"On a vécu en vase clos avec nos certitudes, il faut casser cela" Valérie Accary – CLM BBDO

En collaboration avec CLM BBDO

La covid19 n’a laissé aucune entreprise intacte… Cette crise inédite nous a permis de nous poser de vraies questions. Des questions sur le sens de nos métiers. Sur la manière dont nous apportons la valeur. Mais aussi sur nos process de travail et nos relations aux autres.

Nous avons demandé à Valérie Accary, présidente de CLM BBDO, d’apporter sa vision sur les changements à opérer en tant qu’agence suite à la crise du covid.

 

– Dans un premier temps, les tournages publicitaires ont été largement impactés, puisqu’interdits durant le confinement. Comment relancer la production ? 

VA : Si certains tournages ont été repoussés, voire annulés pendant le confinement, on assiste aujourd’hui à la planification de plusieurs productions. Certains, comme pour UBISOFT, reprennent sur le même mode et avec la même ambition qualitative que début 2019 même si les contraintes liées au COVID restent encore nombreuses (lieux de tournage, distanciation, etc…).

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En parallèle, de nouvelles demandes ont émergé : certains clients nous ont demandé produire sans tournage – comment ré-utiliser le matériel existant ? Ou de façon générale, comment réduire au maximum les coûts. Comme dans de nombreux domaines, le COVID va accélérer les mutations. Il y aura à mon sens plusieurs mouvements : la nécessité de trouver des solutions technologiques pour des productions peu chères et adaptables va grandir. Mais il y aura aussi la place pour toujours plus d’’invention en production, la création étant de plus en plus mêlée à la technologie et à la production.

 

– Quel comportement adopter en tant qu’agence conseil auprès de ses clients pour les rassurer sur l’avenir ?

VA : Pour rassurer, il faut être proche et avoir construit une relation de confiance depuis longtemps. La confiance sera importante car, on le sait tous, on ne sait rien de l’avenir. Certains disent que l’économie va repartir plus vite que prévu, d’autres disent que cela va être dur pendant 5 ans… la vérité est sans doute entre les deux.

Notre rôle d’agence conseil est clef. Nous devrons faire grandir notre qualité de conseil stratégique, notre capacité à écouter les clients, les consommateurs, les gens. Il faudra aussi accompagner les clients même s’ils passent une mauvaise passe. J’ai envie de demander aux clients de faire de même : il faut qu’ils nous rassurent sur notre avenir également, en montrant qu’ils sont partenaires et solidaires de notre business d’agence. Cela veut dire : ne pas nous remettre en compétition cet été par exemple !

 

– La proximité et la confiance sont essentielles dans une relation agence / annonceur. Comment avez-vous géré la crise avec vos clients ? 

VA : Il fallait maintenir le lien, tout le temps. Nous avons accompagné nos clients sur les trois phases clefs : d’abord en étant proches d’eux quand il a fallu faire face, rapidement, à la nouvelle donne du confinement et revoir les plans de communication de façon immédiate. Puis en les accompagnant sur la meilleure attitude de marque et d’entreprise à avoir pendant le confinement : prendre la parole ou pas, agir ou pas… Enfin nous avons réfléchi ensemble à la sortie du confinement, à la posture de la marque qu’elle soit publicitaire, ou dans l’action.

Les positionnements des marques ne changent pas, mais la posture d’une marque face à une telle crise peut révéler des forces ou des faiblesses qui changent à jamais la relation entre une marque et ses consommateurs.

 

– Tout le monde nous parle du monde d’après. Mais c’est quoi, pour toi, le monde d’après ? 

VA : Le monde d’après, c’est un monde qu’on a tous envie de bouger même si cela va être sacrément difficile ! Pour ma part, je suis persuadée que la crise ne fait que renforcer des courants qui étaient déjà là.  Dans ce monde d’après, on sera tous d’accord, il y aura encore plus de technologie, en particulier dans les modes de communication et de consommation. Cela va impacter fortement notre métier de communicant car une grande partie des messages que les marques enverront à leurs consommateurs seront totalement développés, produits et envoyés technologiquement. Ce sera efficace et moins cher.

Dans ce monde d’après, il y aura en même temps des marques avec du sens, une utilité, un rôle dans la vie des gens. Cela fait longtemps qu’on le sait, une marque, c’est bien plus que les produits ou services qu’elles vend.

Mais cette crise va renforcer cette notion en exigeant des marques qu’elles agissent, inventent, prennent en charge. Vous voulez nous vendre vos produits ? faites quelque chose pour nous d’abord ! Et soyez inventifs …

Dans ce monde d’après, on aimera le local, ce qui est proche de nous, transparent, simple, qui nous fait passer de bons moments. Je serais intéressée par une étude qui travaille sur l’évolution de la valeur perçue des choses : est-ce que cette crise a changé notre échelle de valeurs dans la consommation ?

 

– Dans ce monde d’après, quel serait le rôle d’une agence de publicité ? 

VA : Bonne question. Malheureusement le mot publicité semble décalé et avoir vécu son âge d’or dans les années de la consommation de masse. Pourtant, à l’origine, la publicité, ce n’est pas juste la promotion d’un produit, c’est l’idée de « rendre public » un produit, mais aussi une marque, une idée, une action.  Pour éviter que notre rôle ne se réduise à la création de publicités, je préfère parler d’agence conseil pour les marques.  Les agences qui seront fortes demain seront celles qui sauront aider les marques à entrer en résonance avec cette période inconnue et difficile qui vient de commencer. La curiosité, la confiance seront essentielles. L’engagement, l’action le seront aussi. Les idées à ce titre seront beaucoup plus larges qu’une publicité.

 

– C’est quoi être une bonne communicante aujourd’hui, après le covid ? 

VA : C’est ne pas dire « je sais ce qu’il faut faire » mais plutôt aller écouter les gens, regarder la façon dont ils changent, ou pas, leur façon de consommer, de communiquer. Voir ce qui les motive, les rassure.

 

– On se dit souvent qu’en cas de coup dur, c’est le budget communication qui saute du côté d’un annonceur. Paradoxalement, les marques n’ont jamais eu autant besoin de communiquer. Comment vois-tu les choses de ton point de vue ?

VA : La crise va avoir un impact sur la communication c’est certain : un impact économique qui va abimer nos agences, plus ou moins fortement. Mais aussi un impact de transformation. On a trop souvent vécu en vase clos, avec nos certitudes. Il faut casser cela.

 

– Le futur doit être pensé aujourd’hui. Et ce sont les marques qui ont le pouvoir de faire évoluer les choses. Est-ce que tu te sens personnellement engagée dans cette nouvelle quête, visant à façonner le monde d’après ?  

VA : C’est une période intéressante qui s’ouvre à nous. La publicité a grandi avec la consommation de masse. On veut faire un monde où la consommation a plus de sens. Accompagner ce mouvement est passionnant.

 

– Le télétravail a également fait évoluer les mentalités. Il n’est désormais plus nécessaire d’être présent physiquement tous les jours. Certains disent que l’on a fait un bon de 5 ans en avant avec cette crise et ce travail en remote forcé. Tu en penses quoi ? 

VA : Je suis partagée. Nous avons mis en place le télétravail chez CLM BBDO il y a 2 ou 3 ans, donc j’étais vraiment favorable à ce mouvement. Cela a d’ailleurs très bien fonctionné. Pendant le confinement, cela s’est également bien passé. Mais… Point trop n’en faut. Attention à la perte du sentiment d’appartenance à l’entreprise, à l’isolation et au retour des femmes au foyer.

 

– Que garder de cette période de confinement pour améliorer la vie de ses collaborateurs et favoriser leur créativité ?

VA : Garder du temps hors de l’agence pour se nourrir et être curieux.

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