Depuis trois ans, le Pape François révolutionne la communication vaticane. Une stratégie offensive et efficace, qui trouble cependant une partie des fidèles.
Ce 29 août, le pape François recevait le fondateur de Facebook, Mark Zuckerberg, pour parler nouvelles technologiques et lutte contre la pauvreté. Leur poignée de main a été likée plus de 350 000 fois sur le réseau social. Un record digne des Obama ou de U2, auquel les fidèles n’étaient pas habitués jusqu’alors.
Pour porter son message, « il fallait que [le Pape] soit au centre d’une attention médiatique », explique Mgr Dario Edoardo Viganò, le communicant du Vatican. Depuis 2013, cet ancien patron de Catho TV a musclé la communication pontificale. Car François a opté pour une stratégie marketing très offensive : « chaque jour, un acte ».
Hyperactivité, mais cohérence
Le Storytelling du Pape François a pour titre : « une Église pauvre pour les pauvres ». Ainsi, s’astreint-il à incarner « l’homme vrai », simple, proche, franc, familier. Surtout, il met en cohérence cette image et ses gestes, en quittant le palais pour un couvent, choisissant une voiture d’occasion et renonçant à ses titres princiers.
Des actes forts qu’il met en scène et en valeur tant dans les médias traditionnels que sur Twitter, Facebook et Instagram. Une profusion de messages qui doit être compensée par la cohérence de ses actes avec son unique selling proposition (USP) : « tout le monde est le bienvenu ».
Jusqu’ici, cette stratégie s’avère payante : en 2016, plus de 27 millions d’internautes suivent le chef de l’Église catholique sur Twitter, selon un décompte du Figaro. François fait désormais partie des personnalités les plus influentes du net, avec plus de retweets que Kim Kardashian, selon une étude du site Twiplomacy.
Jésus, lovemark
Après l’épisode du glacial « panzer cardinal » Ratzinger et face aux scandales de pédophilie, François cherche à transformer l’Église Catholique en lovemark. « L’Église n’est pas une ONG, c’est une histoire d’amour » claironne-t-il.
Dans le même temps, au nom de la « miséricorde universelle » le Pape choisit de s’adresser, non plus seulement à « l’enclos » des fidèles, mais aussi à sa « périphérie » (homosexuels, divorcés-remariés…). C’est ainsi que Richard Amalvy, consultant en stratégie et communication, analyse la « lettre aux non croyants » adressée le 11 septembre 2013 et publiée dans le quotidien italien de gauche la Repubblica. Vingt jours plus tard, François fera une interview-dialogue avec le directeur athée du même journal.
Une stratégie efficace, avec rebond de 20% de la fréquentation des messes dans le monde, selon les chiffres publiés par Jeffrey Krames dans son livre « 12 leçons de leadership du Pape François ».
François en fait-il trop ?
Mais ces méthodes de communication, directement inspirées de celle de la Com’Pol, ne vont pas sans susciter des débats au Vatican et parmi les fidèles.
Sur certains forums catholiques, comme cite-catholique.org, on exprime ses inquiétudes : « à trop parler, on n’entend plus rien… », « l’agitation médiatique se fait toujours au détriment du fond », « on risque un dérapage majeur… ».
Les observateurs de la Curie, tels Stéphanie le Bars du Figaro, rapportent que la starisation du Pape et ses formules-chocs passent mal. Qualifié de populiste, de démagogue, de produit marketing, il choque des croyants et, surtout, agace le clergé, bousculé par son rejet du protocole.
Ainsi, en parlant aux masses, au nom d’une Église ouverte, François est devenu populaire; mais s’est éloigné de son cœur de cible. Un rebranding délicat du catholicisme, mené au risque d’une déconnexion avec base de clientèle. Mais n’était-ce pas le seul moyen de répliquer à l’offensive hypermédiatique des évangélistes, qui grappille à l’Église Catholique de plus en plus de parts de marché.