Audrey Azoulay, Directrice générale de l’UNESCO, a sonné l’alarme face à l’intensification de la désinformation et des discours de haine en ligne. Pour elle : « La libération de la parole par le numérique a représenté d’immenses progrès. Mais les médias sociaux ont aussi accéléré et amplifié la diffusion de fausses informations et de discours de haine. Faisant peser des risques majeurs sur la vie en société, la paix et la stabilité. Pour protéger l’accès à l’information, nous devons encadrer sans attendre ces plateformes. Et ce, tout en protégeant la liberté d’expression et les droits humains.
Elle a ainsi dévoilé le plan d’action de l’UNESCO pour mettre fin à ce fléau, fruit d’une vaste concertation mondiale. Le plan est d’ailleurs appuyé par une enquête d’opinion mondiale soulignant l’urgence à agir.
Des principes, mais aussi des mesures concrètes
Le plan d’action de l’UNESCO est le fruit d’une concertation d’une ampleur inédite dans le système des Nations Unies. Et ce, avec plus de 10 000 contributions issues de 134 pays recueillies ces dix-huit derniers mois. Ce plan détaille en quarante pages les principes à respecter et les mesures concrètes à mettre en œuvre par toutes les parties prenantes. À savoir : gouvernements, autorités de régulation, société civile et plateformes elles-mêmes.
La désinformation sur Internet est préoccupante.
Selon un sondage de l’@IpsosFrance sur 16 pays, 85% des citoyens sont inquiets & 87% ont peur qu’elle influence les électeurs.
Découvrez le plan d’action de l’UNESCO pour réguler les plateformes en ligne : https://t.co/DgWbB73lzd pic.twitter.com/jC6ncdOQ9Q
— UNESCO en français (@UNESCO_fr) November 13, 2023
La 1ère conférence mondiale des régulateurs
Les représentants des régulateurs indépendants ont d’ores et déjà salué cette démarche de l’UNESCO. Et plusieurs d’entre eux – notamment en Afrique et Amérique latine – ont indiqué se tenir prêts à engager la mise en œuvre de ces mesures. Pour ce faire, l’UNESCO organisera mi-2024 la première Conférence Mondiale des régulateurs.
Il serait opportun de noter que l’Organisation va également accompagner ses États membres pour qu’ils transposent ce plan d’action dans leur droit et leur réglementation. Elle mobilise un financement dédié, déjà soutenu à hauteur d’un million d’euros par la Commission européenne.
7 principes fondamentaux à respecter
Les mesures de l’UNESCO s’organisent autour de 7 principes à respecter, pour que l’impact sur les droits humains soit une véritable boussole pour la prise de décision, à chaque étape, de toutes les parties prenantes. Mais aussi pour que :
- Des régulateurs indépendants et publics soient mis en place partout dans le monde, au rôle clairement défini et dotés des moyens suffisants à l’exercice de leur mission,
- Ces régulateurs indépendants travaillent en réseau et en étroite coordination, afin d’éviter toute forme de « dumping » éthique,
- La modération des contenus soit possible et effective à la bonne échelle, dans toutes les régions et dans toutes les langues,
- La responsabilité et la transparence soient établies dans les algorithmes, dont la mécanique repose trop souvent sur le fait de provoquer l’emballement au détriment de la fiabilité,
- Les plateformes prennent plus d’initiatives pour éduquer et former les utilisateurs à déployer une pensée critique,
- Les régulateurs et les plateformes prennent des mesures renforcées dans les situations les plus sensibles, notamment en période électorale et de crise.
La liberté d’expression doit impérativement être préservée
Les plateformes doivent se doter d’équipes de modérateurs qualifiés. Et ce, en nombre suffisant et parlant toutes les langues principales de leur média social. L’objectif ? Pouvoir effectuer un contrôle fiable et efficace des contenus mis en ligne. Elles doivent assurer la transparence du processus de modération, y compris lorsque celui-ci est automatisé par des algorithmes. Elles doivent aussi faciliter leur usage, dans toutes les langues principales du pays dans lequel elles opèrent. Mais aussi rendre compte des signalements et réclamations des utilisateurs.
La Directrice générale de l’UNESCO a plaidé : « Il y a une exigence cardinale, qui a guidé nos travaux. Celle de préserver toujours la liberté d’expression et tous les autres droits humains. Contraindre ou brider la parole serait une terrible solution. Des médias et des outils d’information libres, de qualité et indépendants, constituent la meilleure réponse sur le long terme à la désinformation. »
1. Vers une meilleure intégrité électorale
Notons que des sections de cette stratégie sont aussi dédiées aux mesures nécessaires pour garantir l’intégrité électorale. Notamment par le biais d’évaluations des risques électoraux, d’un marquage clair et d’une plus grande transparence de la publicité politique et de son ciblage. Mais aussi pendant les situations d’urgence, tels que les conflits armés et les catastrophes.
2. Le secteur culturel concerné
Des éléments spécifiques au secteur culturel ont également été inclus. Ce qui met l’accent sur les risques encourus par les artistes et la nécessité d’avoir accès en ligne à un « contenu culturel diversifié ». Et ce, en tant que droit humain fondamental à sauvegarder. En référence notamment à la Déclaration unanimement adoptée par les Etats membres de l’UNESCO lors de la Conférence MONDIACULT en septembre 2022.
Un sondage mondial qui confirme l’urgence à agir
La publication du plan d’action de l’UNESCO s’accompagne d’une enquête d’opinion conduite par IPSOS pour l’UNESCO. Et ce, auprès de 8000 personnes dans 16 pays où se tiendront des élections en 2024. Elle indique que 85 % des citoyens sont inquiets de l’impact de la désinformation en ligne. Cela, alors que les médias sociaux sont devenus pour une large majorité d’entre eux la première source d’information.
Cette même enquête indique que 87 % des citoyens pensent que cette désinformation a déjà eu un impact majeur sur la vie politique de leur pays. Ils craignent même qu’elle pèse sur les résultats des élections prévues dans leur pays l’an prochain. En conséquence, ils sont 88 % à demander que les gouvernements et les régulateurs résolvent rapidement ce problème en apportant plus de contrôle sur les médias sociaux.