En France, avec plus de 39,1 millions de joueurs de 10 ans et plus, le succès de l’industrie du jeu vidéo n’est plus à prouver. S’agissant du loisir numérique favori des Français, l’univers gaming a su s’imposer au fil du temps. Et depuis la sortie de la Magnavox Odyssey, première console commercialisée en 1972, on peut dire que de l’eau a coulé sous les ponts ! Véritables machines de guerre, les consoles et ordinateurs ont désormais des fiches techniques hors du commun. Grâce à cet essor technologique, pas étonnant que les jeux développés soient de plus en plus perfectionnés, immersifs et percutants.
Derrière ces jeux passionnants, des passionnés aux métiers divers et variés : programmateurs expérimentés, Game Designers ou encore Producers… Les métiers ne manquent pas ! Derrière nos écrans, ce sont des équipes aux profils différents mais complémentaires qui se retrouvent afin de nous fournir une expérience de jeu inimitable et créative. Pour discuter de ce secteur très riche, nous avons rencontré quatre alumni de l’IIM Digital School, qui travaillent désormais dans l’univers merveilleux mais parfois méconnu du jeu vidéo.
Entretien avec :
- Aurore Bury, Narrative Designer chez Ubisoft Paris Studio
- Audrey Ferrandez, Junior 2D Artist et Graphic Designer chez Ubisoft Paris Mobile
- Ophélie Foucault, Gameplay Programmer chez Ubisoft Montréal
- Manon Vincent, Project Coordinator chez Ubisoft Bordeaux
JUPDLC : Quelle formation avez-vous suivie à l’IIM et pourquoi avoir choisi cette dernière en particulier ?
Aurore Bury : J’ai choisi de suivre la formation de Mastère Game Design de l’IIM. Avant d’intégrer cette école, j’avais fait un BTS en programmation informatique. Grâce à l’IIM, j’ai pu choisir et me spécialiser, finalement, dans le domaine du Game Design. Cela m’a permis de mieux utiliser ma créativité et mon imaginaire pour créer des jeux !
Audrey Ferrandez : Après un parcours en communication visuelle, j’ai souhaité me spécialiser dans les jeux vidéo tout en restant dans une branche artistique. C’est pourquoi j’ai suivi le cursus Game Art de l’IIM, qui me permettait de ne pas repartir de zéro tout en acquérant de nouvelles compétences. J’ai pu notamment y étudier l’illustration, la modélisation 3D, et apprendre les différentes étapes de la direction artistique d’un jeu.
Ophélie Foucault : J’ai suivi un Master de Game Programming à l’IIM car ce dernier était celui qui correspondait le mieux à mes connaissances et mes compétences. Auparavant, j’ai en effet suivi un Master de Bioinformatique : c’est là-bas que j’ai appris la programmation. Et c’est ce qui convenait parfaitement à mon sens logique !
Manon Vincent : J’ai tout d’abord suivi un Bachelor en Game Design, dans lequel je suis rentrée directement en 3ème année. Ensuite, j’ai intégré le Master Production & Marketing du Jeu Vidéo. Avant d’aller à l’IIM, j’ai suivi un DUT Informatique où j’ai pu apprendre la programmation.
J’ai également fait différentes rencontres dans l’univers du jeu vidéo, du fait de mes activités extrascolaires : je streame sur Twitch, je travaille avec un site d’actualité sur le jeu vidéo et j’ai visité les studios d’Ubisoft à Paris. Ainsi, j’ai pu découvrir les différents métiers de l’industrie, et la gestion de projet qui m’intéressait déjà.
J’ai alors effectué une année de Game Design pour obtenir un Bachelor et mieux appréhender ce métier ainsi que les contraintes qui y sont liées. Cela m’a permis de me familiariser d’autant plus avec la programmation, apprise par le biais de mes précédentes études. L’objectif était de pouvoir continuer en Master Producing & Marketing. Ce dernier représente ce que j’apprécie le plus, et j’ai pu m’appuyer sur les connaissances acquises auparavant.
JUPDLC : Quel poste occupez-vous aujourd’hui ? Quelles sont vos missions au sein de celui-ci ?
Aurore Bury : Aujourd’hui, je travaille en tant que Narrative Designer. Je crée et détermine l’histoire et l’univers des jeux. Je veille à leur cohérence et je m’assure de la bonne intégration de la narration à travers les différentes mécaniques du jeu. Mon travail touche aussi bien au worldbuilding, c’est-à-dire à la construction de l’univers et de ses règles, qu’à la création de l’histoire des personnages et leur impact sur ce même univers.
Audrey Ferrandez : Je travaille comme 2D Artist / Graphic Designer au pôle marketing pour des jeux mobiles. Je suis en charge notamment du key-art (illustration principale qu’on voit sur les pochettes de jeu, bannières…), logos et screenshots qui seront présents sur les plateformes Google Play ou l’App Store. En dehors de mon poste, je continue d’exercer comme Game Artist sur de petits projets, et plus récemment j’interviens sur des cours d’art à l’IIM.
Ophélie Foucault : J’occupe le poste de programmeuse gameplay 3C (Camera, character, controller). Pour faire court, je code tout ce que le game designer veut que le personnage fasse en réponse aux commandes du joueur, sauf le combat. Pour ce qui est de mon projet actuel, je suis spécialisée dans la navigation.
Manon Vincent : Je suis Project Coordinator chez Ubisoft, à Bordeaux. Mes missions varient selon les jeux sur lesquels je travaille, et les équipes que j’accompagne au quotidien. C’est d’ailleurs pour ça que j’adore mon métier ! Ce que je fais aujourd’hui est différent de ce que je faisais il y a un an. En ce moment, je travaille sur le post-launch d’Assassin’s Creed Mirage. J’aide à coordonner les équipes qui travaillent sur les mises à jour que nous sortons (par exemple l’ajout du New Game+ en décembre dernier, des résolutions de bugs…), et la communication avec les équipes dites « frontline » (équipes marketing, support, community management, etc.) pour qu’elles puissent avoir toutes les informations pour leurs différentes communications (par exemple, les notes de mises à jour).
JUPDLC : Pouvez-vous présenter en quelques mots votre catégorie de métier (design, art, prog, prod) ?
Aurore Bury : Les designers s’occupent de définir les mécaniques, l’univers du jeu, de comment les exposer aux joueurs et de la manière dont le joueur utilisera ces mécaniques au sein du jeu.
On retrouve différents métiers comme les Game Designers qui définissent les différents systèmes et mécaniques du jeu. Nous avons ensuite les Level Designers qui vont donner vie à ces mécaniques en créant les différents niveaux du jeu. De même, on aura les UX Designers qui vont s’intéresser à l’accessibilité et l’ergonomie, pour rendre le jeu le plus intuitif possible. Enfin, on a les Narrative Designers, comme moi, qui vont s’occuper de la narration et de sa bonne intégration dans le jeu. Au final, les designers sont les garants de l’expérience du joueur et leur mission principale est de rendre le jeu fun !
Audrey Ferrandez : Sur une production vidéoludique, les artistes s’occupent de tous les éléments visuels que peut rencontrer le joueur. Le personnage qu’il va incarner, le décor dans lequel il va évoluer, les effets spéciaux, les couleurs, l’ambiance générale… Le tout est d’assurer une cohésion graphique entre tous ces éléments et c’est pourquoi on retrouve autant de métiers différents : Concept Artist, Character Designer, Environment Artist, UI Artist, FX Artist, Directeur Artistique…
Ophélie Foucault : Le programmeur est celui qui s’occupe de construire le jeu d’un point de vue technique. Il y a des programmeurs qui vont s’occuper du moteur qui va faire tourner le jeu, d’autres vont vérifier qu’il soit jouable en ligne, d’autres encore vont développer le corps du jeu en collaborant avec les Game Designers… Certains vont aussi effectuer des tâches plus précises comme développer un outil pour les animateurs. En résumé, il y a énormément de types de métiers et de compétences différentes en programmation, mais ce qui nous réunit tous, c’est la logique du langage informatique !
Manon Vincent : Les missions de producing varient selon les projets, la phase dans laquelle ils se trouvent, ou encore les équipes avec lesquelles on travaille. On a tous un quotidien un peu différent. La constante entre tous les métiers du producing est la coordination d’équipe. Un Project Coordinator va être au plus proche de l’équipe (comme l’équipe 3C), un Associate Producer (son manager) va avoir une vue plus macro sur plusieurs sujets (comme le scope gameplay qui compte notamment l’équipe 3C), tandis qu’un Directeur de Production va avoir une visibilité plus générale de l’avancée du projet en intégralité.
Durant la production, on ajuste les détails selon les besoins et contraintes de chaque équipe, pour les encourager du mieux possible. On peut aussi avoir d’autres sujets qui ne sont pas de la gestion d’équipe, mais qui restent essentiels à la commercialisation d’un jeu. Par exemple, sur Assassin’s Creed Mirage, j’ai pu travailler sur l’Age Rating : l’obtention des limites d’âges pour un jeu (comme le PEGI en Europe).
En producing, on est un peu comme des chefs d’orchestres : on s’assure que tout le monde a la même partition qui indique où on doit aller (la direction du jeu, l’organisation générale, les processus de production et les différentes étapes). On s’assure que tout le monde a bien compris la musique (les piliers du jeu, la direction souhaitée) et on fait en sorte que tout le monde avance ensemble (communication, organisation, planification…). L’objectif final est de livrer la plus belle performance dans les temps !
JUPDLC : Pourquoi avoir choisi cette voie ? Qu’est ce qui vous plaît le plus dans votre métier aujourd’hui ?
Aurore Bury : L’idée de travailler dans le jeu vidéo m’est venue assez tard, car je n’avais aucune idée des métiers existants ! Je joue depuis que je suis petite et j’ai découvert des jeux qui m’ont réellement marquée et impactée. Je n’avais jamais imaginé qu’un simple jeu vidéo pouvait me faire ressentir ce genre d’émotions. C’est à ce moment-là que j’ai su ce que je voulais faire. Mon souhait était de faire ressentir aux autres ce que j’avais moi-même ressenti, tout en essayant de leur apporter un peu de douceur et de fun.
De mon point de vue, le jeu vidéo est le meilleur médium pour toucher les gens car nous sommes acteurs grâce à l’incarnation d’un personnage. Ce qui me plaît le plus, c’est de voir la réaction des joueurs face à notre travail.
Audrey Ferrandez : J’ai toujours été intéressée par l’art ou les activités créatives et j’ai commencé à dessiner assez jeune. Les jeux vidéo étant également une passion d’enfance, je me suis dit qu’il était intéressant de coupler les deux. J’aime ce métier parce que c’est très visuel. On se rend rapidement compte de l’évolution au fur et à mesure du développement, du sketch jusqu’à l’art final. J’aime l’idée d’être actrice de ce que verra le joueur en premier.
Ophélie Foucault : J’ai choisi cette voie car la programmation a un côté logique et ludique qui me plaît énormément. J’ai expérimenté une autre face de cette discipline en Bioinformatique et je me suis tournée vers les jeux vidéo car ils provoquent des émotions que j’aime voir dans les yeux des utilisateurs : la joie, la tension, la fierté… Et la liberté !
Manon Vincent : Pour ma part, cette voie est venue assez naturellement, même si je suis passée par plusieurs étapes dans mon parcours. J’ai toujours aimé organiser les travaux de groupe quand j’étais à l’école, je le faisais sans y réfléchir. Je trouve ça génial d’avoir une vue d’ensemble sur plusieurs métiers, de faire en sorte que tout le monde avance ensemble. Étant donné que l’on travaille avec plein de monde, on a l’occasion de découvrir divers métiers, de process… Et cela nous permet également de rencontrer de nouvelles personnes ! Finalement, on apprend beaucoup, et ce tout au long de notre carrière.
JUPDLC : Quelles sont vos ambitions pour la suite ?
Aurore Bury : J’aimerais continuer à me spécialiser dans la narration. J’avais commencé à avancer sur mon propre projet en tant que Game Designer et j’ai pu apporter la narration au sein du jeu. J’aimerais donc continuer dans cette lancée et pousser ma formation dans ce domaine. Surtout avec l’arrivée des intelligences artificielles, qui sont un puissant outil à notre disposition. Cela demandera de l’adaptation, mais cela permettra de nous ouvrir à de nouvelles possibilités !
Audrey Ferrandez : Je compte prochainement me mettre en artiste freelance pour me consacrer davantage à la production en jeu vidéo et m’éloigner du marketing. Je testerai ça un temps mais je finirais sûrement par retourner dans un studio, possiblement pour des jeux indépendants. Mon ambition sur le long terme serait de passer Lead Artist voir Directrice Artistique d’un projet afin d’avoir un réel impact sur le produit final et d’y apporter ma propre vision.
Ophélie Foucault : J’aimerais finir le projet sur lequel je suis depuis plus de deux ans, puis je passerais probablement à un autre projet où j’aimerais évoluer horizontalement : c’est-à-dire découvrir d’autres corps de métiers plutôt que de gravir des échelons. Parmi ces métiers, j’aimerais explorer ceux relatifs à la programmation, devenir programmatrice d’intelligence artificielle, Game Designer ou alors tenter l’aventure parmi l’équipe en charge de la narration. Les possibilités d’évoluer sont multiples et les savoirs acquis dans les jeux vidéo se complètent toujours !
Manon Vincent : J’en avais une idée assez claire à l’école : je voulais être Producer ou Executive Producer. Je souhaitais pouvoir fièrement présenter mon jeu au salon de l’E3 (qui n’existe plus maintenant), porter une vision de jeu au niveau d’une équipe.
Mais depuis, j’ai découvert d’autres métiers, et la Direction de Production (moins orientée business que le métier de Producer) m’intéresse beaucoup ! Dans tous les cas, je souhaite continuer dans cette voie, supporter les équipes pour sortir de nombreux jeux cool qui feront rêver des joueurs, comme mes prédécesseurs ont pu et continuent de me faire rêver.
JUPDLC : Enfin, quel(s) conseil(s) donneriez-vous à quelqu’un qui veut se lancer dans des études de jeu vidéo en 2024 ?
Aurore Bury : Déjà, il n’y a pas besoin d’être un grand gamer. Tout le monde peut se lancer et apporter sa pierre à l’édifice. Le milieu est diversifié, avec des personnes qui viennent de tous horizons. Selon moi, il s’agit de l’un des meilleurs moteurs pour la créativité et l’originalité ! Soyez curieux et ouvert sur tout, ça ne pourra être que bénéfique !
Audrey Ferrandez : J’ai longtemps cru que l’industrie du jeu vidéo n’était pas accessible, je ne savais même pas qu’il existait des écoles pour s’y former. Alors mon premier conseil, ce serait de bien se renseigner sur les formations et ne pas avoir peur de se lancer.
Ensuite, s’il y a des artistes en devenir, travaillez votre créativité, votre imaginaire et surtout soyez curieux ! Découvrez les jeux, et pas seulement les gros : les petits jeux indépendants valent également le coup, et c’est souvent ceux qui prennent le plus de risques. Enfin, croisez les médiums : qu’il s’agisse de cinéma d’animation, de littérature, ou encore de spectacle vivant, l’inspiration peut se trouver partout !
Ophélie Foucault : Je leur dirais de ne pas avoir peur d’apprendre, d’expérimenter, de tester, de chercher. Toutes les réponses sont accessibles si l’on cherche bien ou que l’on fait preuve d’un peu de logique. Et plus ils expérimentent, plus il est facile de s’insérer dans ce milieu. Même s’il s’agit de petits prototypes mal construits, ce qui se remarquera, c’est l’envie de faire et de découvrir !
Manon Vincent : C’est difficile de n’en choisir que quelques-uns ! Pour tous les métiers, je dirais qu’il faut travailler son anglais. Pas besoin d’être bilingue, mais comprendre et savoir s’exprimer simplement est très important car on travaille avec des gens à l’international.
Même à Bordeaux où il y a une majorité de Français, toute notre documentation est en anglais ! Il faut aussi s’intéresser à la culture : essayer tous types de jeux, regarder des films ou des séries, lire, aller au musée… Cela permet de travailler son ouverture d’esprit et sa créativité !
Enfin, plus particulièrement pour le producing, il faut s’intéresser à tous les métiers. On ne vous demande pas de savoir rigger un personnage (créer et lier un squelette au modèle 3D), ou coder des features (fonctionnalités), mais regardez des conférences, lisez des articles de blog… Et de dans l’objectif de comprendre le métier de vos collègues, leurs besoins, leurs contraintes. Cela vous permettra de mieux les aider au quotidien et vous aidera à prendre certaines décisions cruciales !
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