NFT : quelles sont les opportunités pour les marques ?

En collaboration avec MNSTR
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Les NFT sont, sans doute, LE gros sujet du moment : tout le monde en parle et tout le monde a envie d’en être. Mais de quoi s’agit-il exactement ? Comment cette technologie fonctionne-t-elle ? Pourquoi révolutionne-t-elle autant le marché ? Quel est l’intérêt des marques pour ce sujet ?

Pour le savoir, nous avons interrogé Guillaume Carrère, Associé & Directeur du Planning Stratégique chez l’agence MNSTR.

 

Entrevue avec Guillaume Carrère : NFT partout, bénéfice nulle part ?

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Crédit photo : MNSTR

JUPDLC : Pour commencer, faisons un tour d’horizon des NFT ou « Non Fungible Tokens ». De quoi s’agit-il exactement ? À quoi servent-ils ?

Guillaume Carrère : Les NFT, tout le monde s’emballe et tout le monde adore les détester, mais difficile de saisir ce qu’ils peuvent concrètement changer.

Revenons aux bases pour commencer. Un NFT ou « Non Fungible Token » est un bien numérique (une image, une vidéo, une musique ou tout autre objet et fichier virtuel) basé sur une blockchain (le plus souvent Ethereum). Il possède ses propres identificateurs qui peuvent être facilement vérifiés et qui garantissent qu’il est unique en son genre. Pour faire simple, c’est une sorte de certificat d’authenticité infalsifiable qui prouve que le bien numérique que vous possédez est le véritable.

« Pourquoi acheter quelque chose que je pourrais « copier-coller » ? » me direz-vous. Non, faire un copier-coller d’un JPEG ne fait pas de vous son acquéreur. De la même manière que votre poster du Nu Bleu de Matisse dans votre salon ne fait pas de vous un riche collectionneur d’art. Et bien pour les NFT, c’est la même chose.

S’il y a une chose que vous devez retenir des NFT c’est qu’ils permettent de garantir l’unicité et la rareté dans un monde toujours plus numérique.

On a d’ailleurs tendance à réduire les NFT au simple secteur artistique. Pourtant, il existe de très nombreuses catégories de NFT et autant de champs d’application.

On peut bien sûr parler des « collectibles » qui permettent de faire la collection de NFT plus ou moins rares. Il peut s’agir d’avatars, de cartes de foot panini revisités ou encore d’action de baskets mémorables etc. Les metavers dont on entend beaucoup (trop) parler ces temps-ci n’échappent pas à la tendance. Des metavers décentralisés grâce aux NFT comme Decentraland ou Sandbox permettent à chacun d’évoluer dans un monde virtuel et de créer des expériences uniques (showroom, concert, exposition, jeu etc.). Il existe aussi des NFT dits « utilitaires » qui permettent par exemple de faire l’acquisition de noms de domaine crypto pour faciliter le paiement, quand d’autres servent à programmer des capsules temporelles numériques ultra-sécurisées. Le gaming est également un champ d’application important puisque de nombreux jeux NFT offrent aux joueurs l’opportunité d’être rétribués en token. C’est ce qu’on appelle le play to earn. Enfin, la catégorie évènementielle n’est pas en reste puisque de nombreux NFT débloquent l’accès à des expériences exclusives (concerts, expositions etc.), physiques ou virtuelles.

Comme vous le voyez, le potentiel des NFT est très large et le pouvoir de la décentralisation s’attaque petit à petit à tous les secteurs.

 

JUPDLC : Ces « jetons » existent-ils depuis longtemps ?

Guillaume Carrère : Des premières initiatives sont apparues dès 2017 avec la création des Cryptopunks (projet artistique de 10000 avatars pixélisés de punks) puis celle des Cryptokitties qui ont marqué le lancement du phénomène. Ce jeu lancé en Décembre 2017 propose de collectionner des chats uniques avec des caractéristiques propres sur la blockchain.

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Crédit Photo : larvalabs.com
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Crédit Photo : cryptokitties.co

À partir de 2018, une diversité de projets s’est développée sur Ethereum, allant du jeu vidéo à l’art, en passant par les mondes virtuels. Mais c’est réellement au début de l’année 2021 que les NFT ont gagné en popularité grâce à l’œuvre numérique de l’artiste Beeple (« Everydays ») qui a battu tous les records de vente (69,3 millions de dollars), donnant un sérieux coup de projecteur à ces tokens d’un nouveau genre.

 

JUPDLC : Vous évoquiez la notion de blockchain. Pouvez-vous nous définir ce terme en quelques mots ?

Guillaume Carrère : La blockchain, c’est une technologie qui permet de stocker et d’échanger de la valeur sur internet sans intermédiaire centralisé. Ce que cette technologie change, c’est qu’elle permet de sécuriser et de décentraliser la confiance qui était habituellement garantie par des tiers : pour une transaction, une authentification, de la traçabilité, de la finance etc.

Grâce à la blockchain en gros, vous n’avez plus besoin d’une entité de contrôle centralisé (une banque, un organisme, une entreprise, un état etc.) pour garantir la confiance. Appliquée maintenant aux NFT elle favorise la création de rareté numérique. Rappelez-vous : un NFT est unique. Et c’est la blockchain qui permet de garantir cette unicité.

 

JUPDLC : Comment ça fonctionne ? N’importe qui peut-il créer et acquérir un NFT ?

Guillaume Carrère : Tout le monde peut en créer et en posséder. Il vous faut pour cela créer un portefeuille numérique ainsi qu’un compte sur une des nombreuses marketplaces d’échange existantes, telle que Opensea ou Rarible.

Aujourd’hui, la barrière à l’entrée peut paraître élevée et les étapes complexes pour des novices. Elle sera dans les prochains mois beaucoup moins importante avec des acteurs majeurs tel que Coinbase (une des principales plateformes d’échange de cryptomonnaie) qui s’apprête à lancer son offre NFT (déjà plus de 2 millions de préinscriptions).

 

JUPDLC : Si vous deviez retenir un challenge/une opportunité pour les marques lorsqu’on parle de NFT, que citeriez-vous ?

Guillaume Carrère : Ce qu’on a tendance à retenir des NFT hélas, c’est surtout le FOMO (« Fear Of Missing Out ») et la spéculation folle qui les entourent et qui nourrit chez les NFT-détracteurs (à raison) ce sentiment d’être face à une énorme bulle de savon prête à exploser comme un pop-corn.

Et c’est vrai que cela peut prêter à sourire : une image de singe vendu des millions de dollars Essayer d’expliquer ça à quelqu’un qui n’a jamais entendu parler de NFT et vous pouvez être sûr de provoquer chez cette personne une « erreur 404 » !

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Crédit Photo : YouTube

Pourtant, en réduisant les NFT à ce concours de chiffres, on passe à côté de ce qui fait leur particularité. Ces « jetons » sont bien plus que des JPEG hors de prix sur lesquels certains misent. Ils dessinent l’avenir des créations de communauté en ligne : décentralisées, horizontales et créatives.

La principale force des NFT pour les marques réside dans leur capacité à fédérer et à créer des communautés. Bored Apes, Cool Cats, Doodles et autres Lazy Lions ne vous disent peut-être rien mais ces projets d’avatars NFT, qui ont connu une ascension fulgurante ces derniers mois, bousculent la manière dont les marques et les communautés se créent. Posséder l’un d’eux revient à faire partie d’une communauté exclusive.

Je m’explique. Pensez le NFT comme une carte de membre ultra-sécurisée sous la forme d’un avatar. Il peut s’agir d’un animal, d’un personnage, d’un objet etc. Il est totalement unique. Lorsque vous possédez un Bored Ape (pour prendre le plus connu d’entre eux), cette carte de membre va vous permettre d’avoir accès à des avantages et des expériences exclusives : du merchandising gratuit, des évènements réels & virtuels, un Discord réservé à ses membres et même de posséder les droits commerciaux sur votre singe. Bref, c’est un club avec des avantages tangibles pour tous ses membres.

Il n’est donc pas étonnant de voir les plus connus de ces avatars collectibles, envahir les photos de profil Twitter des plus grandes célébrités à travers le monde. Stephen Curry, Mike Tyson, Jason Derulo, Post Malone ou encore Omar Sy ont fait de ces avatars des marqueurs d’appartenance et des symboles de statuts qui n’ont rien à envier aux plus grandes marques de luxe.

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Crédits Photos : Twitter

Le succès d’un projet NFT dépend alors de l’engagement actif de ses membres et de leur implication dans le projet. Pour faire simple, plus les membres croient en un projet et en leur communauté, plus ils sont actifs au sein de celle-ci mais aussi et surtout en dehors (sur Twitter et les réseaux sociaux notamment). Plus ils s’engagent, apprennent à se connaître, échangent, plus le sentiment d’appartenance devient fort. Plus la communauté est forte, plus les possesseurs tendent à garder leurs NFT (ils ne vendent pas) et plus nombreux sont ceux à vouloir rejoindre ce club exclusif, à vouloir en acheter, plus le prix d’entrée augmente.

C’est le parfait exemple d’un système totalement horizontal dans lequel la communauté œuvre pour faire croître son projet et en tirer bénéfice. Il faut donc voir dans le succès de ces NFT une manière totalement nouvelle de penser les communautés de marque. Les marques du futur ? L’avenir nous le dira.

Si le terme « communauté » existe depuis de nombreuses années pour qualifier les fans d’une entreprise sur les réseaux sociaux, il faut bien avouer que ces groupes n’ont de communautaire que le nom. Les NFT permettent ainsi de dessiner une nouvelle forme d’engagement des consommateurs avec les marques. Un engagement qui n’irait plus seulement dans un sens (du fan à la marque), mais qui verrait une marque récompenser ses membres les plus actifs. Avec la capacité de transformer de simples consommateurs en véritables ambassadeurs, rétribués pour leur implication.

 

JUPDLC : Divers et variés, les NFT sont donc de plus en plus présents dans l’univers du gaming, du sport, du luxe, des arts… Pourquoi à votre avis ? Pourquoi un tel engouement ?

Guillaume Carrère : Il existe deux raisons principales, selon moi.

La première, c’est que les NFT sont à la croisée de tous ces univers. La logique de collectible, les mondes virtuels, le fonctionnement communautaire ou encore la spéculation, très présents dans tous les secteurs évoqués, sont au cœur du fonctionnement des NFT. Pour toute une génération il est désormais courant de s’acheter des skins virtuels dans Fortnite, de collectionner des cartes Pokémon, d’acheter et revendre des sneakers ou de s’inscrire à un drop pour la dernière collaboration ultra-exclusive d’une marque. Les NFT sont un peu la somme de toutes ces pratiques.

 

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La deuxième raison, c’est que les NFT sont déjà en train de bousculer les modèles économiques de tous ces secteurs. Prenez le cas du luxe par exemple : les NFT ont un potentiel incroyable pour lutter contre la contrefaçon en assurant qu’un produit physique (associé à un NFT) est véritablement unique. Pour le gaming, on le disait, les NFT sont en train de révolutionner la manière dont les utilisateurs jouent. Et plus précisément ce que les joueurs ont à gagner grâce « play to earn ». Quant au secteur artistique, c’est tout une génération d’artistes numériques qui gagnent en indépendance et peuvent désormais vivre de leur passion.

 

JUPDLC : McDonald’s ou Nike ont par exemple rejoint le « mouvement ». Quelle est la valeur des NFT pour ces marques ?

Guillaume Carrère : La valeur des NFT pour ces marques est triple :

  • Ils représentent tout d’abord une source de revenu additionnel

La collection NFT de Dolce &Gabbana a par exemple rapporté 5.65 millions de dollars à la griffe italienne, quand celle de Budweiser a récemment rapporté $984,000 en quelques minutes.

  • Sa valeur réside également comme nous le disions dans sa capacité à créer des communautés de marques engagées. Une sorte de CRM réinventé ou seuls les possesseurs des NFT pourraient être récompensés.

Prenez l’exemple de Dolce Gabbana une nouvelle fois. Au-delà des créations artistiques qui étaient vendues, les possesseurs des NFT rejoignaient la D&G family. Un club ultra-exclusif qui donne accès à des expériences virtuelles et physiques VIP, au premier rang des défilés de la marque ainsi qu’à de nombreux avantages. De l’exclusivité on vous dit !

  • Enfin ils permettent de créer des espaces de réunions au travers d’expériences uniques pour ses consommateurs, notamment dans les mondes virtuels.

Nike a récemment annoncé la création de son NikeLand dans Roblox. Un monde dédié à l’univers du sport et de Nike dans lequel les joueurs peuvent se retrouver, jouer, se défier, être récompensés et ainsi s’immerger dans l’univers de la marque. Dans le même temps, Adidas a annoncé créer son monde dans le metavers Sandbox. Des espaces totalement personnalisés, résolument sociaux dans lesquels les marques créent des expériences exclusives et une relation privilégiée avec ses consommateurs.

 

JUPDLC : Cette nouvelle façon de faire est-elle pertinente pour n’importe quelle marque ?

Guillaume Carrère : Toutes les marques devraient de près ou de loin s’intéresser aux NFT. Néanmoins, elles ne devraient pas toutes s’y lancer. Les acteurs qui ont un intérêt à se positionner sur les NFT sont :

  • Les marques qui ont des licences ou des IP fortes (comme les acteurs du divertissement)
  • Celles pour lesquelles la notion d’exclusivité est centrale (comme les marques de luxe)
  • Celles qui souhaitent développer des stratégies de fidélisation CRM puissantes.
  • Les marques qui sont implantées ou souhaitent s’implanter dans des espaces virtuels.

 

JUPDLC : Comment votre agence accompagne-t-elle les marques dans ce sens ? Comment faites-vous la différence ?

Guillaume Carrère : Chez MNSTR nous avons la particularité d’avoir une cellule dédiée aux sujets d’innovation et de prospective : Monstre3030. Cette entité qui croise planning stratégique et création digitale nous permet d’accompagner nos clients dans leur réflexion en matière d’innovation et de storytelling.

En ce qui concerne les NFT, cela fait maintenant plus d’un an que nous travaillons sur le sujet avec nos différents clients. Cet accompagnement se fait à plusieurs niveaux.

  • Tout d’abord au travers de masterclass qui vulgarisent cette technologie et donnent à voir l’étendue de son potentiel pour un client ou un secteur.
  • Puis sous la forme d’applications concrètes via des workshops et des proactifs.

Notre récente opération pour Guerlain est le fruit de cette méthode.

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JUPDLC : Pour finir, les NFT sont-ils un effet de mode passager ou une réelle tendance de fond associée à la digitalisation des marchés, selon vous ?

Guillaume Carrère : Je dirais un peu des deux. On continuera d’annoncer la mort des NFT et leur renouveau dans les médias dans les prochains mois. C’est le jeu médiatique de toute innovation.

C’est un effet de mode aussi car cette technologie est trop souvent utilisée de façon opportuniste par les marques et les agences. « Faire des NFT » a – dans de nombreuses agences – remplacé le « faire des vidéos à la Brut » d’il y a quelques années. Comme on se le répète souvent chez MNSTR : « si la technologie devient l’idée créative, c’est qu’il n’y a pas d’idée ». Les NFT comme tout outil, doivent être au service d’une idée créative forte. Et c’est en comprenant l’ensemble de leur potentiel qu’on pourra les utiliser pour servir le storytelling des marques.

Tendance de fond, car cette technologie est là pour rester. Il n’y a qu’à voir l’impact qu’elle a sur de nombreux secteurs d’activité pour se rendre compte de sa pérennité. Bien sûr elle va grandement évoluer et les NFT tels que nous les connaissons n’auront plus grand-chose à voir avec ce qu’ils seront dans un an.

Aussi, si je comprends aisément la lassitude qui peut entourer la thématique des NFT due à leur surexposition, je regrette par contre de voir, souvent dans notre secteur d’ailleurs, le cynisme qui en découle.

De plus en plus de personnes socialisent dans des mondes virtuels, sont prêtes à payer des milliers de dollars pour acquérir des objets virtuels etc. Plutôt que crier un peu facilement au mauvais épisode de Black Mirror je préfère interroger ces évolutions avec curiosité. Car comprendre ces changements, c’est comprendre un peu mieux notre époque, qui nous sommes et surtout qui nous serons demain.

 

Pour en savoir plus sur MNSTR, rendez-vous sur sa page agence dédiée !

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