La création de contenu est, à l’ère du digital, incontournable pour de nombreuses entreprises. Selon Plezi, 44% des entreprises ont d’ailleurs embauché un salarié qui s’occupe à temps plein de la création de contenu. Dans ce contexte, le Content Manager est le référent de toute stratégie de content marketing. Responsable de l’image de marque, son rôle est essentiel. Le Content Manager doit par conséquent faire preuve de créativité et de rigueur afin de se démarquer de la concurrence tout en assurant la diffusion des contenus auprès du grand public.
Comment devenir Content Manager ? Quelles sont les qualités requises pour occuper ce poste ? Quelles études suivre pour se former ? Comment rester informé des dernières tendances dans un milieu en constante transformation ? Pour répondre à ces différentes questions, nous avons rencontré Alexia Tounissoux, intervenante à l’ECITV et Social Media Manager.
JUPDLC : Tout d’abord, pouvez-vous nous expliquer qui est le Content Manager ? Quelles sont ses missions ?
Alexia Tounissoux : Le Content Manager est responsable de l’image de marque d’une entreprise ou d’une personne sur internet. Il participe à l’élaboration de la stratégie de communication, produit ensuite des contenus visuels ou rédactionnels, gère leur diffusion et analyse les résultats. On parle bien sûr de contenus sur les réseaux sociaux, mais aussi d’articles, de brochures ou de newsletters. En gros, il se situe entre le Community Manager et le Social Media Manager, avec une forte dimension marketing et éditoriale.
JUPDLC : Selon vous, quelles compétences (hard et soft skills) faut-il avoir pour exercer ce métier ?
Alexia Tounissoux : Un poste aussi vaste nécessite de nombreuses compétences… ! Pour ma part, je pense qu’il faut avant tout avoir une profonde appétence pour la captation d’images et la création de contenus, tout en étant très bon en gestion de projet. Savoir être résilient et faire preuve de patience est aussi très important, car le monde des réseaux sociaux est sauvage et compétitif !
Il faut s’y connaître en montage vidéo, développer des compétences rédactionnelles et éditoriales solides et comprendre comment analyser ses KPIs. Enfin, faire preuve de leadership et s’y connaître en SEO et un peu en code HTML, ça aide toujours !
JUPDLC : Quelles étapes faut-il suivre afin d’élaborer une stratégie de contenu efficace ?
Alexia Tounissoux : J’ai l’impression qu’il n’y a pas forcément de “bonne” réponse à cette question. J’ai rencontré beaucoup de CM et SMM qui avaient chacun leur façon de faire et de s’organiser. Mais il y a bien sûr des étapes indispensables à connaître !
J’apprends à mes étudiants de l’ECITV à d’abord discuter avec leur client et à faire un audit RS pour définir en détail ses attentes (plus de ventes sur sa boutique, gagner en notoriété etc.), c’est ce qu’on leur apprend dès leur Bachelor. Ensuite, on peut définir ses objectifs de communication, établir son benchmark, définir sa cible et son persona, travailler son storytelling… Je propose toujours de créer un moodboard d’inspiration à montrer au client, cela permet de savoir si on est bien sur la même longueur d’onde, avec la même vision de la communication à mettre en place.
Puis, on travaille son planning éditorial en fonction des éléments déduits en amont, on valide avec le client les contenus et les scripts. Une fois que tout ce travail est parfaitement mené, on peut passer à la partie fun : la création de contenu ! Il faut tout de même retenir deux choses très importantes dans l’élaboration d’une stratégie de contenu :
D’abord, que c’est un travail de dentelle : si une étape est mal menée ou bâclée, c’est tout le rendu qui en pâtira ! Chaque étape est connectée aux autres et chaque chose mise sur papier définit la façon dont on va aborder l’étape qui suit.
Ensuite, il faut savoir que cette stratégie est vivante et évolue avec le temps, les tendances, les changements d’algorithmes, les nouvelles plateformes où les nouveaux concurrents qui émergent. Par conséquent, il faut la voir comme une entité à part entière qu’il faut constamment retravailler. Ça peut paraître bizarre, mais humaniser mes stratégies de communication en leur donnant un nom (souvent celui de mon persona d’ailleurs) m’aide à ne pas oublier le cadre dans lequel j’exerce, à checker constamment si elle est à jour, savoir si elle regarderait une vidéo dont je viens d’avoir l’idée, ou lirait une newsletter que je viens d’écrire.
JUPDLC : Auriez-vous des exemples de stratégies de contenu qui vous aient particulièrement marquées ? Pourquoi ?
Alexia Tounissoux : Me vient directement en tête la communication de Burger King que je trouve, comme beaucoup, très sympa, notamment le tweet sur la prise de poste de Gabriel Attal après qu’Elisabeth Borne ait quitté le gouvernement. Une chaîne de fast-food n’a pas vraiment d’intérêt à être sur un terrain politisé, mais ils ont tout de même réussi, par un jeu de mots tout à fait basique, à utiliser cette actu politique pour renforcer leur image de marque. C’était une opportunité très bien saisie !
En ce moment, je suis aussi de près le compte Instagram de Kilmaruig : il crée des vidéos dans des lieux habituellement hautement fréquentés, mais dans lesquels il se retrouve seul. Probablement qu’il traite ses images en post-prod pour donner l’illusion d’espaces complètement vides. Le rendu des vidéos est très bon, mais le génie autour de ses contenus est qu’il raconte toute une histoire dans laquelle il explique être l’un des seuls survivants de l’espèce humaine dans un futur proche et un peu apocalyptique. C’est incroyablement bien mené, les gens commentent en masse et il ne lâche jamais son storytelling, j’adore !
JUPDLC : Pour gérer efficacement son contenu, quels sont les outils que vous conseillez ?
Alexia Tounissoux : Je suis une puriste ! J’utilise quand je le peux les programmateurs des réseaux sociaux pour programmer mes contenus et parfois rajouter mes sous-titres, ça aide à se mettre les algorithmes dans la poche d’ailleurs ! Et quand cette option est impossible, j’utilise Metricool.
À part ça, j’utilise CapCut pour le montage et l’édition, qui est pour moi le plus pratique car il permet de basculer du desk au mobile très facilement. Canva évidemment, un must-have pour tout créateur de contenus ! VSCO et Snapseed pour la retouche photo et de temps en temps Photoshop. Podcast Enhance pour le traitement du son et Audacity pour le montage audio. Brevo pour les newsletters et les e-mailings. WordPress pour les sites web et Notion pour la gestion de projet (ma vie serait un chaos intersidéral sans lui !).
JUPDLC : Dans le domaine du marketing, tous les métiers sont intimement liés. Quelles sont les relations du Content Manager avec les autres métiers ?
Alexia Tounissoux : Elles sont nombreuses. D’une part, le Content Manager doit s’assurer que la stratégie de communication réfléchie et travaillée en équipe est correctement mise en œuvre sur internet, que ce soit sur les réseaux ou dans ses publications rédactionnelles. Il doit également faire les remontées nécessaires sur les statistiques qu’il récolte si jamais les retombées de la stratégie de communication ne sont pas celles espérées. Cela s’illustre par le respect d’un wording, d’une charte graphique ou d’une façon de parler par exemple.
Ensuite, s’il travaille en collaboration avec un service vidéo ou graphiste, il doit s’assurer que les contenus créés soient partageables et diffusables sur tous les réseaux sociaux, avec le bon format et la bonne durée, dans le respect de l’identité visuelle de la marque. Je dis toujours que c’est un poste un peu schizophrénique car il est à la fois chef d’orchestre et serviteur de la stratégie de communication, et donc de l’équipe dont il fait partie !
JUPDLC : Pour un étudiant désireux de s’orienter dans le secteur, quelle formation suivre ?
Alexia Tounissoux : Je ne pense pas qu’il y ait de voie royale pour devenir Content Manager, j’en suis d’ailleurs le parfait exemple puisque j’ai fait des études de journalisme ! Mais si je devais reprendre les études pour exercer mon métier actuel, je choisirais un parcours axé sur le marketing digital et la captation d’images pour avoir des fondations solides, comme celle proposée par l’ECITV.
Elle est très complète et surtout dispensée par des professionnels en activité comme moi qui ont une réalité du terrain. Couplée à l’alternance dès la première année, cela assure une professionnalisation rapide et efficace. Car rien ne vaut la pratique : le digital ne s’apprend pas entièrement dans une salle de classe, il faut tester les choses et être au courant des dernières tendances !
JUPDLC : Lorsque l’on est Content Manager, comment se former et s’informer sur les dernières évolutions du marché ?
Alexia Tounissoux : Chaque jour, je prends 30-45 minutes et je tape simplement dans Google des recherches types « actualités réseaux sociaux » ou « actualités marketing » … Je regarde évidemment les dernières publications de JUPDLC !
L’arrivée des canaux de discussions a grandement facilité l’accès aux actus chaudes, puisque beaucoup d’experts du secteur partagent les dernières tendances ou changements d’algorithmes. Je suis notamment Adam Mosseri, aka « Monsieur Instagram » ou des spécialistes des réseaux sociaux comme Nina Gambin, derrière le compte @callmevoyou.
JUPDLC : Quels sont, aujourd’hui, les principaux challenges pour intégrer le monde du travail en tant que Content Manager ?
Alexia Tounissoux : D’abord, celui de faire comprendre sa valeur à une entreprise ou un client. De base, la plupart des gens pensent que pour poster sur les réseaux, il suffit de sortir son téléphone, de filmer, de poster et hop ! Ça génère des vues. Or, le travail derrière chaque contenu est bien plus complexe et demande de solides connaissances et compétences techniques.
Je pense notamment aux vidéos des « faceless account » qui représentent souvent un plan fixe avec des éléments de décoration et parfois une main ou un café. Pour avoir créé ce type de contenu à quelques reprises, j’ai conscience du temps passé à positionner au millimètre près chaque objet pour un rendu parfait. Ces heures passées à créer un tel décor méritent d’être rémunérées à leur juste valeur.
Ce qui m’amène au deuxième gros challenge : celui de ne pas se dévaloriser financièrement sur le marché. La concurrence aujourd’hui déborde d’offres très complètes à des prix très bas. Mais ce n’est pas pour autant qu’il faut s’aligner dessus. Vos compétences, vos expériences, vos succès, méritent d’être rémunérées convenablement. C’est une notion sur laquelle nous insistons beaucoup auprès de nos étudiants en Mastère.
JUPDLC : Quelles seront les grandes tendances en termes de content management en 2024 ?
Alexia Tounissoux : De ce que je constate, il y a un attrait de plus en plus grand pour les contenus éphémères et la réalité : les gens cherchent à consommer des contenus disponibles sur une courte période comme les stories, qui montrent généralement les « coulisses » de la vie d’influenceurs ou du quotidien d’une marque. Cet attrait-là s’inscrit dans une tendance plus large de retour au vrai : les internautes en ont marre de voir du fake, ils veulent du réel, des choses qui leur parlent, des contenus qui font écho à leur quotidien.
C’est pour cela qu’on voit de plus en plus d’influenceurs parler d’anxiété librement comme Lena Situations, ou des influenceuses beauté comme Iris Mittenaere parler de sa maladie de peau. Le message derrière est « je suis certes une influenceuse, j’ai une vie qui vous fait rêver, mais je reste comme vous : humaine et imparfaite ». Et pour ma part, j’en suis ravie, je pense qu’on a vraiment besoin de ce genre de contenus !
Au niveau de la pratique, cette tendance se traduit par un minimalisme en termes de matériel : un téléphone, une bonne lumière naturelle, un cadrage de qualité et une bonne esthétique. What else ?
JUPDLC : Selon vous, quel impact aura l’arrivée de l’IA sur le marché ?
Alexia Tounissoux : Si l’IA peut être notre meilleur allié créatif, il a bien évidemment ses travers. J’ai lu une étude réalisée par Newsgard sur 9 grandes entreprises (dont Barilla, Heineken et Balenciaga) qui montrait que 14% de leurs vidéos TikTok contenaient de fausses informations. Près de la moitié des 57 millions de vues générées par ces vidéos proviennent de contenus créés par IA. Elle peut donc effectivement être dangereuse si utilisée sans précaution ou avec malveillance pour répandre des fake news, transformer l’actu dans l’idée de faire l’éloge d’une cause et en critiquer une autre voire même créer un bad buzz autour d’une marque.
Mais j’ai confiance dans les générations à venir pour faire preuve d’esprit critique face à ce type de contenus. C’est déjà le cas, je le vois dans ma salle de classe en discutant avec mes étudiants. L’ECITV a pris le parti d’intégrer dans ses cours des notions sur l’IA afin de permettre aux étudiants d’appréhender cette nouvelle technologie comme un outil et non une menace. Elle a même un Mastère dédié à cela, spécialisé en Marketing Digital, Big Data et IA.
Et puis, il y a un terrain sur lequel l’IA ne pourra jamais nous dépasser, c’est l’émotion. Un bon contenu, c’est un contenu qui parle aux tripes, celui qui rappellera l’enfance, touchera une corde sensible, fera rire aux éclats. Le jour où une IA sera capable de faire ça sans intervention humaine, on pourra s’en inquiéter… En attendant, je l’utilise de mon côté comme un employé à qui je refile toutes mes tâches ingrates et redondantes pour pouvoir me concentrer sur ce que j’aime faire : tourner, monter, poster !
Pour en savoir plus sur l’ECITV, rendez-vous sur sa page dédiée !