Déjà récompensée pour sa collaboration avec la Maison Guerlain pour le projet Reaverse, en 2022, l’agence parisienne MNSTR dévoile un nouveau film pour la marque ! Sa particularité ? Il est réalisé en collaboration avec une intelligence artificielle (IA), à l’occasion des 170 ans du célèbre Flacon aux Abeilles. Près de 1 800 images ont ainsi été générées par ladite technologie. Elles ont ensuite été assemblées en un film intitulé « Born in 1853. Made for the future », qui retrace l’illustre histoire du flacon. Celui-ci s’immisce dans les différents courants artistiques, à travers les époques, puis se projette dans un futur utopique !
Pour en savoir plus sur cette campagne, nous avons interrogé Louis Bonichon, Directeur Créatif de MNSTR. Retrouvez ses réponses à la fin de l’article !
Un modèle IA sur-mesure !
L’agence MNSTR a déjà eu l’occasion d’explorer la question de l’intelligence artificielle lors de son cycle de conférence MNSTR 3030. Et ce, en mars 2023. Elle s’est donc rapprochée du studio digital Bonjour Lab afin de développer et entraîner un modèle d’intelligence artificielle sur-mesure, capable de reconnaître et reproduire le Flacon aux Abeilles de Guerlain, là où les outils existants n’y parvenaient pas.
En parallèle, une étude approfondie de l’histoire de l’art et une exploration des archives de La Maison Guerlain ont permis d’inscrire le Flacon aux Abeilles dans les moments clés de son histoire. Chacun de ces moments, passé ou futur, a ensuite été synthétisé sous forme de prompt rédigé par les équipes de l’agence MNSTR. Ce travail fastidieux – mais essentiel – démontre une fois de plus l’importance de l’apport humain dans la collaboration avec l’IA.
Louis Bonichon, Directeur de création & Cofondateur de MNSTR, commente : « Il y a peu de maisons qui peuvent revendiquer d’avoir un objet assez atemporel pour traverser 170 ans d’histoire. Nous voulions partager ce patrimoine mais à travers le prisme de la Science-Fiction. Dans la forme nous avons utilisé L’IA. Cela nous a permis de représenter le flacon à travers les grands courants picturaux. Mais aussi parce que c’est le langage visuel le plus récent. Dans le fond, c’est un voyage dans le temps. Ce dernier nous ramène aux origines en 1853 pour nous projeter dans un futur lointain… dans 170 ans. Cela qui nous donne l’occasion de célébrer le flacon aux abeilles dans des décors surréalistes et inédits. »
3 règles d’or entourent ce projet innovant
À l’heure où des voix s’élèvent quant à l’usage des outils d’art génératif à des fins créatives – souvent au détriment des artistes – l’agence MNSTR a cherché à sortir d’une opposition binaire entre l’homme et la machine. Sa volonté ? Considérer l’IA comme une alliée créative. À cette fin, l’agence s’est attachée à établir une ligne de conduite claire vis-à-vis de l’utilisation des outils d’art génératif. Trois règles ont ainsi été établies :
- Chaque image générée résulte d’une collaboration entre la main humaine et l’intelligence artificielle. L’IA n’est jamais seule force de proposition créative.
- La main humaine et l’intelligence artificielle travaillent ensemble à élever le geste artistique vers une excellence créative qu’elles n’auraient pas pu atteindre seules.
- Les imperfections et étrangetés – caractéristiques de l’art génératif – ne doivent pas être effacées. Car elles sont les marques d’une exploration créative inédite.
« Born in 1853. Made for the future »
Le film « Born in 1853. Made for the future » sera diffusé au salon Vivatech de Paris du 14 au 17 Juin dans un format immersif inédit permettant aux visiteurs d’explorer les époques et les prompts associés à chaque image générée. Le film sera également disponible sur les réseaux sociaux de Guerlain ainsi que sur son site internet.
Martin Friedrich, Planneur stratégique chez MNSTR, explique : « L’IA écrit, code et dessine mieux que nous, c’est un fait. Cependant, l’apport humain a été essentiel dans la création de ce film. Et ce, pour identifier les étapes historiques clés qui ont fait la réputation du flacon aux abeilles. Mais aussi pour maîtriser les références en histoire de l’art pour adresser des requêtes précises à l’IA et sélectionner les rendus les plus qualitatifs. En ce sens c’est une vraie collaboration dans laquelle nous jouons davantage le rôle de directeur artistique que d’exécutant ! Même si l’IA a mauvaise presse ces temps-ci, nous restons persuadés qu’elle reste une alliée intéressante dans nos ambitions créatives. Encore faut-il s’imposer une ligne de conduite pour se prémunir des dérives que l’on connaît aujourd’hui. »
Ann-Caroline Prazan, Directrice Art, Culture & Patrimoine Internationale chez Maison Guerlain, complète : « L’histoire de Guerlain est depuis toujours profondément ancrée dans le monde de l’art et la recherche du beau. Fidèle à cette ambition, la Maison Guerlain ne pouvait pas rester étrangère au monde de l’art génératif. Et a souhaité lancer de premières explorations. Le 170ème anniversaire de notre Flacon aux Abeilles a été l’occasion rêvée pour sublimer la richesse de son héritage. Mais aussi la projeter dans les 170 ans à venir. »
Podcast
Notre équipe a voulu en savoir plus sur ce projet ! Nous avons donc interrogé Louis Bonichon, Directeur Créatif de MNSTR.
Ils nous en parlent !
JUPDLC : D’où vient l’idée de cette campagne ? Quel a été le déclic ?
Louis Bonichon : 2023 était l’année du 170ème anniversaire de la Bee Bottle. Le flacon qui a consacré la Maison Guerlain. Nous nous sommes intéressés à son histoire et nous avons remarqué que son design avait traversé les époques, sans évoluer. C’est une permanence et un héritage que peu de maisons de luxe peuvent revendiquer.
Parallèlement, 2023 était aussi l’année de l’IA et du « text to image ». Des mots désormais présents dans presque toutes les discussions. Ce qui caractérise cette technologie c’est le temps ultracourt : tout évolue très vite, tout est obsolète très vite.
Nous nous sommes dit qu’il y avait certainement quelque chose de fort à faire en confrontant le temps long – qui est l’histoire du flacon – et le temps court de l’IA. Et Mathieu Nicou, Directeur du Digital Chez Guerlain nous a encouragés à explorer cette voie.
JUPDLC : Pourquoi diffuser votre film au salon VivaTech ? En quoi cette diffusion fait-elle sens ?
Louis Bonichon : VivaTech offre l’opportunité de présenter ce travail à un public sensible à l’approche technologique : étudiants, curieux, journalistes, professionnels… Ce contexte – où tout est ultra-innovant, moderne et futuriste – offre un contraste pour présenter un film « historique ». Cela permet à Guerlain de faire rayonner son patrimoine sous un angle avant-gardiste.
L’évènement VivaTech devient aussi un rendez-vous pour la Maison Guerlain qui vient présenter chaque année un nouveau chapitre de son histoire sous l’angle de l’exploration technologique. L’année dernière nous y avions présenté le projet Reaverse.
JUPDLC : Comment murmurerez-vous à l’oreille des IA ? Comment avez-vous rédigé les prompts de cette campagne ?
Louis Bonichon : Il a fallu commencer par apprendre à une IA ce qu’était la Bee Bottle, sur un serveur privé pendant plusieurs jours. Puis, nous avons travaillé avec le patrimoine de la marque pour définir les dates clés. Nous avons littéralement conçu et « écrit » les images qui caractérisent les époques que nous voulions représenter. L’IA faisait ensuite la synthèse, avec plus ou moins d’erreurs et d’accidents.
JUPDLC : L’IA fascine autant qu’elle inquiète. Certains pensent même qu’elle va remplacer les hommes pour certains métiers créatifs. Ce n’est pas la vision de MNSTR qui en fait un « allié ». Pouvez-vous nous expliquer ? Comment vous adaptez-vous à la montée en puissance de cette technologie ? Comment composez-vous avec elle ?
Louis Bonichon : Nous aussi, l’IA nous fascine autant qu’elle nous inquiète. Pour en avoir « moins peur » nous voulions assez vite mettre les mains dans cette technologie. Ce projet nous a permis d’approfondir nos connaissances et de continuer à apprendre de nombreuses choses. Nous partons du principe que nous devons essayer de collaborer avec l’IA, comme si nous devions collaborer avec un être humain. Comme un humain, l’IA va interpréter et faire des erreurs.
Il y aura une marge d’erreur : parfois elle va dupliquer la bouteille, mal écrire un mot, proposer un élément complètement incongru… Mais c’est à travers cette marge d’erreur et d’imprévu que l’IA exprime sa « créativité ».
Une partie de notre travail – et celui de nos partenaires, comme Bonjour Lab ici – était d’orienter et de tempérer l’intensité de cette « créativité ». Car si on ne lui en donne aucune, on la réduit à un outil comme Photoshop ou After Effect… Cela ne nous semble pas très intéressant. À l’inverse, si on lui en donne trop, on ne comprend plus vraiment ce qu’elle exprime. C’est à nous de trouver l’équilibre qui exprimera la juste sensibilité.
JUPDLC : Comment voyez-vous l’avenir des métiers créatifs ?
Louis Bonichon : J’ai l’impression que ces outils vont offrir aux auteurs la capacité de donner vie à leurs idées. Ces créatifs qui, jusqu’ici, avaient du mal à financer l’exécution visuelle de leurs idées vont pouvoir plus « facilement » nous partager leurs visions. Ce sont aujourd’hui les plus compétents pour le faire. Le « texte » qu’on a mis un peu de côté ces dernières années est en train de faire un gros retour en force.
Pour en savoir plus sur MNSTR, rendez-vous sur sa page dédiée !
