Peut-on faire de l’influence dans le secteur de la santé ?

En collaboration avec Istec
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La santé s’expose ! À l’heure où les réseaux sociaux prennent une place toujours plus importante dans notre quotidien, ce secteur s’affiche sur TikTok, Instagram, Twitter, ou encore, YouTube. Il élargit ses canaux de communication et mise sur divers formats pour fédérer une véritable communauté : vidéos courtes, carrousels, articles, podcasts, UGC, live, etc. Notons que cette amplification passe également par de nouveaux relais d’opinions : les influenceurs santé. Des professionnels, des spécialistes, des pharmaciens, des paramédicaux, des étudiants, des internes, ou encore des patients ; qui vulgarisent, illustrent, expliquent, témoignent, renseignent et inspirent de nombreux internautes. Les paroles se libèrent. Mais dans ce milieu très encadré, peut-on réellement faire de l’influence ? La réglementation en vigueur est-elle adaptée à ce phénomène ? Qui sont ces nouveaux leaders d’opinion ? Décryptage.

 

Le milieu de la santé n’échappe pas aux tendances

La communication digitale et la force de la vidéo sont aujourd’hui des éléments clés pour toucher un public plus large, plus jeune, plus sollicité et au temps de concentration moindre. Deux tendances auxquelles n’échappe pas le secteur de la santé. Ou devrait-on dire l’e-santé ? À titre d’exemple, l’Assurance Maladie a créé l’année dernière le compte Instagram @Mes_tips_santé, avec l’agence ici Barbès. L’objectif ? Y partager des Reels (dont des micros-trottoirs), des Stories et des jeux (des quiz ou encore des vrais/faux) pour informer les 16-25 ans sur l’accès aux soins, le système de santé en général, mais aussi y faire de la prévention de façon simple et ludique.

Ainsi, pour suivre le rythme, les acteurs concernés misent de plus en plus sur des stratégies omnicanales et passent notamment par des tiers : les créateurs de contenus, en lien avec leur domaine. Ces derniers sont en effet de plus en plus sollicités. Ils partagent leurs conseils, diffusent des chroniques, lancent des challenges, décryptent une actualité, lancent des discussions, déconstruisent les tabous, font de la sensibilisation, donnent des cours d’éducation sexuelle… Et ce, dans un contexte où la recommandation et la proximité font loi, au détriment des médias de masse et impersonnels. Ces nouveaux relais d’opinion permettent donc d’informer les plus curieux, de répondre rapidement aux interrogations croissantes des internautes, mais aussi de rassurer les patients et leur permettre de relativiser. Notons que l’engouement pour cette pratique et ces profils sont tels, que certaines agences d’influence ont choisi de se spécialiser dans l’e-santé, à l’image de Findly.

Podcast


Enfin, ces influenceurs santé ont également à cœur de lutter contre les « fake news » et la désinformation. À ce titre, en avril 2021, le Lab Médicament et Société – un laboratoire d’idées, mis en place par Leem – a tenu son 1er colloque en visioconférence : « Les fake news nuisent gravement à la santé ». Que retenir ? Seule une action collective, incluant les voix des réseaux sociaux, pourrait limiter leur propagation.

« Les acteurs du secteur de la santé font face à une hausse des fake news et de la désinformation. Nous avons donc travaillé sur un programme avec l’objectif de développer chez les étudiants une vision systémique et les outiller à agir », détaille Jihane Chaari, Doctorante et Responsable Majeure Santé & Silver Economy à l’Istec Business School Paris. « Les étudiants reçoivent une formation sur les concepts fondamentaux de la santé publique, comprenant une introduction ainsi que les déterminants de santé. En d’autres termes, ils acquièrent des connaissances scientifiques pour prévenir les maladies, favoriser la longévité et améliorer la santé mentale et physique. De même, les étudiants bénéficient d’un module dédié à la communication de crise qui leur permet de détecter une crise, diagnostiquer l’ampleur du phénomène et agir. À ce titre, ils sont évalués sur des mises en situation pratique de “temps de crise”. Et ce, afin qu’ils puissent s’approprier la détection des signaux faibles, l’analyse du risque, puis mettre en place des stratégies appropriées à la gestion de crise et à la prévention. Ainsi, les étudiants sont accompagnés afin qu’ils développent des soft skills notamment savoir agir dans une période de stress continu et être en capacité de mener des actions dans un contexte instable. Enfin, l’IA a amplifié la diffusion des fake news et de la désinformation. Nos étudiants bénéficient en 2e année d’un module adapté, spécifique à ce sujet. »

Si ce marché de l’influence ne date pas d’hier, il a été boosté par la crise sanitaire liée à la Covid-19. Depuis, il s’est diversifié, approprié de nouveaux codes et crée sa propre réussite. Nul doute : le milieu de la santé a su se renouveler et rajeunir son audience… Même si de nouvelles questions se posent !

 

Qui sont les influenceurs de la santé ?

Deux catégories sortent du lot.

Les professionnels

En premier lieu (et en majorité), nous avons les professionnels de santé, issus de différents horizons. Des kinésithérapeutes, des médecins généralistes, des soignants, des pharmaciens ou encore de jeunes praticiens… Ces derniers utilisent les réseaux sociaux pour faire connaître leurs services, évidemment ; mais aussi pour être plus proches de leurs patients, distiller leurs conseils santé et bien-être, échanger avec des confrères ou vulgariser des notions scientifiques et médicales. Les sujets pouvant être plus ou moins complexes. Il est important de noter que TikTok s’est rapidement imposé comme une place de choix : ce réseau social réinvente la communication de la santé, avec un angle « léger » et divertissant.

Voici 5 profils qui sortent du lot :

  • Dr Never

Ce chirurgien-dentiste ne passe pas inaperçu sur TikTok (3,2 M d’abonnés). Il s’est fait connaître par sa phrase « Ne faites jamais ça » en parlant d’ouvrir des canettes avec ses dents, de se les limer, ou encore de suivre des tendances absurdes comme les « dents de requins ».

 

@dr.neverQui a des bagues?♬ son original – Dr.NEVER

  • Major Mouvement

Ce kinésithérapeute passionné est avant tout connu sur YouTube (1.13 M d’abonnés). Il y vulgarise son métier, déjoue les idées reçues – sur les postures, par exemple – et y partage des astuces concrètes pour vous aider à vous reprendre en main (sans mauvais jeu de mots).

 

  • Docteur Iza

Ce médecin pathologiste connaît un succès certain sur TikTok (1,7 M d’abonnés). Il faut dire que son contenu est peu commun, puisqu’il montre, analyse et manipule de vrais organes dans ses vidéos.

 

@docteur_izaMedecin vs Chatgpt !♬ son original – Docteur Iza

 

  • Les Conseils Pharma de Léa

Cette Docteur en Pharmacie, experte en nutrition et micronutrition, mais aussi formatrice, aborde régulièrement différents troubles (digestifs, immunitaires, nerveux, dermatologiques…). Et ce, en détaillant les symptômes et en préconisant des remèdes naturels. Un contenu qui fédère 101 k abonnés sur Instagram.

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Crédit photo : Instagram / @les.conseils.pharma.de.lea

 

  • Carla Valette

Cette interne en médecine à Toulouse a séduit plus de 2.7M d’abonnés sur TikTok. Elle est réputée pour faire de la vulgarisation médicale. Pour choisir ses sujets, elle répond aux questions et problèmes de ses abonnés directement.

 

@carla.valette Vlog dans un estomac 🥲 #fibroscopie ♬ snowfall – Øneheart & reidenshi

 

Les « patients »

Une autre « catégorie » se distingue dans ce paysage de l’influence santé : celle des patients (et leurs proches). Sur les réseaux sociaux, ils se confient, se livrent, décrivent leur quotidien et abordent des sujets sensibles voire tabous. Ils ont plutôt des profils de micro-influenceurs. Ces prises de paroles peuvent être perçues comme une forme de thérapie : elles leur permettent de trouver du réconfort mais aussi de soutenir les internautes vivant la même situation.

Voici 2 profils inspirants :

  • Julie Bourges ou @douzefevrier

Cette grande brûlée raconte sur Instagram son accident mais aussi sa reconstruction, physique comme psychologique. Elle ne cache pas ses cicatrices et apprend à les assumer jour après jour. Son positivisme inspire une communauté de 641 k abonnés, auprès de laquelle, elle ne manque pas de faire de la prévention.

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Crédit photo : Instagram / @douzefevrier

 

  • Elise & Anne ou Aide Diab’

Connues sur YouTube (27,1 k abonnés), ces sœurs jumelles marseillaises sont diabétiques de type 1. Elles utilisent les réseaux sociaux pour en parler, décrire les symptômes, mettre à mal les clichés sur cette maladie chronique, expliquer le fonctionnement des capteurs…

 

Autres

Évidemment, beaucoup d’autres influenceurs (en particulier lifestyles) prennent la parole – ou sont sollicités pour la prendre – sur des sujets liés à la santé, de façon plus ponctuelle. Ils contribuent ainsi à sensibiliser ou faire de la prévention auprès d’un large public. En particulier pour des « moments forts », comme le mois de sensibilisation aux cancers de la prostate et des testicules (Movember : @anilbrancaleoni, @joe_sugg…), celui dédié au cancer du sein (Octobre Rose : @justezoe, @dianesegard, @valvitti…) etc. Invitant ainsi leurs communautés à se faire dépister, à s’approprier les gestes simples mais aussi à se renseigner.

Autre exemple : la journée mondiale de lutte contre le Sida (1er décembre). Attardons-nous sur l’opération menée par la Plateforme Prévention Sida et l’agence BeInfluence Europe, en 2022. Ces dernières ont parié sur le marketing de contenu pour contrecarrer les discriminations dont sont victimes les personnes vivant avec le VIH. Pour ce faire, elles ont fait appel à des nano, micro et macro-influenceurs francophones, sur TikTok et Instagram. Leurs missions ? Informer leurs audiences sur ce qu’est le VIH/SIDA, mais aussi véhiculer plusieurs messages sur son mode de transmission, le dépistage et le traitement… Bref, ils ont vulgarisé l’information auprès du plus grand nombre, pour contribuer à la lutte contre les discriminations qui sont, encore aujourd’hui, faites aux personnes vivant avec le VIH.

Néanmoins, le milieu de la santé n’est pas épargné par les dérives de son influence.

Une stratégie assez réglementée ?

Notons ceci : les usages évoluent et avancent, généralement, plus rapidement que la réglementation concernée.

Une succession de scandales et polémiques

En juillet 2022, une tendance fait le buzz sur internet et suscite la colère des « vrais malades » : plusieurs influenceurs utilisent (et poussent leur communauté à faire de même) des capteurs de glucose pour contrôler leur consommation de sucre et ainsi mincir. Alors qu’il s’agit d’un dispositif médical utilisé par les personnes diabétiques, des personnalités publiques le réduisent à un accessoire de beauté et « bien-être ». Ce qui contribue à banaliser une maladie encore trop mal comprise, à décrédibiliser le combat des malades et minimiser leur réalité. Et le scandale continue en 2023, avec le succès de l’Ozempic sur TikTok. L’usage de cet antidiabétique est lui aussi détourné, pour ses propriétés amaigrissantes. Ce qui inquiète les médecins, multiplie les ordonnances falsifiées et engendre des tensions d’approvisionnement.

Autre exemple, en novembre 2022, un influenceur fait la promotion sur Snapchat de gélules capables de « guérir le cancer ». Il s’agit de Dylan Thiry, un ex-candidat de téléréalité, habitué aux placements de produit. Il vante ainsi les mérites de son « produit miracle », sans aucune éthique ou compétences médicales ; et partage même un code promo. « Je vais vous dire un truc qui est une dinguerie, je vous promets que je vous dis la vérité, c’est hallucinant. Unicity, ils ont une euh… Ils ont quelque chose qui guérit, euh… les cellules cancérigeuses. Ce n’est pas vendu en France ni en Europe parce que c’est interdit. Ils ne veulent pas ! C’est beaucoup plus intéressant pour eux que vous alliez à l’hôpital et que vous payiez une blinde ». L’annonce n’a pas manqué de choquer les internautes dès sa diffusion – au même titre que la vidéo de Maeva Ghennam (septembre 2021), une autre personnalité issue de la téléréalité, qui faisait la promotion de la chirurgie esthétique du vagin – incitant Dylan à la supprimer.

Plus récemment, en février 2023, une TikTokeuse américaine de 19 ans prétend se battre contre un cancer du pancréas de type 2, avec un « taux de survie de 11% ». Elle explique alors lancer une cagnotte pour pouvoir l’aider à prendre en charge le “coût des frais médicaux” et collecte l’équivalent de 33 000 € de dons. Elle est démasquée par les internautes eux-mêmes, qui constatent de plus en plus d’incohérences dans ses contenus. Des anomalies validées par des professionnels de santé qui ont aussitôt prévenu les autorités. Aujourd’hui, elle risque jusqu’à 10 ans de prison.

Au même moment en France, les dermatologues s’insurgent contre « le Cicatrice Challenge », lancé sur TikTok. Celui-ci consiste à se défigurer en se pinçant le visage jusqu’à créer des traces rouges et des marques « fictives ». Un nouveau délire très populaire chez les collégiens, promu par des nano influenceurs… qui n’est pas sans risque. En effet, certains professionnels affirment que ces pincements peuvent provoquer des dysfonctionnements sanguins et créer des blessures permanentes chez certains.

 

Les règles à suivre pour mettre fin à la « loi de la jungle »

La communication dans le secteur de la santé est régie par une déontologie stricte. Typiquement, un professionnel de ce milieu ne doit pas tirer parti de son image ou faire de la publicité (article 13 du Code de déontologie médicale), mais il peut – et se doit – d’informer sur les pratiques de soins. Les placements de produit sont prohibés. De même, toute communication doit être transparente, faite de manière objective et sans promesse de guérison. Notons enfin qu’un grand nombre d’acteurs, dont les laboratoires, se réfèrent à la « Charte pour la communication et la promotion des produits de santé (médicaments et dispositifs médicaux) sur Internet et le e-media » (2014). Cet encadrement impacte évidemment les créateurs de contenu.

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Crédit photo : Adobe Stock / rh2010

Ces derniers doivent notamment respecter les recommandations déontologiques et éthiques de l’ARPP. À ce titre, mentionner une collaboration commerciale de manière explicite, n’est plus une option mais bien une règle d’or. Outre les règles de transparence, la conformité au regard d’autres règles comme celle liée aux allégations santé, est également observée. De plus, les influenceurs santé doivent se plier au décret d’application n° 2019-1530 de décembre 2019 (dans le cadre du plan Ma Santé 2022). Ce dernier précise les informations que les entreprises pharmaceutiques doivent rendre publiques dans le cadre des conventions passées avec les influenceurs. Des relais d’opinion qui sont alors définis de la façon suivante : « des personnes qui, dans les médias ou sur les réseaux sociaux, présentent un ou plusieurs produits de santé, de manière à influencer le public ». Voici donc les informations à mettre en avant :

  • Les conventions conclues ;
  • Les rémunérations versées et les avantages consentis à ces personnes ;
  • La dénomination sous laquelle le créateur de contenus exerce son activité d’influence.

Néanmoins, au vu des dérives évoquées précédemment – plus ou moins récentes – la réglementation ne semble pas suffisamment adaptée aux usages actuels des réseaux sociaux, notamment par le biais des influenceurs. Il est donc nécessaire de la faire évoluer pour remédier à l’absence de cadre clair, sur la sollicitation des créateurs de contenu.

Conscients de ce phénomène et de son ampleur, les députés ont adopté à l’unanimité un texte transpartisan, le 30 mars dernier, pour mieux encadrer les pratiques commerciales controversées des influenceurs sur les réseaux sociaux. Entre les partenariats rémunérés non explicites et les arnaques, la pression est montée d’un cran pour réguler le marché. Et l’influence dans le milieu de la santé n’est pas épargnée. Outre la définition légale donnée aux influenceurs, le texte interdit certaines pratiques, dont la promotion de la chirurgie esthétique. En cas de manquement, les contrevenants encourront jusqu’à 6 mois de prison et 300 000 € d’amende. De même, les influenceurs n’ont pas le droit de faire la promotion de remèdes fallacieux.

« Je pense qu’il reste du chemin à parcourir en matière de digital literacy et la capacité des individus à utiliser les technologies pour trouver une information fiable, développer un esprit critique et du discernement », conclut Jihane Chaari, Doctorante et Responsable Majeure Santé & Silver Economy à l’Istec Business School Paris. « Je reste confiante car les outils technologiques permettent aussi de lutter et gérer efficacement les fake news. Nous pouvons tous agir individuellement en signalant et en ne partageant pas de fausses informations ! Les organisations s’emparent du sujet et mettent en œuvre des stratégies de prévention et de formation de leurs collaborateurs. Enfin les pouvoirs publics ont mis en place un cadre législatif pour sanctionner les différentes formes d’infox depuis 2018. Sans oublier que depuis le mois de juin 2023, les créateurs de contenu et influenceurs doivent respecter un cadre juridique. La France est le 1er pays à mettre en œuvre un cadre pour réguler l’influence commerciale et interdit de faire la promotion en santé de pratique de chirurgie esthétique ou de dispositifs médicaux ! »

 

Pour résumer, oui, il est possible de faire de l’influence dans le secteur de la santé, mais pas n’importe comment ! Celle-ci doit être exercée de manière éthique, transparente et fondée sur des preuves scientifiques. Elle doit également respecter les règles déontologiques, pour éviter de potentielles dérives. Enfin, la prudence est – et doit rester – de mise.

 

Pour en savoir plus sur l’Istec, rendez-vous sur sa page école dédiée !

Page école Istec Business School Paris

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