus confortable et plus immersive.
JUPDLC : Dans le monde du travail et des relations qui en découlent, pensez-vous que la réalité virtuelle a un rôle à jouer ? Si oui, lequel ?
Diego Vilela Monteiro : Oui, elle a un rôle à jouer : les travailleurs pourront avoir un espace de travail illimité dans un environnement virtuel, leur permettant d’être plus efficaces et productifs. Pensez à la façon dont les traders de Wall Street sont représentés dans les films, avec des murs de moniteurs d’ordinateur qui leur permettent de surveiller les marchés en temps réel. Avec la RV, ces travailleurs pourraient avoir accès à un espace de travail virtuel similaire, avec un nombre infini de ressources.
Pour les emplois de bureau, il ne sera peut-être pas nécessaire d’avoir les meilleurs casques VR disponibles, mais simplement un casque qui permette de bien lire et de poursuivre ses activités. Cela permettrait également aux employés de travailler à domicile tout en ayant l’impression de travailler dans un environnement de bureau traditionnel.
En outre, la réalité virtuelle pourrait être utilisée pour des emplois qui n’existent pas encore, ou ne sont pas mainstream tels que la conduite de drones ou la manipulation de robots dans des environnements dangereux ou difficiles d’accès. De même, elle pourrait être utilisée pour des emplois sensibles, tels que la formation de chirurgiens avant une intervention.
En outre, avec l’essor de l’intelligence artificielle, de nouvelles professions pourraient être créées grâce à la RV. Par exemple, des modèles d’IA pourraient être utilisés pour générer des mondes virtuels de manière autonome, ou pour aider à la création de contenu pour les jeux vidéo, les films et autres médias. Cela pourrait ouvrir la voie à de nouvelles professions telles que « Prompteur de génération de mondes virtuels », qui aiderait à diriger les modèles d’IA dans la création de mondes virtuels immersifs et réalistes.
Dans l’ensemble, la réalité virtuelle offre un potentiel énorme pour le monde du travail et les relations qui en découlent. Cela permettrait d’améliorer la productivité, de rendre les tâches plus sûres et plus efficaces, et d’offrir des expériences de formation plus immersives pour les travailleurs. C’est une technologie qui, je pense, aura un impact majeur sur l’avenir du travail et des relations professionnelles.
JUPDLC : Pensez-vous que les gens attendent plutôt de la réalité virtuelle un rôle fonctionnel, qui leur soit utile ; ou bien un rôle de divertissement ?
Diego Vilela Monteiro : Personnellement, j’adore la VR pour la VR, je trouve cela très amusant et étonnant. Cependant, je crois que les entreprises vont commencer à les adopter pour des raisons pragmatiques, comme la réduction de la consommation d’énergie. En effet, comparer de nombreux moniteurs à deux lentilles, qui sont virtuellement de la taille d’un téléphone portable, c’est impressionnant. Ou encore pour améliorer l’ergonomie, car les gens ne seront pas attachés à un emplacement, réduisant ainsi les risques de blessures sur le lieu de travail. Ils peuvent également être utilisés pour éviter les distractions pendant les heures de travail et s’assurer que le personnel travaille. Ce qui est quelque peu inquiétant et soulève une nouvelle question éthique.
En résumé, je pense que la réalité virtuelle aura à la fois un rôle de divertissement et un rôle fonctionnel très utile dans de nombreux domaines différents. Et personnellement, j’adore l’idée que nous pourrons bientôt vivre dans un monde à la fois amusant et fonctionnel grâce à la VR.
JUPDLC : L’interaction est l’un des piliers de la réalité virtuelle. Mais à terme, la technologie ne risque-t-elle pas de remplacer les véritables interactions humaines ?
Diego Vilela Monteiro : C’est une question très philosophique et à laquelle il est difficile de répondre, mais je ne pense pas que la réalité virtuelle remplacera les interactions humaines « véritables » plus que les téléphones ne l’ont fait. Nous donnons simplement plus de chances aux gens de se connecter avec d’autres personnes avec lesquelles ils n’auraient pas autrement connecté en plus de dimensions.
Les personnes, par exemple, souffrant d’anxiété sociale, sont mieux en mesure de communiquer (ou du moins de donner des discours) en réalité virtuelle. La VR peut augmenter les expressions, ce qui peut être utile pour les personnes ayant des problèmes sociaux. D’un autre côté, les personnes qui préfèrent les conversations en tête-à-tête pourront toujours le faire !
Il est vrai que les gens passent désormais des appels vidéo avant les rendez-vous pour ne pas perdre leur temps. Si l’on considère cela comme la substitution des véritables interactions humaines, je serais d’accord avec cette assertion. Cependant, je vois plutôt cela comme une augmentation qui nous donne un autre moyen d’interagir avant que des liens réels ne se forment.
Et pour appuyer davantage sur ce point de connexion humaine, il n’est pas difficile de trouver des photos en noir et blanc de personnes s’ignorant mutuellement avec des journaux dans le passé. Je pense juste que les personnes qui ne veulent pas se connecter continueront de ne pas le faire. Nous donnons simplement une chance à ceux qui veulent se connecter mais qui ont du mal à le faire !
Pour en savoir plus sur l’ESIEA, rendez-vous sur sa page dédiée !