Pour les baby-boomers et la génération X, la vie professionnelle avait, pour une écrasante majorité, un cadre bien précis. Un travail salarié en CDI et des carrières réalisées bien souvent dans la même entreprise. Pour ces générations, l’entrepreneuriat était l’affaire d’une poignée de métiers (commerçants, artisans, professions libérales…) ou la lubie de quelques créateurs audacieux.
Depuis la fin du siècle dernier, les cartes ont été peu à peu redistribuées, si bien que désormais, le monde professionnel est un kaléidoscope où s’entremêlent de multiples statuts et manières de travailler. Freelancing, micro-entrepreneuriat, portage salarial, start-up, incubateur, polyactivité, digital nomadisme… Le salariat traditionnel n’est plus une norme. Ces nouvelles formes de travail répondent à un besoin recherché par de plus en plus de personnes, l’envie d’entreprendre. Désormais la figure de l’entrepreneur n’est plus un cas isolé. Pour mieux cerner ce changement de paradigme dans notre rapport au travail, l’équipe de J’ai un pote dans la com s’est entretenue avec Ridouan Abagri, le Président de Digital College.
Entrevue avec Ridouan Abagri, Président de Digital College
JUPDLC : Travailler en freelance à côté d’une activité salariée, être micro-entrepreneur pendant ses études, créer une entreprise ou startup seul ou à plusieurs, se lancer dans une franchise, reprendre une entreprise existante… L’entrepreneuriat recouvre aujourd’hui des acceptions connexes, mais distinctes. Quelle est votre définition d’un entrepreneur ?
Ridouan Abagri : Un entrepreneur est une personne qui a l’initiative et l’esprit d’entreprise, c’est-à-dire qu’elle est capable de prendre des risques, d’innover, et de créer de la valeur pour elle-même et pour les autres. L’entrepreneur souhaite créer un monde auquel il veut appartenir et au sein duquel il veut avoir un rôle à jouer avec le moins de contraintes possibles. Pour faire simple, un entrepreneur est indépendant et libre de ses choix. Quelle que soit la forme que prend son activité, il a le désir de créer et de faire évoluer son entreprise pour répondre aux besoins des clients et des marchés.
JUPDLC : Internet, les MOOC, les cours à distance, les salons, les conférences… Aujourd’hui, il est très facile d’accéder à la formation et à l’information. Finalement pour entreprendre, il n’y a pas d’âge, ni de parcours spécifiques. Qu’en pensez-vous ?
Ridouan Abagri : Les outils technologiques actuels rendent l’accès à la formation et à l’information beaucoup plus facile qu’auparavant. Cela signifie que les individus peuvent apprendre et se développer professionnellement à tout moment de leur vie, quels que soient leur âge et leur parcours académique initial. Pour moi, il n’y a pas d’âge pour entreprendre, c’est plutôt la persévérance et la capacité à prendre des risques qui orienteront un parcours. La peur que ce ne soit pas le bon moment parce qu’on va avoir un enfant, qu’on est déjà en CDI, qu’on a un emprunt à rembourser ou que notre famille s’y oppose… peut constituer un frein bien plus important. L’accès à la formation sur des parcours entrepreneuriaux spécifiques permet, comme nous le faisons chez Digital College au sein de notre Bac+5 en Start-up management et e-commerce, de mieux s’armer pour faire face aux obstacles grâce à l’accompagnement d’entrepreneurs qui sont d’ores et déjà passés par toutes ces phases de doute.
JUPDLC : Cette facilité d’accès à l’apprentissage a également un effet pervers, on peut rapidement s’y perdre. Comment ne pas s’éparpiller lorsque l’on souhaite se lancer ?
Ridouan Abagri : Effectivement, l’abondance d’informations et de ressources disponibles en ligne peut facilement provoquer de la confusion et de l’éparpillement pour les personnes qui souhaitent se lancer dans un projet d’entrepreneuriat. Pour éviter cela, il est important de commencer par établir clairement les objectifs et les priorités de votre entreprise. Cela vous aidera à rester concentré et à vous assurer que vous utilisez votre temps et vos ressources de manière efficace. Il sera également bénéfique de rechercher des conseils de mentors expérimentés pour vous guider et vous soutenir dans votre parcours entrepreneurial. Les conseils que je pourrais fournir de manière détaillée se retrouveront bientôt dans un ouvrage consacré aux jeunes entrepreneurs, qui a été inspiré par les questionnements et parcours de nos étudiants au sein de Digital College.
Podcast
JUPDLC : Selon l’INSEE, le nombre de créations d’entreprises en France en 2021 a atteint un nouveau record avec 995 900 créations, soit 17 % de plus qu’en 2020. Comment réussir à émerger au sein d’un environnement de plus en plus concurrentiel ?
Ridouan Abagri : Pour proposer une promesse à son marché, il faut être en mesure de mettre en place une proposition de valeur unique de son produit/service. Être capable d’ajuster, d’améliorer ce que l’on vend/produit et apprendre à vendre avant de communiquer. L’essentiel de l’entrepreneur est de proposer une offre répondant à une demande précise. Il peut également être utile de se différencier en offrant des expériences uniques et personnalisées à vos clients, en mettant en place des stratégies de marketing efficaces pour atteindre votre cible de marché, et en créant des partenariats stratégiques avec d’autres entreprises pour renforcer votre présence sur le marché.
JUPDLC : Quelles sont les qualités d’un bon entrepreneur selon vous ?
Ridouan Abagri : La détermination, la polyvalence et la sociabilité. Bien s’entourer, toucher à tout dans ce que l’on fait et surtout être déterminé car les premières années de développement seront un sacrifice dont les bénéfices se feront sentir plusieurs mois voire plusieurs années plus tard. La capacité à gérer les obstacles et les défis rencontrés en cours de route est également un point clé, de même que la capacité à inspirer et à motiver son équipe pour atteindre ses objectifs.
JUPDLC : Identifiez-vous d’autres capacités qui seront primordiales dans les années à venir d’ici 5, 10 ou 15 ans ?
Ridouan Abagri : Il est difficile de prédire avec précision les compétences qui seront les plus importantes dans les années à venir, car elles dépendront de l’évolution de l’environnement économique et technologique. Cependant, il est probable que les compétences liées à l’intelligence artificielle et à la technologie de l’information continuent d’être importantes dans le futur. Les compétences en matière de créativité, de pensée critique et de résolution de problèmes complexes seront également sûrement de plus en plus valorisées. En outre, les compétences en matière de communication interpersonnelle et de travail en équipe seront également importantes, en particulier dans un monde de plus en plus connecté et interconnecté.
JUPDLC : Dans le monde de l’entrepreneuriat, on parle beaucoup de l’importance et de la valorisation de l’échec. Quel est votre avis à ce sujet ?
Ridouan Abagri : Il faut connaître l’échec. La réussite apporte le confort et la sécurité, mais il est nécessaire d’échouer pour connaître ces moments de remise en question, de doute qui nous font grandir. On évolue rarement quand tout se passe parfaitement, l’échec peut donc être une expérience utile et valorisante pour les entrepreneurs. Cela peut leur permettre d’apprendre de leurs erreurs, de comprendre ce qui a fonctionné et ce qui ne l’a pas, et de s’adapter et de s’améliorer en conséquence. L’échec peut aussi être une source de motivation pour les entrepreneurs, en les incitant à travailler plus dur et à se dépasser pour atteindre leurs objectifs. Les difficultés représentent aussi une opportunité de réévaluer ses objectifs et de prendre des décisions difficiles pour le bien d’une entreprise.
JUPDLC : Est-ce que l’entrepreneur de demain sera obligatoirement tourné vers l’international ?
Ridouan Abagri : Il n’est pas nécessaire que l’entrepreneur de demain soit obligatoirement tourné vers l’international. En effet, beaucoup d’entrepreneurs réussissent en se concentrant sur le marché local ou régional. Cependant, l’avènement du numérique a brisé les frontières économiques, et de chez soi, on peut développer une activité à travers le monde. Différents marchés sont atteignables beaucoup plus facilement et simplement désormais, et il est vrai que l’internationalisation peut offrir de nombreux avantages pour les entreprises, tels qu’une diversification des risques, et la possibilité de bénéficier d’économies d’échelle. En conséquence, de nombreux entrepreneurs choisissent de se tourner vers l’international pour accroître leur potentiel de croissance et de succès. Dans l’ensemble, il appartient à chaque entrepreneur de décider s’il souhaite se tourner vers l’international ou non, en fonction de ses propres objectifs et de la stratégie de son entreprise.
JUPDLC : Il ne faut pas se mentir, avoir un bon réseau est également quelque chose d’important dans le monde de l’entrepreneuriat. Quels sont vos conseils pour pouvoir en développer un ? Qu’est-ce qu’un bon réseau selon vous ?
Ridouan Abagri : L’erreur est de croire qu’un bon réseau ne se développe que lorsque l’on naît dans la bonne famille ou qu’on évolue dans une grande et belle entreprise. En réalité, le réseau se développe au quotidien, dès vos années de cours, vos camarades, vos amis, vos enseignants, vos maîtres de stage font déjà partie de votre réseau. Un jeune étudiant ou un jeune entrepreneur a déjà un réseau à sa disposition qu’il ne met simplement pas en valeur la plupart du temps. Il faut donc profiter au quotidien des relations qui nous entourent, proposer des collaborations, aider et écouter les autres, et ces personnes auront une confiance et une envie de vous renvoyer l’ascenseur. Je dirais également que les gens apprécient de façon générale les personnes authentiques et honnêtes. Ne soyez pas trop insistant pour élargir votre réseau, mais montrez plutôt votre vrai intérêt pour les personnes que vous rencontrez et pour les sujets que vous abordez.
JUPDLC : Flexibilité, télétravail, importance de l’innovation et du numérique, talent management, RSE, parité… Le monde du travail est en constante évolution. Comment bien appréhender ces nouveaux paradigmes pour un entrepreneur ?
Ridouan Abagri : Le futur sera toujours plus créatif que nous. Impossible d’anticiper ce qu’il nous réserve, la meilleure chose à faire est d’apprendre à être d’une extrême polyvalence et être proactif sur les changements de mœurs, de bien s’entourer et d’assurer ses arrières financièrement. La flexibilité est devenue un facteur clé de succès dans le monde du travail aujourd’hui. Il est important d’être capable de s’adapter aux changements rapides et de faire preuve de souplesse pour répondre aux besoins des clients et des employés. Avec tout ça et une bonne mentalité, vous serez prêt face à tout changement.
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