Brut, TikTok, Twitch, comment le Gouvernement parle aux jeunes

Article proposé par le Cabinet CLAI
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Les jeunes de moins de 30 ans consomment différemment l’information, à travers des réseaux sociaux spécifiques, rapidement labéllisés médias « jeunes ». Pour les atteindre sur les sujets qui les concernent et les mobilisent, comme le climat, les violences policières ou les discriminations, les politiques, et notamment le Gouvernement, sont tentés d’utiliser les mêmes médias.

La nouvelle génération semble en effet plus réceptive à un texte de présentation en 100 mots ou une vidéo de 2 minutes qu’à un article de deux pages ou à une conférence de presse d’une heure. En apportant du contenu et des informations via des plates-formes non traditionnelles, l’objectif ultime est de rendre la communication gouvernementale plus inclusive et diversifiée. Avec l’espoir, au-delà de celui de toucher la cible immédiate, de bénéficier du surcroît de modernité qu’apporte nécessairement tout ce qui touche à la jeunesse.

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Le dernier exemple en date est celui du Président de la République. Ce dernier a accordé une interview le 4 décembre dernier au média Brut, qui rentre incontestablement dans la catégorie des médias jeunes, au cours de laquelle il s’est exprimé sur plusieurs sujets d’importance nationale. Le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, utilise quant à lui régulièrement différents réseaux sociaux tels que Twitch, Instagram, Twitter, pour répondre aux questions des citoyens. On pourrait aussi citer d’autres tentatives plus décalées telles que la vidéo de Marlène Schiappa sur TikTok fin novembre. Mais quels que soient le média utilisé et la forme retenues, on peut s’interroger sur l’efficacité de ces interventions.

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Après analyse, le quasi-monologue d’Emmanuel Macron sur Brut n’a que peu apporté d’informations nouvelles aux jeunes et n’a pas fondamentalement été différent, dans la forme comme sur le fond, de ce qu’il aurait été sur un média plus traditionnel. La majorité de son propos concernant plus directement les jeunes avait d’ailleurs déjà été entendue lors de ses discours de campagne électorale de 2017. Il n’a eu en revanche que très peu de réponses autour des questions sur l’avenir des jeunes actifs à la suite de la crise sanitaire. De nombreux commentaires ont souligné la déception du public ciblé à l’égard des messages assez convenus et vagues développés sur les sujets économiques et écologiques.

Par ailleurs, des entretiens similaires avec Mediapart en 2016 et 2017 avaient déjà été diffusés en simultané sur Facebook, YouTube et Dailymotion.

Alors, si ni le fond ni le format n’ont vraiment été adaptés à ce nouveau média et à sa cible, pourquoi l’avoir choisi ? Parler « adulte » sur un média jeune est-ce réellement une façon de « parler aux jeunes » ? Au total, cette intervention semble avoir eu pour effet plus de donner une couleur « jeune » à la communication gouvernementale que d’engager une communication pour les jeunes. Cet entretien a surtout retenu l’attention des médias conventionnels : l’interview était notamment relayée sur les chaines d’information classiques.

Autre exemple intéressant à examiner : après Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon, la ministre déléguée, chargée de la Citoyenneté Marlène Schiappa a débarqué en novembre dernier, sur l’application de vidéos TikTok. Ce réseau social, plébiscité par les jeunes de moins de 25 ans, a pour objectif premier de divertir par le biais de vidéos musicales où les utilisateurs chantent en play-back sur des chansons connues ou des extraits sonores.

La première vidéo de la ministre, s’adresse, sur une musique de la chanteuse Beyonce, aux jeunes entrepreneurs, et plus particulièrement aux jeunes entrepreneuses, en parodiant le suisse Jean-Pierre Fanguin qui proposait au printemps dernier à chacun de gagner rapidement de l’argent grâce à son portable en promouvant une sorte de crypto-monnaie. Ce clin d’œil au buzz s’est avéré plus ridicule et déplacé qu’humoristique. Il suffit de voir les nombreuses réactions des utilisateurs de TikTok à la vidéo pour se rendre compte que les jeunes n’ont pas apprécié l’intrusion non sollicitée d’un membre du gouvernement dans un environnement de divertissement comme TikTok.

Même si elle a le sentiment de toucher les jeunes et d’entrer en conversation avec eux, ce que Marlène Schiappa n’a pas saisi, et elle n’est pas la seule à se méprendre, c’est qu’une action de communication doit porter un message pour être pertinente et efficace. Or cette vidéo et ce compte ne répondent pas à cet impératif. Pour un ministre, un réseau social de divertissement pour les jeunes n’est en outre pas nécessairement le bon endroit pour faire passer ses messages.

Et pourtant, toutes les tentatives du Gouvernement sur les réseaux sociaux ne sont pas nécessairement vouées à l’échec. Comme mentionné précédemment, les exercices réguliers de Gabriel Attal de décodage de la législation gouvernementale et de réponses à des questions de fond montrent ce que l’utilisation de médias sociaux comme Twitch peut apporter. En octobre dernier, le porte-parole du Gouvernement a donné rendez-vous avec la Youtubeuse EnjoyPhoenix sur son stream afin de sensibiliser les jeunes sur l’aggravation de la situation sanitaire. Les messages sont clairement développés. Des lives sur Instagram, des questions/réponses sur Fun Radio ou Virgin Radio, ont permis de diffuser et d’expliciter les actions du Gouvernement. Et c’est probablement dans une approche de ce type que réside la clé pour mobiliser les médias sociaux de manière appropriée et utile.

En vue de l’élection présidentielle 2022, de plus en plus de politiques vont sans doute s’emparer de TikTok ou de Twitch, comme cela fut le cas aux Etats-Unis lors de la dernière campagne présidentielle. Cependant, au-delà des différences entre les jeunes Français et les jeunes américains, il sera nécessaire de s’adapter aux codes de ces réseaux et développer des messages pertinents. Pour s’adresser aux jeunes, il ne suffit pas de créer un compte TikTok ou d’être interviewé sur Brut. Il est aussi nécessaire d’entrer en conversation avec eux, et, pour cela, de s’adapter à leurs enjeux et à leurs attentes, en développant des messages qui y répondent.

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