En quelques années, le marketing d’influence s’est imposé progressivement comme un levier incontournable dans la stratégie social media des entreprises. Face à des consommateurs mieux avertis et plus hermétiques aux discours promotionnels traditionnels – notamment les plus jeunes – il est désormais primordial pour une marque de communiquer autrement. Pour autant, réduire ce marketing au simple fait de s’associer avec un influenceur « star » est aujourd’hui dépassé et réducteur. En effet, à mesure qu’il se professionnalise, le marché du marketing d’influence gagne constamment en complexité.
Entre les hashtags challenges sur TikTok, le live shopping, les micro-influenceurs ou encore les podcasts, les possibilités d’activation sont nombreuses. Pour mieux cerner les enjeux de ce secteur, l’équipe de J’ai un pote dans la com s’est entretenue avec Stéphane Bouillet, Fondateur de l’agence Influence4You.
Entrevue avec Stéphane Bouillet, Fondateur de l’agence Influence4You
JUPDLC : Quels sont en 2022 les critères qui définissent un influenceur ?
Stéphane Bouillet : Un influenceur tel qu’on l’entend chez Influence4You, est une personne présente sur les réseaux sociaux et qui possède un pouvoir de recommandation. C’est ce que nous appelons le « Best Friend Effect » : une sorte de bouche-à-oreille moderne qui agit sur le comportement d’une audience afin de remplir divers objectifs de communication comme faire connaître, faire aimer ou encore faire acheter. Vous l’aurez compris, le concept d’influenceur a aujourd’hui une définition très large. Toute personne présente sur les réseaux sociaux peut être influenceur, et généralement, les talents deviennent Influenceurs malgré eux s’ils ont réussi à fédérer une communauté autour de leurs contenus.
Cependant, la question sous-jacente, et réellement importante pour une marque, porte plutôt sur la sélection. Comment choisir le bon influenceur ? Généralement, le bon influenceur est la personne la plus susceptible de répondre aux objectifs de la marque selon un coût donné. Pour cela, il faut prendre en compte des critères quantitatifs. Par exemple, l’engagement, la portée, l’analyse de l’audience, le coût… Il faut également ne pas omettre des critères qualitatifs : légitimité, proximité avec la marque, professionnalisme dans la compréhension des attentes de la marque, cohérence du ton… En somme, est-ce que l’influenceur va savoir communiquer avec de l’impact pour ma marque ? Le bon équilibre entre ces deux types de critères est complexe, c’est d’ailleurs ce qui fait toute la difficulté, et la richesse, de l’influence marketing. Ce n’est pas parce que l’on prend un très grand influenceur que cela va fonctionner.
JUPDLC : Est-ce que le placement de produits est une manière de faire de l’influence ? Ou est-ce que l’influence est intrinsèquement un placement de produits ?
Stéphane Bouillet : Il ne faut pas voir les choses de cette manière, c’est réducteur. C’est comme si on réduisait la publicité à de la simple promotion. L’univers de l’influence marketing est extrêmement large.
Notre agence a d’ailleurs sorti un livre sur le sujet disponible sur Amazon et intitulé 87 idées de campagnes d’influence. Très rapidement, le lecteur se rend compte que le placement de produit n’est que l’une des pistes de l’influence marketing. Citons en d’autres, comme les lives, la co-création, l’événementiel, les pre-rolls, la création de contenus… Bref, comme la pub, l’influence marketing ouvre la voie à la créativité.
JUPDLC : D’Instagram à Snapchat en passant par YouTube ou encore TikTok, les marques ont désormais le choix en matière de réseaux sociaux. Comment savoir quelle plateforme choisir en fonction du brief d’un client ? Est-ce qu’un réseau est « plus puissant » en matière d’influence qu’un autre ?
Stéphane Bouillet : Il y a également Twitch, Discord ou Telegram. Pour une marque, le paysage social media est aujourd’hui complexe. L’influence nécessite beaucoup d’expertise et d’ouverture d’esprit pour ne pas se fermer à tel ou tel réseau. Il est essentiel aujourd’hui pour une agence d’influence d’avoir des planneurs stratégiques qui savent identifier les bons réseaux et les bonnes pratiques pour proposer les meilleurs influenceurs et les bons dispositifs. Par exemple, TikTok est excellent pour toucher des cibles très précises, pour faire de la notoriété et de la love brand, mais sera moins utile pour avoir un discours pédagogique ou pour générer du trafic, contrairement à YouTube ou Instagram Stories.
JUPDLC : Est-ce que les mécaniques d’influence sont totalement différentes selon les réseaux sociaux ? Pouvez-vous nous donner quelques exemples d’activations réalisables sur un réseau et totalement impossibles sur un autre ?
Stéphane Bouillet : Il est possible de catégoriser les réseaux sociaux selon différents critères. Il y a des réseaux qui permettent de mettre des liens et d’autres pas, ceux qui favorisent la communication par le détail comme YouTube et d’autres qui nécessitent de faire passer un message en quelques secondes comme TikTok. Une segmentation par âges est également possible, on ne trouve pas le même public sur Snapchat et sur Facebook.
Ainsi, présenter de manière pédagogique les nouvelles caractéristiques techniques d’un produit tech de rupture, sera faisable sur YouTube, mais plus compliqué à faire sur un TikTok de 60 secondes. À l’inverse, teaser une série d’un service de SVOD en invitant l’audience dans un univers particulier pour générer l’envie sera beaucoup plus efficace sur TikTok que sur un article de blog.
JUPDLC : Live shopping, influence responsable et transparente, marketing territorial, micro-influence… Quelles sont les grandes tendances actuelles de l’influence marketing ?
Stéphane Bouillet : L’essor de TikTok a fortement contribué à l’évolution des tendances de l’influence marketing. Le nombre d’influenceurs a largement augmenté, car cette plateforme fournit une panoplie complète d’outils créatifs.
Dans ce contexte, les influenceurs doivent être plus proches que jamais de leur communauté pour continuer de l’engager. Ce qui fonctionne le plus ce sont les contenus authentiques avec un quotidien sans filtre pour que la cible puisse s’identifier au maximum. Ces interactions demandent également plus de transparence, notamment à travers une influence plus responsable envers les jeunes générations. Enfin, cette nouvelle proximité amène aussi dans son sillage une volonté de mettre en avant des campagnes plus locales, on le voit avec le succès des micro-influenceurs.
En ce qui concerne le live shopping, c’est plus compliqué. C’est un sujet tendance mais en France, les réseaux ne sont pas encore équipés pour répondre de manière efficace aux enjeux de celui-ci. Par exemple, un live shopping organisé sur Instagram permet de renvoyer vers des fiches produits, mais la fonction clé permettant d’acheter directement via le live sur Instagram sans quitter ce dernier n’est pas encore disponible dans notre pays. C’est une activation à surveiller mais qui ne peut pas encore atteindre son plein potentiel, d’autant que les réseaux sociaux occidentaux montrent un moins fort attrait sur le sujet ces derniers mois.
Par contre, les lives sur Twitch connaissent un essor remarquable et nous le voyons de plus en plus dans nos recommandations et dans nos opérations.
JUPDLC : Dropshipping, arnaques au compte personnel de formation (CPF), promotion de sites de trading boursier… Des individus mal intentionnés font parfois des placements de produits plus que douteux. Comment réussissez-vous à rassurer les marques dans ce contexte ?
Stéphane Bouillet : L’influence marketing a à peine 10 ans et à cet âge, on fait beaucoup de bêtises… Chez Influence4You, nous travaillons beaucoup avec l’ARPP (Autorité de régulation professionnelle de la publicité) sur les règles de transparence et sur les bonnes pratiques à adopter. Il faut que les autorités compétentes punissent les mauvaises pratiques et en tant qu’agence, nous nous devons d’éduquer le plus possible à la fois nos clients, mais également les influenceurs avec qui nous collaborons. Par exemple, nous avons lancé le code de la route de l’influence qui est un test et une formation aux bonnes pratiques de l’influence. De plus, dans tous nos contrats avec les marques et les influenceurs, nous mentionnons l’obligation de respecter certaines règles.
Comme dans de nombreux sujets, tout est une question de pédagogie. Par exemple à l’agence, nous n’avons que très peu de problèmes avec la dérive des fakes followers. D’une part parce que nous possédons en interne des outils pour identifier les tricheurs, mais aussi car nous avons éduqué les influenceurs sur le fait que cela allait nuire à leur engagement et à leur métier à moyen terme.
JUPDLC : On a longtemps considéré que le marketing d’influence n’était utile « que » pour développer la notoriété d’une marque. Quels autres objectifs est-il possible d’atteindre avec une campagne d’influence réussie ?
Stéphane Bouillet : Notre agence a publié une étude réalisée auprès de 50 décideurs du marketing digital et les résultats sont éloquents. D’après eux, l’influence marketing est le levier média le plus complet. Il est notamment dans le top 3 des meilleurs médias sur des critères comme l’engagement, la love brand, la création de contenu ou encore l’ultra criblage.
JUPDLC : Quels KPI’s sont essentiels pour suivre une campagne de marketing d’influence ? Est-ce que les marques sont plus sensibles à des KPI’s en particulier ?
Stéphane Bouillet : Un KPI n’a de sens que lorsqu’il est corrélé à un objectif. Si vous cherchez à vendre, le KPI clé sera le volume de vente ou le trafic vers votre page de vente. Si vous cherchez à faire connaître votre produit, ce sera le nombre de vues, ainsi que l’engagement.
Comme les social ads, l’influence marketing est un média qui a de très nombreux KPI’s. Il faut choisir les bons. Nous allons d’ailleurs publier un livre de 200 pages d’ici novembre sur la performance et l’influence marketing, mais retenez bien cela : le bon indicateur est celui qui vous permettra de mesurer l’atteinte de vos objectifs.
JUPDLC : Pourriez-vous nous citer deux ou trois campagnes de placement de produits qui sont pour vous de véritables cas d’école ?
Stéphane Bouillet : Il ne faut pas hésiter à jouer avec la répétition en étant présent sur les comptes de beaucoup d’influenceurs et de manière très récurrente. Par exemple, RhinoShield ou NordVPN sont excellents dans cette stratégie. Quel consommateur de YouTube n’est pas tombé sur une sponsorisation d’une de ces marques au début de la vidéo d’un influenceur ? Résultat : une forte mémorisation de la marque via une visibilité très importante. Attention tout de même, le budget requis pour une telle stratégie est très élevé.
La seconde mécanique à ne pas négliger est l’engagement par la discussion, notamment pour des sujets sensibles. Par exemple, nous avons mené une campagne avec l’ONU Femmes dans le but de débattre de l’intégration du féminicide à la loi. Pendant 48h, une vingtaine d’influenceuses ont disparu des réseaux sociaux après avoir réalisé un post présentant sobrement le jour de leur arrivée sur les réseaux sociaux et celui de leur départ. Très rapidement, les réactions ont été nombreuses, le sujet a pris une ampleur importante avec plus de 5M d’impressions générées et a également obtenu un rayonnement important en dehors des réseaux (articles de presse, couverture du sujet par l’émission Quotidien…).
Pour en savoir plus sur l’agence Influence4You, rendez-vous sur sa page dédiée !