Le cinéma éco-responsable, quel scénario pour les années à venir ? 

En collaboration avec EICAR
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Il y a quelques semaines, en marge de la COP 26, on apprenait que pour être compatible avec les Accords de Paris, sur la base d’une émission annuelle de 2,9 tonnes de CO2, nous devrions réduire notre nombre de douches à 3 par semaine, notre consommation de fromage à 1, et arrêter complètement notre consommation de café (source : Estimation Crédit Suisse). Des chiffres qui surprennent quand on sait que des industries polluent abondamment et peinent à entamer un processus de mutation. C’est le cas du cinéma !

En effet, le secteur audiovisuel (incluant la distribution de vidéos en streaming, le cinéma, la publicité, la télévision, l’archivage et les projections) émet 1,7 million de tonnes d’équivalents carbone chaque année ! Un bilan carbone qui grimpe à près de 10,5 millions de tonnes si l’on intègre la fabrication du matériel nécessaire au tournage et au visionnage, comme les télévisions ou les smartphones. Dans un effort collectif, l’industrie du cinéma va devoir « entamer sa transition écologique » et se mettre au vert… Quelles étapes vers un cinéma éco-responsable ?

 

Le cinéma, ça pollue ?

Il n’est pas facile de concevoir que le cinéma pollue. En effet, quand on regarde un film, c’est pour s’évader, s’inspirer ou oublier. En ce sens, le produit cinématographique est lisse, et nous n’avons aucun indice quant à la manière dont il a été produit. Pourtant, derrière cet « imaginaire cinématographique » se cache une industrie polluante. Des études et enquêtes ont été menées pour apporter la lumière sur les coulisses des salles obscures. Les pionniers dans ce domaine sont les membres du Collectif Ecoprod qui souhaite doter les acteurs du secteur audiovisuel d’une meilleure compréhension de leurs impacts sur l’environnement. Il s’agit ainsi de démythifier le 7ème art et rappeler la dure réalité de la pollution qu’il engendre.

 

Quand nos films préférés menacent la planète…

En 2006, une étude de l’Université de Californie avait montré que l’impact environnemental de l’industrie cinématographique sur la pollution de l’air de Los Angeles était plus important que celui de la plupart des autres grandes industries (aérospatiale, habillement et secteur hôtelier inclus)… à l’exception du pétrole !

Christopher Nolan a fabriqué un trou noir en 4 dimensions et construit un hôpital pour le faire exploser, James Cameron a rempli un bassin de 65 millions de litres pour tourner Titanic au Mexique, 36 millions de dollars de voitures neuves envoyées à la casse pour le James Bond Spectre, 25 000 chauves-souris massacrées dans une grotte en Bulgarie pour le tournage d’Expendables : autant de chiffres qui donnent le tournis et qui ramènent le cinéma à la réalité.

 

La lente mutation d’une industrie qui tente de rattraper son retard

Le cinéma entame sa mutation

Malgré ses tares, l’industrie cinématographique prend peu à peu conscience de son impact sur l’écologie. En 2004, Roland Emmerich, le réalisateur du Jour d’Après avait lui-même payé une organisation, Future of Forest, pour réussir à faire le premier film revendiqué « carbon neutral » : 200 000 dollars d’arbres pour compenser les 10 000 tonnes d’émissions de CO2. À l’instar de l’initiative du réalisateur, les blockbusters se battent désormais pour devenir le plus « éco-friendly » possible. Matrix Reloaded a recyclé 11 000 tonnes de décors. Darren Aronofsky a fait fabriquer les costumes du film Noé en matériaux récupérés, et Jurassic World a offert les plantes et les arbres utilisés sur le tournage à un institut de La Nouvelle-Orléans.

En France aussi, les lignes bougent, mais plus lentement. « La prise de conscience est lente. Les producteurs français ne sont pas les plus convaincus. Mais nous avons lancé des outils concrets pour les guider. », explique Olivier-René Veillon Directeur de l’Etablissement public, à la Commission du Film d’Ile-de-France

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L’initiative Carbon Clap’ permet aux équipes d’évaluer et de réévaluer le bilan carbone des productions. On note également des projets à l’échelle régionale, à l’image de la région PACA. Son programme AGIR+ a suscité des vocations écologiques en offrant une subvention aux tournages les plus vertueux. De rouille et d’os, de Jacques Audiard, était lauréat en 2012. Il semble néanmoins que la majorité des opérations visant à rendre le cinéma plus éco-responsable soient davantage des stratégies de communication. Pour un cinéma plus vert, il faut que les mutations de l’industrie soient structurelles.

« Dans le cadre de sa démarche RSE, EICAR a engagé de nombreuses actions visant à réduire l’impact environnemental de l’école, notamment lors des tournages de nos étudiants. Par exemple : le remplacement progressif de la lumière sur les plateaux par des panneaux LED ce qui permet de réduire la consommation électrique de 30 à 40%. Nous limitons également le rayon géographique des tournages extérieurs pour réduire la location de véhicules motorisés et la consommation de carburant. Nous veillons également au recyclage des décors et des consommables type accu et piles. En régie, nous encourageons l’usage de consommables recyclés et recyclables, et sommes attentifs à limiter au maximum le gaspillage. Cette année, EICAR a mis en place avec les étudiants un BDD (Bureau du Développement Durable), qui vise à accompagner ces démarches, à initier de nouveaux projets et à rendre compte des actions menées. » précise François Villet, Directeur et Chef d’établissement

 

Le problème du streaming

En France les plateformes de streaming sont responsables à elles seules de 55% des émissions du secteur audiovisuel. C’est donc un pan important de la production qui doit aussi entamer sa transition. Saviez-vous que 1h de Netflix émet plus de CO2 que 40 minutes de climatisation ? De plus, selon un rapport de The Shift Project, les vidéos en ligne représentent près de 1% des émissions de gaz à effet de serre à l’échelle mondiale.

À l’instar du cinéma, il est difficile de concevoir qu’un film en streaming puisse polluer. « On commence à prendre conscience que le numérique consomme de l’énergie, mais on a du mal à comprendre comment et à quel point », explique Maxime Efoui-Hess, l’auteur du rapport. « C’est plus difficile de prendre en compte la matérialité d’un outil qu’on considère comme magique ».

Ainsi, selon le rapport, il faudrait préférer le téléchargement au streaming, ou limiter sa consommation à 1h par jour. Le streaming qui rythme maintenant nos vies a encore du chemin à faire. Face à ce problème, des députés veulent notamment interdire le lancement des vidéos sans action de l’internaute. Un nouvel article verrait alors le jour, interdisant « le chargement et la lecture automatiques de vidéos mises à disposition sur des services de communication au public en ligne ». En cas de manquement, l’Autorité de régulation des communications électroniques disposerait de la capacité de prononcer des amendes. De plus, les députés mentionnent un rapport du Sénat qui anticipe que 7 % des émissions de gaz à effet de serre de la France viendront du numérique (au sens large et pas seulement de la vidéo) en 2040 !

 

Le cinéma se met au vert !

Alors comment rendre le cinéma plus éco-responsable ?

Le collectif Ecoprod a publié un guide de l’éco-production qui devrait accompagner tous les tournages. Ce rapport fournit notamment des chiffres sur la quantité de CO2 produite selon la durée du film/de l’émission. Pour ne citer que les plus édifiants :

  • Une heure d’émission télévisuelle correspond à 10 tonnes d’équivalents carbone
  • Un épisode d’une série tournée à Paris produit 35 tonnes d’équivalents carbone
  • Une fiction tournée en France produit 200 tonnes d’équivalents carbone
  • Un long métrage multisite rejette 1 000 tonnes d’équivalents carbone.

L’idée n’est pas de complexifier les tâches des producteurs, mais de permettre de fixer quelques règles de conduite et de limiter certains impacts, en se servant des guides. Dans le même style, le projet « Green is Universal », né de l’autre côté de l’Atlantique, vise à développer les pratiques durables sur les tournages, tout en communiquant sur les actions réalisées.

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Crédit photo : Ecoprod

Pour réduire l’empreinte carbone des productions audiovisuelles, le CNC (Centre National du Cinéma et de l’Image animée) propose 4 solutions. D’abord il s’agit de limiter et recycler les déchets sur les tournages. En effet, un tournage accueille des centaines de personnes et cela peut vite devenir une déchetterie. Ainsi, les efforts à fournir passent par de petits gestes comme imprimer recto verso systématiquement et privilégier la dématérialisation des documents, instaurer un portant à gobelets afin que chacun garde le sien pour éviter ainsi de les jeter systématiquement, éviter les bouteilles d’eau en plastique, et enfin, pour réduire le gaspillage alimentaire, donner les restes du jour aux membres du tournage qui le désirent ou à des associations locales.

Ensuite, il faut être vigilant à la consommation d’énergie ! Les transports et la consommation d’électricité arrivent en tête des causes de pollution sur un tournage. En ce sens, il est possible de privilégier les visioconférences quand elles sont possibles, l’utilisation de voitures hybrides, et consulter les municipalités pour éviter l’utilisation d’un groupe électrogène.

De plus, il est important de penser à la « récup ». Les décors et les costumes des films peuvent être récupérés puis réutilisés. C’est la mission d’organismes comme « la réserve des arts » en région parisienne ou « ArtStock » en région PACA qui sont spécialisés dans la récupération et le reconditionnement des décors, costumes et accessoires.

Enfin, il est possible de faire appel à un référent « développement durable » pour encadrer le tournage. Le rôle du référent est de penser en amont aux économies d’énergie possibles, et donc d’envisager des économies budgétaires. Ainsi, l’« éco-superviseur » Emellie O’Brien a annoncé qu’elle avait permis à Sony de faire 400 000 dollars d’économies sur le tournage de The Amazing Spider Man : Le destin d’un héros.

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Crédit photo Tima Miro/ Pexel

 

Le plan du CNC pour restructurer l’industrie du cinéma autour de l’écologie

Le CNC a annoncé un plan en 3 phases. La première débutera en 2022 avec le lancement d’un observatoire avec l’Ademe, d’un calculateur carbone, d’un cycle de formation, avec des journées de sensibilisation dans 70 écoles de cinéma, audiovisuel et jeux vidéo, et d’un annuaire des prestataires écoresponsables. « Cette première année doit être celle de la sensibilisation et de l’incitation. Sans données objectives, nous ne pouvons pas travailler ni produire de norme, d’où l’importance de l’observatoire », indique Evelyne Laquit, Directrice de la communication du CNC

La deuxième phase commencera en 2023 où le CNC demandera aux producteurs et aux festivals de fournir un bilan carbone de leur activité, et accompagnera tous les efforts de rénovation des bâtiments (salles et studios).

Enfin, la troisième phase devrait aboutir en 2024 où le CNC pourrait conditionner ses aides au respect d’un certain seuil d’émissions. « Nous allons lister l’ensemble des postes nécessaires pour faire un film, que nous convertirons en flux physiques. Ces facteurs d’émissions permettent ensuite de calculer un bilan carbone pour chaque production et de comparer les œuvres équivalentes. », explique Clémence Lacharme de Carbone 4, membre du groupe d’experts ayant participé à la conception du plan ‘Action’

Ainsi, si le cinéma commence à peine sa transition vers une production plus responsable, il semble qu’il y est de l’espoir. Le plan mis en place par le CNC et les différentes campagnes de sensibilisation incarnées par des stars telles que Leonardo Di Caprio ou Marion Cotillard devraient porter leurs fruits et éveiller les esprits. Mais c’est aussi l’enseignement et la formation des futurs professionnels du cinéma qui joue aujourd’hui un rôle majeur dans cette transition tant attendue. Il appartient aux nouvelles générations de porter ce projet, et aux écoles comme l’EICAR de les accompagner.

« Depuis 2019, nous organisons à l’EICAR des événements de sensibilisation des étudiants. Cette année, Pauline GIL de l’association ECOPROD animera des Masterclass destinées à tous nos étudiants ainsi que des modules spécifiques s’adressant plus particulièrement aux étudiants en production. L’expérience de Pauline, référente en éco-production sur des productions récentes comme « L’effondrement » (Canal+) ou « Germinal » (France 2), est précieuse pour notre école et pour nos étudiants, elle démontre que ces démarches sont concrètes et témoigne des changements qui s’opèrent sur le terrain au-delà des intentions », ajoute François Villet, Directeur et Chef d’établissement

 

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