Jeux vidéo : la fin de la croissance ? Loin de là !

En collaboration avec SUP'DE COM
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C’est suffisamment rare pour être noté : le marché mondial du jeu vidéo a baissé en 2022. Un ralentissement passager qui illustre l’arrivée à maturité d’un secteur qui s’est développé entre scène compétitive, streaming et pratiques occasionnelles. Malgré cette diversité, le jeu vidéo doit plus que jamais être au cœur de la stratégie des marques, alors qu’à l’avenir, la gamification et les environnements virtuels seront omniprésents.

Après la journée mondiale des geeks qui a eu lieu le 25 mai dernier, retour sur l’évolution de l’image du joueur dans notre société, alors que la pratique du jeu vidéo s’est démocratisée jusqu’à faire du gaming un espace incontournable de sociabilisation et de création de références culturelles communes.

 

Jeu vidéo : la fin de l’hypercroissance

C’est une surprise : alors que la majorité des analystes s’attendaient à ce que le marché mondial des jeux vidéo passe la barre des 200 milliards de dollars de valorisation l’an dernier, c’est finalement l’inverse qui devrait se produire.

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Crédit photo : Adobe Stock / Drobot Dean

Selon l’institut spécialisé Newzoo, les revenus générés par le gaming vont baisser de 4,3 % par rapport à 2021, pour ne représenter que 184,4 milliards de dollars, loin de la hausse de 5,4 % et des 203,1 milliards de dollars attendus initialement. De même, le temps de jeu sur Xbox, Playstation et Steam, l’une des principales plateformes de jeux PC, a diminué de 23 % entre 2021 et 2022. Suivant cette dynamique, le nombre de joueurs est passé de 2,61 milliards en 2021 à 2,46 milliards en 2022 selon une étude réalisée par Safe Betting Sites, un acteur du pari en ligne.

Plusieurs facteurs expliquent ce ralentissement, après des années 2020 et 2021 fastes pour le marché qui a bénéficié des différentes périodes de confinement pour exploser. La valorisation du secteur avait en effet augmenté de 7,6 % en 2021. La fin de la crise sanitaire et le retour à une vie « normale » ont réduit mécaniquement le temps de jeu. Comme nous l’explique Pierre Pastor, Chef de projet digital chez Arcadium et intervenant à SUP’DE COM Montpellier : « La baisse de joueurs est un facteur normal. Nous avons connu une crise sanitaire qui a marqué l’histoire, obligeant les gens à rester chez eux. La consommation de jeux vidéo a alors explosé, tout comme la consommation de plateformes de streaming ! Cette baisse du nombre de joueurs et du temps de jeu est donc tout à fait normale. »

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À cette situation globale s’ajoute également celle spécifique à la Chine, marché leader qui pèse pour 25 % des dépenses mondiales, et où le gouvernement a limité l’accès aux jeux vidéo des mineurs pendant un temps. « La réglementation chinoise relative au temps de jeu peut effectivement être un facteur supplémentaire à ces statistiques… Mais il serait maladroit d’y voir une forme de déclin du marché du jeu vidéo si on le compare avec le marché du cinéma ou encore de la musique », explique Pierre Pastor. Aussi, l’inflation et la crise du pouvoir d’achat ont aussi restreint le budget des joueurs.

Par ailleurs, certains studios n’ont pas pu continuer à développer les jeux en production pendant la période et ont dû retarder de nombreuses sorties prévues en 2022. De plus, la pénurie de certains composants a limité la distribution de nouvelles consoles comme la Playstation 5.

Une situation résolue en 2023, avec Sony qui battait chaque mois ses records de vente : l’entreprise a écoulé le triple de PS5 en janvier par rapport à l’année précédente, avant de réaliser un mois de février à +457 % d’une année sur l’autre !

Clairement, la pratique vidéoludique a de l’avenir.

 

Les marques délaissent l’eSport pour le gaming

Toutefois, même les entreprises qui ont fait du jeu vidéo une priorité afin de toucher les nouvelles générations, ont commencé à montrer des signes d’hésitation fin 2022, notamment dans le domaine spécifique de l’eSport. On a ainsi vu Adidas, équipementier de l’équipe française Team Vitality, avec laquelle l’entreprise allemande avait même monté l’équipe Yellow Stripes, laisser la place à Hummel.

Autre marque allemande à revoir sa stratégie eSport, BMW a décidé de réduire ses investissements, après s’être associé, pour plusieurs millions de dollars, avec des équipes phares du jeu vidéo de compétition comme G2 Esports, Fnatic, Cloud9 et OG.

Mais l’eSport n’est qu’une composante du jeu vidéo. Il avait l’avantage d’offrir aux marques un cadre proche de celui du sponsoring sportif classique et l’assurance de collaborer avec des professionnels du sujet, qui pourraient les aiguiller afin de s’adresser correctement à une large audience déjà qualifiée. Mais les fans d’eSport ne constituent qu’une partie des joueurs.

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Crédit photo : Adobe Stock / Friends Stock

Et si la hausse des audiences pour les compétitions a fait s’envoler le montant des partenariats, la scène eSportive est elle aussi aujourd’hui victime du contexte économique. En effet, les sponsors des équipes préfèrent se recentrer sur des actions marketing dont ils maîtrisent mieux le retour sur investissement.

Selon Pierre Pastor, « l’esport est en plein virage économique et ne peut plus baser son modèle sur le sponsoring. Le départ des marques vers d’autres projets gaming et notamment vers les éditeurs et les organisateurs d’événements s’explique par deux choses : la première, ce sont les activations directes et maîtrisées par la marque, là où les activations liées au sponsoring d’un club peuvent parfois ne pas avoir l’impact attendu. Mais également parce que les marques se sont peut-être lancées un peu vite dans un domaine avec de nombreuses spécificités et dont les conséquences ont pu être des activations peu concluantes. Cependant, l’esport reste une opportunité pour une marque : mais il faut savoir s’entourer des bonnes personnes, faire les bons choix et adapter sa communication à ce milieu. »

Quand les budgets dédiés à l’innovation sont préservés, ils s’orientent désormais sur d’autres actions souvent moins coûteuses. Il est ainsi possible de faire de l’in-game advertising sur les jeux mobiles freemium, lesquels touchent un joueur sur deux dans le monde, ou de la publicité dans des environnements affinitaires. Par exemple, une plateforme de streaming comme Twitch rassemble chaque jour en moyenne 31 millions de personnes.

Depuis deux ans, on a aussi vu de plus en plus de marques créer des niveaux spéciaux sur des jeux vidéo afin de créer plus d’interactivité avec les joueurs : Babybel ou Apéricube sur Fortnite et Minecraft, Dacia sur Rocket League ou encore Nike sur Roblox. Souvent, ces opérations sont menées en partenariat avec des créateurs de contenus spécialisés ou avec des streamers influents, capables d’offrir une visibilité et une légitimité auprès de leurs audiences.

 

L’image du geek séduit jusqu’aux marques de luxe

En effet, pendant longtemps, on a vu les marques hésiter sur la manière de parler aux joueurs. En 2023, les vieux stéréotypes ne sont plus acceptés par les joueurs. Ces derniers attendent d’un potentiel partenaire un minimum de connaissance du secteur, de ses codes, de ses références. Même une marque comme Coca-Cola a fait fausse route fin 2021, en représentant une compétition eSportive à des années-lumière de la réalité dans une publicité.

Par ailleurs, aujourd’hui, l’audience du jeu vidéo est tellement large, que cibler les joueurs revient à cibler tous les consommateurs, soit une audience ultra-diversifiée. En 2021, le joueur moyen avait 32 ans, et selon Accenture (à l’origine de l’étude « Gaming : The next super platform »), 2,7 milliards de personnes étaient touchées de près ou de loin par le jeu vidéo. Le constat est clair : le secteur touche toutes les générations. Selon McKinsey, 80 % des membres de la GenZ jouent chaque semaine. Un chiffre qui monte à 60 % chez la GenY, et même à plus de 40 % chez les babies boomers ! Cela s’étend également à la France : selon une autre étude de 2021 publiée par le SELL, le syndicat des éditeurs de jeux vidéo, 65 % des plus de 55 ans jouent, tout comme 89 % des jeunes femmes de 16 à 24 ans. Au total, près de 80 % des Français sont des gamers.

Le jeu vidéo est devenu mainstream. Autre exemple : après s’être emparé du hip-hop au point de nommer en tant que directeurs artistiques des personnalités comme Virgil Abloh et Pharrell Williams, même Louis Vuitton s’intéresse au gaming. La marque est ainsi devenue partenaire de Riot Games, l’éditeur de League of Legends, et a créé son jeu Louis : The Game.

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Crédit photo : Louis Vuitton

Le géant français n’est pas le seul : de Gucci à Balenciaga, en passant par Dior ou Yves Saint Laurent, de nombreuses grandes maisons de luxe s’emparent du gaming pour toucher de nouvelles audiences. En 2023, le geek, c’est chic.

Exit donc le stéréotype du préadolescent enfermé dans sa chambre, qui a servi à définir le joueur : un geek, ou nerd, dont la vie sociale se limitait à des relations par écrans interposés. L’image du joueur s’est aussi profondément transformée grâce au streaming : les plus gros influenceurs, en France et ailleurs, sont souvent des streamers dont l’aura dépasse le simple gaming. Il suffit de voir le succès rencontré par la course de Formule 4 GP Explorer de Squeezie ou le match de football Eleven All Stars d’Amine, organisés fin 2022.

Pierre Pastor, Chef de projet digital chez Arcadium et intervenant à SUP’DE COM Montpellier, explique : « La stratégie des éditeurs de jeux vidéo, et tout particulièrement de Riot Games, a été d’investir dans l’esport et d’en faire un pilier du futur de ce marché. Comment ? En mettant en place un système de compétition sportif 2.0 ayant amené à la starification de joueurs connus du grand public, tel que Faker. L’objectif est de créer des stars qui attirent de nouveaux joueurs sur leur jeu. »

« Le second effet que cela a eu, c’est d’attirer des marques voulant spécifiquement travailler avec ces joueurs stars qui ont aujourd’hui une aura à l’international. C’est la raison pour laquelle Nike travaille en direct avec un joueur suédois se faisant appeler Rekless. Aujourd’hui, n’y a que très peu de différences entre un joueur de haut niveau esport et un influenceur qui vont tous deux avoir leur propre communauté. Pour les marques, il s’agit d’aller chercher un certain public qui ne s’intéresse pas aux médias traditionnels. »

Le jeu vidéo devient donc l’un des principaux vecteurs de divertissement et de culture. On soulignera par exemple le succès de la série The Last of Us, adaptée d’une saga vidéoludique, ou encore les ambitions de Netflix en matière de gaming. La plateforme ambitionne de proposer une centaine de jeux à ses abonnés d’ici à la fin de l’année. 55 sont déjà disponibles, auxquels s’ajouteront bientôt 70 nouveaux jeux en production, dont 40 seront accessibles dans les prochains mois. Pour cela, Netflix a noué des partenariats avec des éditeurs comme Ubisoft, après avoir fait l’acquisition l’an passé du studio finnois Next Games pour 72 millions de dollars.

 

Metaverse, Web3, modding… quel futur pour le gaming ?

Les investissements de Netflix semblent anecdotiques en comparaison de ceux réalisés par Microsoft. Avec sa Xbox, le géant américain n’a pas connu le succès de Sony en matière de console, mais Microsoft ne désespère pas. Après son rachat du jeu vidéo Minecraft pour 2,5 milliards de dollars en 2014, la firme de Redmond est prête à débourser 68,7 milliards de dollars pour s’offrir l’éditeur Activision Blizzard.

Annoncée en janvier 2022, l’opération doit encore être approuvée par les différentes instances gérant la concurrence dans le monde. De nombreux commentateurs ont vu à l’époque la volonté de prendre de l’avance dans la création du métavers au travers duquel les sites seront accessibles en réalité mixte, AR ou VR. Un pari qui semble logique tant le Web se consomme aujourd’hui sur mobile, device qui est cependant loin d’être le plus ergonomique.

Après Second Life, qui attire encore 40 000 utilisateurs réguliers, on citera les 2,5 millions d’utilisateurs mensuels de GTA Online, ou encore les 67 millions de joueurs connectés chaque jour sur Roblox, dont l’intérêt réside dans le fait que ce sont eux qui créent une partie des jeux accessibles sur la plateforme.

Ainsi, tout comme sur Second Life, des utilisateurs sont rémunérés pour créer de nouveaux contenus, lieux ou objets sur la plateforme. Une tendance qui va se développer également grâce à l’utilisation de la blockchain, des NFT et de la démocratisation des pratiques liées au Web3. Certains objets numériques certifiés rares ou uniques par la blockchain pourront ainsi être véritablement possédés par les joueurs et utilisés sur plusieurs plateformes et jeux vidéo. Avatars, skins, objets, véhicules, armes ou même terrains et bâtiments pourront être gagnés ou créés par les joueurs. Cela risque de bouleverser l’économie du gaming et la façon dont les marques s’en emparent, avec la généralisation du play-to-earn et l’émergence de nouveaux créateurs de contenus spécialisés.

Une proposition au cœur de la plateforme The Sandbox. Encore en développement, ses Alpha Seasons, périodes de bêtatest régulièrement organisées, regroupent jusqu’à 360 000 joueurs. Ces derniers essayent les diverses expériences proposées par les propriétaires des terrains virtuels de la plateforme, dont des éditeurs de jeux ou des marques, comme Ubisoft, Ledger, AXA ou encore Leader Price. Au-delà de gagner des objets uniques pour leurs avatars, les joueurs ont également pu bénéficier d’avantages comme des promotions exclusives. Pour son Alpha Season 4, qui se déroulera en 2023, The Sandbox prévoit également d’organiser ses premiers concerts virtuels, ouvrant ainsi de nouvelles possibilités en matière de divertissement vidéoludique.

Ainsi, il existe une diversité de pratiques en matière de gaming. Des préadolescents qui se retrouvent après les cours sur Roblox, aux fans de Web3 qui s’essayent aux jeux décentralisés et autres play-to-earn comme Sorare ou The Sandbox, en passant par les fans de jeux de rôles qui mènent une vie numérique parallèle sur GTA online, les anciens joueurs de LoL sur PC qui se sont mis à la version mobile ou encore les cinquantenaires qui jouent à un jeu de lettres sur leur tablette… Désormais, le jeu est bel et bien partout, et ses codes sont utilisés au-delà de l’industrie du gaming, dans les programmes de fidélités et d’engagement des marques, dans les émissions de divertissement développées sur Twitch ou encore dans les communautés rassemblées sur Discord.

Mais pour que ces stratégies réussissent, encore faut-il connaître avec précision les jeux, plateformes et pratiques du moment, ainsi que les attentes précises des joueurs. Selon Pierre Pastor, de SUP’DE COM, « lorsque l’on cherche à communiquer via ces jeux, les pièges sont nombreux puisque le domaine a de nombreuses spécificités. L’important est de savoir s’adapter et ne pas imposer sa marque. Étudier correctement le marché et comprendre que chaque club, influenceur, joueur a sa propre spécificité et que, si notre choix se porte sur la mauvaise personne, notre campagne n’aura aucun impact ou pire, un impact négatif. Ce que je peux donner comme conseil aux annonceurs, c’est de prendre le temps de regarder ce que font les plus grands clubs esportifs du monde : ils auront un bon échantillon de ce qui fonctionne auprès de cette communauté esport /gaming ! »

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Crédit photo : Unsplash / Raymond Chiu

 

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