Dans le domaine de la publicité et de la communication, vous avez peut-être déjà entendu parler du « craft ». Outre le message véhiculé par l’annonceur, le craft désigne la qualité de réalisation de celui-ci : il rend donc ses lettres de noblesse à chacune des étapes du processus créatif, toutes aussi cruciales les unes que les autres.
Dans une époque où les consommateurs tentent désespérément de faire du tri parmi les informations reçues, quel est le rôle du craft ? Comment parvient-il à atteindre sa cible ? Les intelligences artificielles risquent-elles de remplacer ce processus créatif ? Afin de répondre à toutes ces questions et de discuter de l’importance d’intégrer le craft dès l’établissement d’une stratégie de communication, nous avons rencontré Sana Atmane, Strategist chez Socialclub.
Entrevue avec Sana Atmane de Socialclub
JUPDLC : Pouvez-vous nous expliquer pourquoi le « craft » est clé aujourd’hui dans le domaine de la publicité ?
Sana Atmane : Le craft désigne la qualité de réalisation d’une œuvre créative. On ne parle ici pas seulement du concept et de la direction artistique, mais aussi de son exécution et de sa production. En publicité, c’est assez difficile de dissocier le concept de son craft, et les meilleures créations sont celles qui allient les deux.
Chez Socialclub, on envisage le craft comme un devoir d’excellence. Ça signifie ne pas se contenter, ne pas faire preuve de complaisance, ne pas se satisfaire du « nécessaire ». Rendre un message publicitaire compréhensible et convaincant, c’est déjà un énorme travail, mais il y a un supplément d’âme et d’efforts à y ajouter pour qu’il devienne remarquable et mémorable – ce supplément, c’est le craft.
JUPDLC : Pourriez-vous nous citer quelques exemples qui ont, selon vous, marqué la publicité grâce à leur craft ?
Sana Atmane : On aurait pu citer n’importe quelle campagne Apple ou Nike… Mais ce serait trop facile ! Et surtout, ce ne serait pas faire justice au craft, qui va au-delà des films réalisés avec des millions pour le Superbowl. Une campagne bien craftée, ça peut être une activation, un print, un post. Il peut également s’agir d’autre chose que d’une campagne, comme un site, une plateforme de marque ou encore un évènement.
Les 4 campagnes « Top Craft » de Socialclub
- Quickbooks de Eggs
Parce qu’elle prouve que le craft concerne tous les secteurs, y compris la comptabilité. On illustre ici un bénéfice simple, celui de la tranquillité d’esprit que les pros peuvent atteindre en utilisant les bons outils. Cette campagne est illustrée avec beaucoup d’humour, dans des codes surprenants pour le B2B, ce qui rend Quickbooks unique et mémorable.
- A Piece of Ajax de l’AFC Ajax
Parce que le case est aussi crafté que l’idée. Ici aussi, le principe de l’activation est assez simple : offrir un bout de trophée, et donc de victoire à tous les supporters de l’AFC Ajax. Craftée de cette manière, l’idée devient alors épique, grandiose, et retranscrit l’émotion ressentie par les supporters.
- Smooth Rebranding de Klarna
Parce que de belles idées, ça commence par une identité de marque bien craftée. Dans une démarche jusqu’au-boutiste, Klarna pousse le craft bien au-delà d’une question de direction artistique. En axant toute sa plateforme autour de l’idée du « Smooth Shopping », elle montre qu’un angle initialement visuel (la douceur) peut devenir un sentiment de marque, grâce au craft.
- First Steps de Kiwi
Parce que choisir les bons mots, la belle histoire, c’est aussi du craft. En anglais, on parle parfois du copywriter comme d’un « wordsmith » : littéralement, un « forgeron de mots ». Il va travailler sa narration dans les moindres détails, pour que le sens et la forme soient les plus impactants. La campagne de Kiwi repose essentiellement sur ce craft du verbe, et laisse les mots porter la quasi-totalité de l’idée.
JUPDLC : Pouvez-vous nous expliquer à quelles étapes de la conception créative intervient le craft ? Pourquoi, selon vous, il ne s’agit pas uniquement de direction artistique ?
Sana Atmane : Si on entend le craft comme un « devoir d’excellence », on peut (et on doit) l’appliquer à toutes les étapes de la création publicitaire.
Dès la prise de brief et la réflexion stratégique, ce devoir nous pousse à creuser là où la tension est la plus étonnante et à trouver les références qui nous permettront de dépasser les clichés. Dans la conception, le craft est également clé, puisqu’il impose d’explorer les idées jusqu’au bout, et ce du fond à la forme. C’est souvent en poussant une idée dans ses retranchements créatifs, jusqu’au bout du craft, que l’on peut la rendre singulière et étonnante, pour l’œil comme l’esprit.
JUPDLC : Tandis que les adblockers rencontrent un franc succès face à un trop-plein de publicité, comment le craft peut servir à intéresser et à atteindre sa cible ?
Sana Atmane : On dit souvent que les contenus courts, prêts à skipper, sont rois parce que notre capacité d’attention ne cesse de baisser. Est-ce que ça signifie pour autant qu’il faut arrêter de produire des campagnes ambitieuses et surprenantes ?
Comme évoqué plus haut, ces contenus méritent aussi d’être craftés. Il y a une pression, de temps et de coûts. Mais notre rôle reste d’assurer un « craft minimum », sur toutes les créations, sur tous les médias, sur tous les sujets. C’est notre valeur ajoutée : tenter d’élever n’importe quel concept, n’importe quelle idée, tant que c’est possible. Dans un océan de contenus, c’est le mieux crafté qui émerge.
JUPDLC : En quoi le craft, au-delà de son esthétique, permet de créer du lien avec les consommateurs ?
Sana Atmane : Quand on crafte une campagne, on finit par sortir du cadre de la publicité. On emprunte à l’art, à la culture (même la plus populaire), à tout ce qui façonne nos imaginaires.
Au-delà de son esthétique, le craft va créer du lien avec les consommateurs en s’inspirant de leurs références. Pour les intéresser, il va piocher dans des choses qu’ils aiment voir, avec une réalisation inspirée de films, de séries, de clips qu’ils apprécient, ou encore en collaborant avec des artistes qu’ils aiment. Et c’est l’objectif ultime : créer un objet publicitaire que notre cible a envie de regarder, pas seulement parce qu’il est joli, mais parce qu’il fait écho à ses goûts et ses sensibilités culturelles.
JUPDLC : Selon vous, quel impact les nouvelles technologies, et en particulier l’intelligence artificielle, auront sur le craft en publicité ?
Sana Atmane : C’est difficile d’émettre un jugement tranché sur un sujet aussi récent. Ces nouveaux outils peuvent être d’une aide précieuse, et nous faire gagner beaucoup de temps.
Mais il se pose deux limites à leurs capacités : la première, c’est que lorsqu’il s’agit de craft, on parle d’une attention aux détails poussée à l’extrême. Et, par exemple, les photos de mains générées par les IA comptent souvent sept doigts sur une même main… La seconde, c’est que le craft n’est pas qu’une affaire d’excellence d’exécution : il y a une grande part de sensibilité, notamment artistique, qui entre en jeu. Nous offrons un point de vue, et une manière de le représenter qui se doit d’être la plus unique possible. Ce qui est difficile à apprendre à un générateur d’images !
JUPDLC : Le mot de la fin ?
Sana Atmane : On a dit beaucoup de bien du craft, et on le pense. Mais il ne sauvera jamais une mauvaise idée. Alors continuons d’intégrer ce « devoir d’excellence » à toutes les étapes de la création, et avant même la création. De bonnes et belles idées : c’est peut-être ça la solution ultime contre les adblockers !
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