De plus en plus d’écoles privées se livrent une bataille concurrentielle sur le marché de l’éducation. Mais combien s’adaptent aux nouvelles tendances ? Tandis que de nouvelles méthodes de travail apparaissent, les formations se doivent d’être, elles aussi, novatrices.
Ainsi, de nouvelles pratiques pédagogiques font leur apparition, préparant les étudiants à un monde du travail en pleine transformation. C’est le cas de l’École W, qui propose une toute nouvelle approche pédagogique axée sur l’innovation, la pratique, le « mode projet » et la pédagogie inversée. Qu’est-ce que cette méthode d’apprentissage ? Quelles différences avec les pratiques plus traditionnelles ?
Entretien avec Sandrine Chicaud, Directrice pédagogique de l’École W
JUPDLC : L’école W est une école atypique. Quelle est la singularité de sa pédagogie ? D’où vient-elle ?
Sandrine Chicaud : La pédagogie de l’École W repose sur trois piliers : l’innovation, la professionnalisation et l’excellence. En 2016, toute l’équipe pédagogique s’est formée avec Kaospilot, une école de commerce alternative, située au Danemark. Elle propose une pédagogie ultra-innovante qui nous a inspirés. Ici, pas de professeurs mais des intervenants professionnels en activité (journalistes, communicants, directeurs artistiques, UX designer, scénaristes, vidéastes…).
Nous ne recrutons pas sur le critère des notes mais sur la personnalité de l’élève, sa capacité à réfléchir et à se poser les bonnes questions, sa curiosité, son ouverture d’esprit et sa créativité. Notre formation est professionnalisante car dans les différentes sessions, les élèves sont acteurs de leur apprentissage. Ils ne sont jamais passifs et sont responsabilisés et stimulés par leurs intervenants qui les incitent chaque jour à prendre des initiatives, des risques et à sortir de leur zone de confort. Bref, ils apprennent en faisant et s’adaptent en permanence au changement. Ils en sont même le moteur.
Enfin, l’excellence : l’École W est « la petite sœur » du CFJ (Centre de formation des Journalistes) l’une des plus grandes écoles de journalisme en France, née en 1946, située dans les mêmes locaux parisiens. Son exigence journalistique et sa rigueur se retrouvent dans l’ADN de notre école.
JUPDLC : Pourquoi avoir privilégié ce mode d’apprentissage par rapport à des méthodes plus théoriques, plus traditionnelles ?
Sandrine Chicaud : Même si les élèves ont un apport théorique, il est tout de suite mis en œuvre à travers des projets individuels ou collectifs. La pratique et l’expérience sont les meilleurs moyens de retenir les fondamentaux. Nous sommes très attentifs à leurs progrès d’une session à l’autre. Ils ont le droit à l’erreur mais doivent en tirer des leçons. De semaine en semaine, les élèves constatent d’eux-mêmes leur évolution.
JUPDLC : Quels sont les avantages de cette pédagogie très orientée projet ? Existe-t-il des inconvénients ?
Sandrine Chicaud : Cette pédagogie répond parfaitement aux besoins des entreprises qui recherchent des élèves immédiatement opérationnels. Elles veulent des profils agiles, capables de s’adapter au changement. Elles apprécient que nos élèves soient de véritables « couteaux suisses ». Ils sont très polyvalents et développent une réelle capacité d’adaptation. Ils sont ainsi bien armés dans le monde du travail.
Pour que cette pédagogie soit efficace, il est impératif de donner un cadre aux élèves. Il est vrai que leur apprendre à devenir des professionnels demande beaucoup d’énergie à toute l’équipe pédagogique, aux intervenants et… Aux élèves eux-mêmes ! Heureusement, le fort sentiment d’appartenance des élèves à cette école et la cohésion dans les promos les portent. Tout le monde est dans le même bateau. Si l’esprit de compétition existe dans certaines sessions, c’est surtout la bienveillance et l’entraide qui règnent. Des valeurs fortes à W.
JUPDLC : Quels enseignements délivre l’École W ? Avec quelle progression d’année en année ?
Sandrine Chicaud : Dans le cadre du bachelor, les élèves sont formés au storytelling et créent des contenus sous toutes les formes : journalistiques, de communication ou de fiction. Ils suivent des sessions généralistes (anglais, droit…), des sessions communication, direction artistique, journalisme, fiction. La première année est une découverte de tous ces métiers, avec déjà des réalisations concrètes dans toutes les sessions. La deuxième année est une année d’approfondissement où ils peuvent choisir un parcours : com/DA, journalisme/fiction ou généraliste pour se laisser encore cette deuxième année pour faire un choix de métier.
Quel que soit leur choix, ils suivent un tronc commun pour conserver la singularité de l’École W qui est de les former au journalisme, quand ils veulent être communicants et inversement. En troisième année, ils se spécialisent en com ou en journalisme. Nous avons chaque année des formats emblématiques made in W, à l’instar des “Missions impossibles”, un grand projet collectif rassemblant toute une promo autour d’un thème.
L’École W ne cesse de se développer et de lancer de nouvelles formations. En effet, en dehors du bachelor, l’école a lancé plusieurs formations au fil des ans. Depuis peu, elle propose des Bac+2 en photo et audiovisuel. Elle s’investit de plus en plus dans l’alternance, déjà possible en troisième année de bachelor. Autre événement phare, la création de W Sport, à Paris, en partenariat avec l’Insep, et à Roubaix. L’objectif est de former des jeunes post-bac aux métiers du journalisme et de la communication dans le sport. Quelle que soit la formation, nous conservons la philosophie, les valeurs et la singularité de la pédagogie de W, même si elle n’est jamais figée !
JUPDLC : Concrètement, comment se déroule un cours ?
Sandrine Chicaud : À l’École W, on est bien loin du lycée ! Les cours sont organisés en sessions, qui peuvent durer d’une à quatre semaines. Des masterclass animées par des professionnels invitent aussi régulièrement nos élèves à s’intéresser à un sujet d’actualité ou à découvrir concrètement les métiers auxquels ils se préparent à travers des retours d’expérience de professionnels chevronnés. Pas de routine donc : les élèves passent d’une matière à l’autre, avec toujours une réalisation ou un projet concret à mener. C’est très stimulant !
Concrètement, en amont d’une session, les élèves peuvent avoir à fournir un travail de préparation, à prendre en main un logiciel de graphisme ou encore lire des reportages avec un œil critique… Dans ce cas précis, l’intervenant s’appuie sur ce travail pour stimuler les échanges en cours et mesurer l’état de connaissance des élèves sur les fondamentaux de l’écriture journalistique, la façon dont on réalise un reportage. Ensuite, il complète et recadre les élèves, si besoin. Ces derniers sont comme en immersion dans une rédaction. Ils vont devoir identifier des sujets d’articles pertinents, avec des angles originaux et partir sur le terrain pour recueillir des informations, interviewer des gens. Dans un délai bref – celui imposé par les rédactions – ils vont ensuite rédiger leur article. Enfin, l’intervenant – un journaliste expérimenté – leur fera un retour, leur demandera de retravailler une version avec l’objectif de rendre un article qui serait publiable. Leurs repères, pendant toute leur scolarité, sont les exigences du monde professionnel.
JUPDLC : Le rôle des enseignants est-il le même que dans une école « standard » ? Pourquoi ?
Sandrine Chicaud : Pas du tout car tous nos intervenants sont des professionnels. Les élèves de l’École W sont donc confrontés pendant trois ans aux exigences de leurs métiers. Les intervenants adhèrent tous à la philosophie, aux valeurs et à la singularité de notre école et aiment transmettre leurs connaissances, leur expérience et leur expertise aux élèves. Ils sont exigeants et bienveillants. L’objectif est que chaque élève gagne confiance en lui, afin d’être bien préparé à exercer un stage ou un emploi au sein d’une entreprise.
JUPDLC : Ce type d’enseignement permet-il de développer des soft skills ? Si oui, quelles sont-elles ?
Sandrine Chicaud : Dans chaque session, nos élèves sont évalués sur trois critères : le savoir (les connaissances), le savoir-faire (la pratique métier) et le savoir-être (soft skills). Ces compétences sont cruciales dans une école professionnalisante comme la nôtre, et extrêmement nombreuses. Elles englobent la fiabilité de l’élève, sa capacité à respecter les délais, à s’impliquer en cours, à être véritablement à l’écoute de l’intervenant et des autres, à travailler en équipe, à être agile, adaptable, rigoureux et créatif.
JUPDLC : Quels sont les objectifs que vous cherchez à atteindre grâce à cette pédagogie ?
Sandrine Chicaud : Notre objectif est d’accueillir des élèves aux profils et aux talents variés. Nous ne souhaitons pas former des « clones » mais bien des élèves qui arrivent avec une personnalité singulière et qui vont en faire profiter les autres élèves. Travailler en équipe est un défi : ils doivent trouver en eux les ressources pour évoluer et régler des conflits. Ils sont accompagnés dans cette démarche par leurs intervenants. Ainsi, lorsqu’ils arrivent en entreprise, ils ne tombent pas de dix étages au premier problème d’équipe ! Ce résultat ne s’acquiert pas du jour au lendemain. Il se construit semaine après semaine, et, en trois ans, les élèves et leurs parents sont étonnés du chemin parcouru et de leur maturité. Ils ont développé à l’École W une compétence clé qui leur servira toute la vie : la confiance en eux !
JUPDLC : Pouvez-vous nous expliquer ce qu’est le « mode projet » proposé par l’École W ?
Sandrine Chicaud : L’apprentissage des élèves passe par le mode projet, c’est-à-dire le travail en équipe. Tout au long de leur scolarité, les élèves vont mener des projets de A à Z dans toutes les configurations possibles : seul, en binôme, en trio, en petits groupes et même avec toute la promo. C’est rarement simple mais vraiment formateur et les élèves en ont conscience.
Régulièrement, ils doivent trouver leur place dans une équipe, apprendre à écouter et accueillir les idées des autres et aussi à s’affirmer. Ils sont amenés à changer de rôle, apprennent à piloter une équipe, à la fédérer, à se répartir les tâches, à organiser des points d’étape, à régler des conflits. Il y a aussi ponctuellement des journées sans intervenants où les élèves doivent rendre un travail en équipe, ce qui leur apprend à être autonome.
JUPDLC : Quelle place laissez-vous à la créativité ?
Sandrine Chicaud : Elle est au cœur de tous nos cours ! Chaque session donne lieu à un brief qui définit clairement l’objectif pédagogique visé, le déroulé mais aussi les compétences à acquérir. Les attendus en termes d’évaluation sont précisément décrits. Nous leur donnons un cahier des charges à respecter qui colle à la réalité professionnelle. Par exemple, en écriture journalistique, on leur demande de rédiger un article de 4500 signes pour 18 heures, ou encore une vidéo de 5 minutes avec un angle, différentes valeurs de plans, plusieurs séquences. Une fois que le cadre est posé, les élèves sont incités à exprimer ou développer leur créativité. Ils auront par exemple la liberté de choisir la façon dont ils vont nous raconter une histoire. C’est lorsqu’on leur laisse un espace pour être créatifs qu’ils donnent le meilleur d’eux-mêmes et qu’ils nous surprennent !
JUPDLC : Comment ce mode d’apprentissage s’adapte-t-il aux transformations sociétales et aux évolutions du monde du travail ?
Sandrine Chicaud : En faisant intervenir des professionnels, nous avons la garantie d’offrir aux élèves des cours qui collent à la réalité de leurs métiers. L’équipe pédagogique est quotidiennement en lien avec ses intervenants afin de bien cerner l’évolution de leur métier et d’anticiper les nouvelles tendances. Nous avons donc l’obligation de mettre à jour nos compétences en permanence ! Comme nous le disons régulièrement aux élèves, nous apprenons tout au long de la vie.
JUPDLC : Cette approche pédagogique innovante a-t-elle de l’avenir ? Pourrait-elle prendre de l’ampleur dans le monde de la formation ?
Sandrine Chicaud : En termes d’insertion, il est logique que ces formations très pratiques aient de plus en plus de succès car elles correspondent aux besoins des entreprises et à la réalité de ces métiers, en perpétuelle évolution. Et si des écoles comme W se créent, c’est une bonne chose pour contribuer à proposer en France des formations moins scolaires qui remettent les élèves en tant qu’êtres singuliers au cœur de l’apprentissage et qui révèlent leur talent.
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