Depuis quelques années, l’innovation touche de plein fouet le secteur du cinéma et de la production audiovisuelle au sens large. Ainsi, le concept de studio virtuel est né de la prise de conscience de l’apport des nouvelles technologies auprès de ces professionnels.
François Villet, Directeur de l’EICAR – école de cinéma, nous explique que « ces dernière années on a vu que la réalité virtuelle, les effets spéciaux d’incrustation sur fond vert ont énormément évolués. On en trouve quasiment dans toutes les productions qui font appel à des VFX. On a également eu avec Unreal engine et Unity l’introduction des moteurs en temps réel qui calculent sur le plateau, en direct, les décors en même temps que la captation ».
C’est justement ce concept de plateau virtuel que nous vous présentons ici. Le principe est relativement simple. En effet, le plateau virtuel consiste en un mur de LEDs qui affiche le décor en 3D en arrière plan. Pour que les perspectives soient respectées, les mouvements de camera sont « trackés » afin que l’écran LED en arrière plan bouge et affiche la bonne perspective en fonction du mouvement de caméra. Cette technique remplace dans certain cas le fond vert et réduit le travail en post-production.
Un exemple à Bordeaux
La Couveuse à films et SolidAnim ont décidé de mettre en commun leurs compétences pour finaliser un ambitieux projet. Début février 2020, est né à Bordeaux le tout premier studio de tournage virtuel 3D. « Avec notre studio virtuel, nous voulons proposer une solution tout-en-un et accessible au plus grand nombre. Concrètement, les personnes qui le loueront auront accès au plateau fond vert de 150m2, à l’ensemble du matériel (caméras, éclairages…) mais aussi à une équipe. Puis, ils pourront faire la postproduction sur place. Le tout à un tarif abordable. En temps normal, ces services se gèrent indépendamment. Mis bout à bout, ça peut vite coûter un bras » explique Éric Deup, le fondateur de la Couveuse à films, dans les colonnes de Sud-Ouest.
L’atout principal du studio virtuel est la possibilité d’incruster un décor en temps réel et en 3D. A titre d’exemple, on a tous à l’esprit l’image du présentateur météo devant son fond vert. C’est ce fameux support qui est remplacé par la carte de France. Avec une caméra fixe, les images peuvent changer. En revanche, dès lors que le commentateur se déplace, le décor ne suit pas son mouvement. Le studio virtuel évacue totalement cette contrainte. Le fond choisi s’adapte à la perspective et la position de la caméra. Et ce, quels que soient les faits et gestes de la personne filmée.
Plusieurs formules sont proposées par le studio virtuel. Les plus petits budgets auront accès à l’ensemble du dispositif pour 2 000 euros HT la demi-journée, et 3 000 euros HT la journée. Le prix comprend le studio 3D, le matériel, une équipe et des décors prêts à l’emploi. Pour les bourses plus fournies, la location se fait sur devis. Il est possible de créer son propre décor, ses effets, et d’ajouter des caméras et du personnel supplémentaire. La diffusion est aussi une option proposée.
Quels intérêts pour les chaînes de télévision ?
Depuis quelques années, les chaînes de télévision sont en recherche de ces nouvelles techniques de production. Ainsi, « leur intérêt est de pouvoir présenter autrement des informations qui ne sont pas forcément très drôles à regarder, par exemple des statistiques. Aujourd’hui, si vous faites la version 2D, vous avez une page tableau avec des chiffres, ce n’est pas très sexy. Maintenant, en réalité augmentée, on peut tout imaginer, on peut faire des animations avec des objets en 3D et apporter finalement un peu plus de vie aux informations » explique Patrick Jean, ancien directeur de l’innovation au sein d’Eurosport et CEO de Yewth Studios, lors d’une des conférences du SATIS 2019.
Les contraintes techniques du studio virtuel
En studio virtuel, le plus gros challenge porte sur la partie éclairage du fond vert. À l’inverse, lors d’un tournage en réalité augmentée, il peut être judicieux de rester sur un éclairage traditionnel de studio. C’est une première grosse différenciation.
Ensuite, il est évident que la perte de repères au niveau des objets est plus complexe dans une scène virtuelle. Ce constat est présent lors des tournages d’émissions de télévision. Ces derrières peuvent créer un studio virtuel complet où les invités se trouvent autour d’une table. Autour d’eux, tout était complètement vert. Trouver son repère spatio-temporel peut être assez étrange, et complexe, notamment pour les non-professionnels du secteur audiovisuel. Les producteurs doivent alors mettre à l’aise ces intervenants qui viennent en plateau.
Malgré l’évolution des techniques, aujourd’hui, les producteurs, que ce soit pour des projets cinéma ou audiovisuel, choisissent un système hybride : ils sont sur un fond vert, mais en ayant toujours pas mal d’objets réels, comme des tables, des chaises, ou encore certains écrans.
TSF se lance dans le Plateau Virtuel
En début d’année 2021, TSF a annoncé expérimenter les nouvelles technologies du Plateau Virtuel (à savoir la prise de vues sur mur de LEDs). Outre-Atlantique, la production virtuelle se développe rapidement. Elle offre de nouvelles possibilités dans la façon de tourner les films et les séries TV. A titre d’exemple, nous pouvons citer la série à succès « The Mondalorian » de Disney+.
Les murs de LEDs utilisés sur ces nouveaux plateaux virtuels offrent un écran géant en arrière-plan pour tourner directement des plans comédiens qui auraient été filmés sur fond vert auparavant. Néanmoins, la technologie de plateau virtuel ne remplace pas les fonds verts. Elle permet, dans certains cas, de ramener la phase de post-production à la pré-production. Pour exemple, au lieu d’assembler les plans comédiens sur font vert en post-production, ils peuvent tourner directement sur fond de mur LEDs. Ce dernier projette le décor en arrière-plan afin d’obtenir un compositing (création d’un plan en mélangeant effets spéciaux et images tournées sur fond vert ou en live action), avec le résultat final directement sur le plateau de tournage. Ceci permet notamment au Chef Opérateur de reprendre possession de son image. En effet, il peut ainsi maitriser la prise de vue au lieu qu’elle ne lui échappe en post-production.
L’avantage principal est la capacité pour les acteurs d’être immergés dans la scène. Ils se retrouvent enfin à jouer face à un décor dont ils perçoivent toute l’ampleur, et non plus devant un écran vert uniforme.
Autre exemple des bienfaits de cette nouvelle méthode de production avec les plans voitures. La production va filmer les dialogues des comédiens en studios. Puis, les assembler avec les plans de routes tournés séparément, numérisés sur fond de mur de LEDs en 3D et stockés sur les serveurs . Enfin, un « tracker » installé sur la caméra et des capteurs de mouvements positionnés sur le plateau en studio permettent d’ajuster en temps réel la perspective de la route en arrière-plan.
L’exemple «The Mandalorian»
Comme évoqué précédemment, le fond vert est, peu à peu, détrôné par de gigantesques écrans LED. Ainsi, «The Mandalorian», la série dérivée de l’univers de «Star Wars», a adopté une nouvelle façon d’incruster les acteurs dans un décor virtuel. Une innovation technologique qui risque de profondément chambouler la façon de tourner les superproductions hollywoodiennes. « Il faut imaginer un écran circulaire d’environ 25 mètres de diamètre, presque un cercle complet. Le tout couvert de panneaux LED, y compris au plafond, placé à 6m de haut», décrivait Baz Idoine, l’un des chefs opérateurs de la série, dans un podcast du site NewsShooter. Pour info, le tournage du nouveau «Batman», avec Robert Pattinson dans le rôle du justicier de la nuit, en a repris le concept. De son côté, Sony vient de présenter au dernier CES de Las Vegas une technologie similaire, baptisée Atom View, reprenant peu ou prou la même systématique.
« Nous utilisons souvent l’exemple de The Mandalorian dans nos cours sur les techniques de VFX, et ce dès la première année, car il nous parait indispensable pour nos étudiants de maitriser le workflow du plateau virtuel autant que celui du fond vert » ajoute François Villet, Directeur de l’EICAR.
Mais attention à ne pas en abuser… Pour certaines productions, comme «James Bond», le téléspectateur, s’attend à voir de réelles scènes et décors. À l’inverse, un biopic ou un film historique peut s’emparer de cette technologie pour reproduire facilement certains paysages et décors.
Si vous êtes intéréssé.es par les métiers du cinéma, nous vous invitons à consulter la fiche de présentation de l’école EICAR sur sa page école.